ECOLE D’INGÉNIEURS

« 75% des cours de première année sont communs à tous les Insa »

Né en 2014 la fusion de l’ENI Val de Loire et l’Ensi Bourges, l’Insa Centre Val de Loire est le dernier Insa créé en France, en 2015 l’ENSNP intègre l’INSA. Son directeur, Jean Marie Castelain, nous explique comment il se développe au sein du « modèle Insa ».

Olivier Rollot : Qu’est-ce qui a amené à la création d’un nouvel Insa en 2014 ?

Jean-Marie Castelain : La fusion de l’ENI Val de Loire et l’Ensi Bourges a donné l’opportunité au groupe Insa de s’implanter dans une région qui était à la fois la cinquième en France en termes de développement industriel et seulement la 15ème pour la place qui occupaient les écoles d’ingénieurs quand nous avions encore 22 régions en France métropolitaine. S’est ajoutée ensuite à cet ensemble l’Ecole nationale supérieure de la nature et du paysage de Blois, et son diplôme de paysagiste, que l’Etat voulait voir intégré à une école dans la perspective de la création du diplôme d’Etat de paysagiste (DEP). Aujourd’hui elle est devenue l’un de nos départements sous le nom d’”Ecole de la nature et du paysage”. C’est un vrai enrichissement pour nous comme ça l’est pour l’Insa Strasbourg d’avoir une école d’architecture en son sein.

O. R : Qu’est-ce qui caractérise tous les Insa ?

J-M. C : 75% des cours de première année sont communs à tous les Insa, cette règle est, bien entendu, appliquée chez nous. Nous ne proposons pas de cycle préparatoire, dès la première année nos élèves sont des élèves ingénieur. Il est possible ensuite d’intégrer des sections spécialisées dès cette première année, comme celle bilingue internationale enseignée à 70% en anglais. 19% de nos étudiants sont internationaux, ces étudiants sont, en très grande majorité, inscrits dans des formations d’ingénieur diplômantes et obtiennent ainsi un double diplômes. Ils sont de 32 nationalités et des continents africains, européens, américains et asiatiques. Le développement de l’international, en formation et en recherche, fait partie de la stratégie du Groupe INSA dont j’assure la vice-présidence pour les relations internationales.

O. R : Les Insa proposent également des parcours « à la carte » pour des profils un peu atypiques.

J-M. C : Nous construisons un partenariat avec le Conservatoire de musique de Tours dans le cadre d’une filière « musique-études » qui permet de conjuguer études d’ingénieur et de musique avec deux années de cursus supplémentaires. Nous le proposons également à des sportifs de haut niveau et sommes en train de travailler avec l’Ecole nationale supérieure d’art de Bourges pour mettre au point le même type de doubles diplômes. C’est important de faire communiquer les cerveaux droit et gauche pour sortir du cadre, pour être analogiques autant que déductifs.

O. R : Les Insa ont eu dès leur création un rôle d’ascenseur social. Est-ce toujours le cas ?

J-M. C : Hors alternants et étudiants étrangers, 35% de nos étudiants sont boursiers. Pour les autres le cursus ne coûte que 610€ par an. De plus 220 de nos étudiants sont en alternance et obtiendront exactement le même diplôme que les autres.

O. R : D’où viennent vos candidats ? De quels bacs ?

J-M. C : De toute la France, entre autres grâce à une « marque » Insa qui les attire. Seulement 11% viennent de la région Centre Val de Loire mais 19% restent ensuite travailler dans la région. Nous développons les contrats de professionnalisation pendant la dernière année pour fixer les étudiants dans la région. Nous avons ainsi un véritable impact sur notre territoire pendant et après le cursus.

Ce sont tous des bacheliers S. Chaque promotion est composée de 60% d’étudiants qui ont intégré l’école en première année et 40% en troisième année. L’admission en troisième année est ouverte aux étudiants des classes préparatoires sur la base d’un concours spécifique et concernent également les candidats titulaires d’un DUT, d’une licence, d’un diplôme étranger équivalent pour les admissions sur titres.

