UNIVERSITES

Grade licence : le cahier des charges se dévoile peu à peu

Le projet d’arrêté « relatif au cahier des charges des grades universitaires de licence et de master » a été présenté le 19 novembre au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER). Il conduit notamment à préciser les conditions dans lesquelles le grade de licence pourra ou non être attribué aux formations de type « bachelor » conformément aux recommandations du rapport de Jacques Biot et Patrick Levy. Ce projet de cahier des charges reprend le contenu d’un texte précédent, est étoffé sur deux points :

  • les critères d’évaluation des diplômes et des formations sont enrichis et regroupés par thèmes qui recouvrent les grandes missions du service public de l’enseignement supérieur
  • sont ajoutés un volet sur la politique sociale de l’établissement porteur de la formation, comprenant le principe d’une levée des barrières sociales et économiques d’accès à la formation en mobilisant à la fois les moyens de l’Etat (bourses) et ceux développés spécifiquement par l’établissement, et un volet sur l’ouverture internationale.

La deuxième grande évolution concerne la définition d’indicateurs associés aux différents critères, permettant de « rendre le cahier des charges plus explicite pour les établissements qui connaîtront désormais précisément les éléments pris en compte pour l’attribution du grade ».

Quels diplômes peuvent être gradés ? Comment le précise le projet d’arrêtés « les grades universitaires peuvent être accordés à d’autres diplômes délivrés au nom de l’Etat ou à des diplômes d’établissements publics ou privés, dès lors qu’ils contribuent aux objectifs du service public de l’enseignement supérieur définis à l’article L. 123-2 du code de l’éducation ».

C’est important on ne parle plus uniquement de diplômes permettant une poursuite d’études. Il est en effet précisé que « les diplômes ou certifications visent plus spécifiquement la poursuite d’études ou l’insertion professionnelle directe des diplômés et peuvent articuler ces deux objectifs. Les établissements doivent justifier spécifiquement des moyens mis en œuvre et des résultats obtenus ».

Chaque grade sera attribué après examen d’un dossier répondant aux conditions ci-dessous que nous vous résumons ici :

1 – Garantir la qualité académique et un adossement à la recherche. Le projet d’arrêté précise que le grade universitaire atteste « l’acquisition d’un socle de connaissances et de compétences dans un champ disciplinaire ou pluridisciplinaire et sanctionne une formation assise sur les connaissances les plus avancées au niveau de qualification considéré ».

Il permet de distinguer un niveau de qualité particulier notamment attesté par la « qualité des contenus de formation, respectivement au niveau licence et au niveau master, l’ingénierie pédagogique, la qualité du corps enseignant, le lien à la recherche et la qualité des partenariats à l’œuvre ». Dans ce cadre, le « lien entre la formation et les activités de recherche et d’innovation, quelle qu’en soit la nature, contribue à garantir le niveau de qualité souhaité pour la collation du grade et l’actualité des savoirs et compétences enseignés ».

C’est un autre point central qui risque de mettre en porte-à-faux la plupart des écoles de management : l’arrêté précise qu’à cet effet, la « participation de l’établissement à une politique de site au sens de l’article L718-2 du code de l’éducation ou de l’ordonnance n° 2018-1131 du 12 décembre 2018 relative à l’expérimentation de nouvelles formes de rapprochement, de regroupement ou de fusion des établissements d’enseignement supérieur et de recherche et la présence significative de personnels enseignants-chercheurs au sein de l’équipe pédagogique permanente contribuent à garantir le respect de ces critères de qualité ».

Pour le grade de licence, l’établissement est plus particulièrement invité à détailler :

  • la pertinence du cursus et de la certification au sein de l’offre du site ;
  • la réponse à des besoins de formation avérés ;
  • la prise en compte adaptée des profils de formation et des parcours antérieurs des étudiants ;
  • l’initiation à la recherche.

2 – Préparer l’insertion professionnelle. La mise en œuvre d’une « approche par compétences, la qualité des partenariats avec le monde professionnel, la présence de modules de professionnalisation et de périodes d’expérience en milieu professionnel, ainsi que la production de projets de fiches RNCP de qualité, la construction de blocs de compétences seront prises en compte, tout particulièrement pour les formations visant spécifiquement à garantir une insertion professionnelle directe ».

L’établissement détaille les modalités d’accompagnement des étudiants pour favoriser une expérience en milieu professionnel, notamment concernant les étudiants boursiers et les étudiants en situation de handicap, ainsi que celles qui contribuent à leur insertion professionnelle.

Quel que soit l’objectif visé prioritairement par la formation, un dispositif de suivi de cohorte et d’insertion des diplômés est mis en place.

Pour le grade de licence, il conviendra plus spécifiquement de « développer les compétences transversales indispensables à l’insertion professionnelle :

  • la capacité à communiquer et à argumenter de façon orale et écrite ;
  • la capacité à manier les outils numériques les plus couramment utilisés dans le monde professionnel ;
  • la maîtrise d’au moins une langue vivante étrangère.

3 – Favoriser la réussite de tous les étudiants. L’arrêté précise ici que « les formations conduisant à des diplômes conférant un grade universitaire sont adaptées aux différents profils des étudiants accueillis; l’organisation pédagogique des cursus est définie en fonction de leur formation antérieure, de leur statut (formation initiale, apprentissage, formation continue) et de leurs profils particuliers. » Des dispositifs d’accompagnement pédagogique ou des parcours de formation personnalisés sont « mis en place pour répondre à leurs besoins et favoriser leur réussite ».