O. R : Vous pourriez en recevoir plus ?

J-M. C : Nous manquons de place dans nos locaux et allons bénéficier en 2020 d’une extension avec le concours de l’Etat et des collectivités. De plus les collectivités territoriales vont construire deux gymnases, un par campus, pour nos deux heures de sport obligatoires chaque semaine. C’est très important pour nous de développer l’esprit d’équipe de nos étudiants.

O. R : Beaucoup d’enseignants sont inquiets de la baisse du niveau en sciences des bacheliers. Qu’en pensez-vous ?

J-M. C : C’est effectivement un souci et nous devons donner des cours de soutien en première année à des bacheliers S dont 75% ont pourtant obtenu des mentions Bien et Très bien. En fait beaucoup ne savent pas vraiment ce qui les attend, leur enseignement scientifique au lycée n’est pas toujours adapté.

O. R : Après leur diplôme combien de vos étudiants poursuivent un cursus en doctorat ?

J-M. C : Faut-il mieux travailler tout de suite après son diplôme d’ingénieur ou aller en doctorat ? Dans les faits, le doctorat est souvent une solution de repli pour des étudiants qui ne trouvent pas d’emploi. Pour autant ces vertus professionnelles sont évidentes, une sorte d’extension du compagnonnage. J’ai, par exemple précédemment dans mes activités eu le plaisir d’accompagner un apprenti jusqu’au doctorat.

La recherche est importante pour nous, très liée à la formation, et nous coopérons avec les universités de Tours et Orléans dans des laboratoires en co-tutelle. Nous allons ensemble créer bientôt un laboratoire de mécanique. En tout nous recevons 45 doctorants avec toutes sortes de contrats (région, Cifre, co-tutelle de thèse, financements internationaux, etc.) avec des partenariats internationaux, que ce soit la Chine ou bien l’Indonésie.

O. R : Les entreprises vous accompagnent dans cet effort de recherche ?

J-M. C : 13% de notre budget – 22 M€ – provient de nos fonds propres qui ont plus que doublé en 2 ans et qui vont des contrats de recherche aux contrats d’alternance. En 3ème et 4ème année nous proposons à nos étudiants de participer à des missions de recherche proposées par les entreprises. Ensuite elles peuvent financer des doctorats comme par exemple cette entreprise qui voulait en savoir plus sur l’Inde avant de s’y implanter. Le fonds de dotation récemment créé contribue à ce développement.

O. R : Cette dimension internationale est de plus en plus importante pour votre Insa ?

J-M. C : Bien sûr mais l’étudiant français n’est pas forcément un « cador » en langue. Notre objectif doit être de faire croitre le nombre de doubles diplômes avec des universités étrangères. Mais même ceci leur paraît difficile, parce que l’investissement de 6 mois ou 1 an de plus leur semble excessif, les étudiants ont tout à apprendre d’une expérience internationale qui est chez nous de 4 mois obligatoire. Le multiculturalisme permet de comprendre les limites que notre propre culture nous impose de manière inconsciente. Sortir du cadre, être innovant, c’est justement cela être ingénieur !

O. R : On parle beaucoup du développement de l’entrepreneuriat chez les jeunes aujourd’hui. Soutenez-vous vos étudiants entrepreneurs ?

J-M. C : Nous sommes membres fondateurs d’un PEPITE (pôle étudiant pour l’innovation, le transfert et l’entrepreneuriat) qui est le deuxième plus actif de France, ce qui nous plaçait début 2016 e à la toute première place des grandes écoles les plus actives en matière d’entrepreneuriat. Avec notre fonds de dotation nous pouvons même financer nos étudiants pour qu’ils montent leur projet d’entreprise à la place de leur stage de fin d’études. Les entreprises et la région nous accompagnent également.

 

O. R : Votre Insa a quitté la Communauté d’universités et d’établissements (Comue) Léonard-de-Vinci en même temps que les universités d’Orléans et Tours. Allez-vous en reformer un autre ensemble ?

J-M. C : Le retrait de la Comue Léonard de Vinci est voté par nos conseils d’administration et nous souhaitons construire une Comue en Centre-Val de Loire en associant les organismes de recherche. Ensemble nous représentons 55 000 étudiants et avons déjà des écoles doctorales en commun.

 

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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