4 – Définir une politique sociale pour permettre l’accès de tous à la formation. Afin de « favoriser la promotion sociale et d’assurer, à toutes celles et à tous ceux qui en ont la volonté et la capacité, l’accès aux formations les plus élevées de la culture et de la recherche », les établissements sollicitant un grade universitaire présentent « les dispositifs d’accompagnement mis en place pour lever les barrières autres que celles liées aux résultats académiques, au parcours antérieur et au projet des candidats ».

L’établissement s’appuie pour cela tant sur les dispositifs mis en place par l’Etat que sur sa politique spécifique. Cette politique sociale « intervient dans le champ de l’aide sociale, visant à corriger les disparités de revenus, mais aussi, le cas échéant, dans le champ du logement, de la restauration, de l’accès à la culture ou de la mobilité géographique nationale ou internationale ».

Modalité d’acquisition de connaissances et de compétences, la « voie de l’apprentissage peut favoriser la diversité sociale au sein de la formation présentée ».

5 – Inscrire son offre de formation dans la politique de site. C’est un point crucial qui peut être pris en compte pour le grade master mais dont on voit encore mal comment il pourrait être considéré pour le grade licence dans l’état des accords à ce niveau entre Grandes écoles et universités. Pour participer au développement de l’attractivité et du rayonnement des territoires au niveau local et régional, l’établissement est en effet poussé à « développer des synergies avec ses partenaires, notamment par l’inscription dans une politique de site ».

Pour ce faire l’établissement « présente la cohérence et la complémentarité du diplôme dont il souhaite qu’il puisse conférer le grade avec d’une part ses autres diplômes, notamment les diplômes nationaux pour lesquels il est accrédité, et d’autre part avec l’offre de formation des différents établissements du site. » Il fait par ailleurs é »tat des partenariats développés pour la mise en œuvre de la formation avec ses partenaires publics ou privés et autres collaborations qu’il entretient avec ces derniers : conventions, travaux de recherche, formations conjointes ».

6 – Favoriser la mobilité internationale. C’est sans doute le point le plus simple pour les écoles de management. Mais qu’en est-il pour les futurs bachelors universitaires de technologie comme pour les bachelors des écoles d’ingénieurs ? Dans le contexte de concurrence internationale des formations, les formations conférant un grade doivent « participer à la construction de l’espace européen de l’enseignement supérieur et contribuent à la coopération internationale ».

7 – Mettre en œuvre une démarche qualité afin d’assurer l’amélioration continue de la formation. Des dispositifs d’évaluation de la formation sont « mis en œuvre dans le cadre d’une démarche qualité au sein de l’établissement. Une évaluation externe est conduite dans le cadre fixé à l’article L. 114-3-1 du code de la recherche.

Les indicateurs associés aux conditions d’attribution du grade sont définis ainsi :

  1. Adosser la formation à la recherche :
  • nombre et part des enseignants permanents dans la formation ;
  • nombre et part des enseignants docteurs, de la ou des disciplines pertinentes, dans la formation ;
  • nombre et part des personnels enseignants-chercheurs, de la ou les disciplines pertinentes, dans le corps enseignant de la formation ;
  • nombre et qualité des publications scientifiques par enseignant du programme autres indicateurs de productions scientifiques (brevets…) liés aux domaines de formations correspondant au diplôme ;
  • nombre de diplômés s’inscrivant dans le diplôme de niveau supérieur (niveau master ou doctorat).
  1. Préparer l’insertion professionnelle :
  • part des professionnels issus du monde socioéconomique du programme taux d’emploi à 6 mois et à 1 an des diplômés du programme ;
  • taux de poursuite d’études à un niveau supérieur ;
  • part des diplômés en emploi en CDI à 6 mois et à 1 an.
  1. Favoriser la réussite de tous les étudiants :
  • part des étudiants en situation de handicap ;
  • part des étudiants en apprentissage ;
  • part des étudiants bénéficiant d’un accompagnement pédagogique ou d’un parcours de formation personnalisé.
  1. Définir une politique sociale pour permettre l’accès de tous à la formation
  • part des étudiants boursiers sur critères sociaux ;
  • part des étudiants du programme soutenus par l’établissement ;
  • montant des aides de l’établissement distribuées au sein du programme.
  1. Inscrire son offre de formation dans la politique de site :
  • part des étudiants du programme poursuivant leurs études dans les formations du site hors de l’établissement d’origine ;
  • part des enseignants-chercheurs de la formation inscrits dans les équipes de recherche du site ;
  • nombre de projets de recherche dans le domaine de la formation partagés avec d’autres établissements de formation et de recherche du site.
  1. Favoriser la mobilité internationale :
  • part des étudiants en mobilité entrante / sortante ;
  • part des enseignants-chercheurs et enseignants en mobilité entrante / sortante ;
  • nombre et qualité des partenariats étrangers.
  1. Mettre en œuvre une démarche qualité afin d’assurer l’amélioration continue de la formation :
  • fréquence des enquêtes
  • proportion des répondants

 

LA PERSONNALITE

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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