ORIENTATION / CONCOURS

Intégrer une école d’art : gros plan sur les classes préparatoires publiques

Arts déco, Beaux-Arts de Paris ou l’Ecole nationale supérieure de création industrielle, méconnues les classes préparatoires publiques aux écoles supérieures d’art préparent à l’entrée dans 45 écoles. Les explication d’Emmanuel Hermange, président de l’Association nationale des prépas publiques aux écoles supérieures d’art (APPÉA). (Photos : portrait : © F. Prat / Les Arcades ; situation de cours : © Les Arcades)

Olivier Rollot : Vous présidez l’association qui fédère les classes préparatoires publiques aux écoles supérieures d’art. Qui êtes-vous ?

Emmanuel Hermange : Nous sommes un réseau de vingt écoles dont dix-sept dépendent de collectivités territoriales et trois d’écoles supérieures d’art. Ce qui ne signifie nullement dans ces dernières qu’il suffit d’y faire sa prépa pour les intégrer ensuite. En fait toutes nos écoles préparent à l’entrée dans l’ensemble des écoles supérieures d’art et de design françaises publiques mais aussi européennes.

O. R : Comment sont organisées ces classes préparatoires ?

E. H : Elles comptent entre 20 et 30 élèves qui suivent un an de cours (sans possibilité de redoubler) et intègrent à 95 / 100% une école d’art ensuite. Un peu moins de 10% intègrent d’autres types de formations (BTS, CAP, etc.). Nous leur permettons de découvrir ce qu’est une école d’art et de design en s’imprégnant de la culture d’atelier qui y règne. Ce qu’est l’autonomie nécessaire, l’engagement qu’il y a à mettre l’art au cœur de sa vie, de sans cesse se sculpter soi-même. Nos petits effectifs nous permettent de suivre individuellement chaque élève. De plus nous sommes présents dans des zones où les classes préparatoires privées ne s’installent pas, des territoires où les jeunes ne pourraient pas intégrer une école sans nous.

Emmanuel Hermange

O. R : Quelle différence avec les MANAA (mise à niveau en arts appliqués) qui disparaissent d’ailleurs à la prochaine rentrée pour être remplacées par le « Diplôme national des métiers d’arts et du design », le DNMADE ?

E. H : Nous ne préparons pas aux mêmes écoles. Les MANAA préparent à des formations courtes d’arts appliqués (BTS et DMA) où la dimension « métier » est très présente dans l’apprentissage. Nous aux écoles d’art et de design conduisant au Master où les notions d’expérimentation, de projet et d’auteur sont davantage mises en avant. Nos critères pédagogiques sont élaborés en concertation avec le ministère de la Culture quand les MANAA dépendent du ministère de l’Education. Résultat : dans Parcoursup, les élèves qui ont fait une année de prépa ont peu de chance d’être accepté dans les formations d’arts appliqués. Cela serait plus simple si nous dépendions du même ministère comme c’est le cas dans les pays anglo-saxons.

O. R : Comment cette différence se traduit-elle dans vos enseignements ?

E. H : L’enseignement est un peu plus scolaire en arts appliqués. En classe préparatoire, la pédagogie insiste sur l’expérimentation en tous sens. On se prend beaucoup en charge tout en étant encadré. On parle tout de suite de recherche.

O. R : Quels type d’élèves recrutez-vous ?

E. H : Les trois quart sont des bacheliers généraux. Un quart sont des bacheliers L option arts plastiques mais nous avons également de plus en plus de S qui n’ont suivi aucune option artistique, même légère. Les autres viennent d’un peu partout. Jusqu’à un ingénieur de Supélec qui voulait se réorienter.

O. R : Êtes-vous présents sur Parcoursup ?

E. H : Pas cette année mais nous y réfléchissons. Ce serait utile pour notre visibilité mais cela nous demandera d’adapter quelque peu nos procédures de recrutement.

O. R : C’est difficile d’intégrer une classe préparatoire artistique ?

E. H : Les classes préparatoires implantées dans les grands bassins urbains, reçoivent jusqu’à 300 candidatures pour 30 places. Il faut s’affranchir du côté très bon élève et la plupart d’entre nous ne demande d’ailleurs pas à voir le dossier scolaire. Nous rencontrons les candidats pour déceler ceux qui ont une certaine dose de singularité. Ils nous présentent quelques travaux mais cela ne constitue pas encore un dossier très élaboré. Les dessins qui occupent les marges de cahiers de cours ou des vidéos encore maladroites faites au téléphone portable peuvent en faire partie.

O. R : Il faut bien savoir dessiner ?

E. H : Pas forcément. Dans une école d’art aujourd’hui le dessin n’est pas primordial. Ce n’est pas un art premier à partir duquel tout découle. On apprend à travailler à partir du dessin mais ce n’est pas la seule chose qui nous intéresse. Nous ne donnons par exemple pas systématiquement de cours de perspective. Les neuf mois que nous avons sont tout entier consacrés à l’expérimentation pour préparer les concours dès février.

O. R : A quelles écoles préparez-vous ?

E. H : Aux 45 écoles supérieures d’art et de design françaises et à leurs homologues européennes. Certaines ne proposent que l’option art tandis que d’autres ont également des options design, illustration, scénographie, aménagement du territoire, etc. Chaque école a son concours et on ne peut donc pas tous les préparer. Notre travail c’est aussi d’orienter nos élèves vers les écoles qui leur conviennent. On constate néanmoins que ce sont surtout les étudiants des classes situées dans les grands bassins urbains qui tentent les grandes écoles comme les Arts déco, les Beaux-Arts de Paris ou l’Ecole nationale supérieure de création industrielle. Ces écoles cherchent d’ailleurs à modifier cela afin d’augmenter la diversité de leurs étudiants et nous réfléchissons avec elles à des solutions.

Nous préparons également aux écoles européennes comme la Haute école d’art et de design à Genève, La Cambre à Bruxelles, Central Saint-Martin à Londres, etc. Aux Arcades, la classe préparatoire que je dirige à Issy-les-Moulineaux, les élèves intègrent de plus en plus la Gerrit Rietveld Academie à Amsterdam.

O. R : La concurrence des classes préparatoires privées est-elle rude ?

E. H : Nous sommes face à des institutions qui recrutent 600 élèves et leur font payer 9 000 € par an et beaucoup de familles sont malheureusement persuadées que, puisque c’est cher, c’est mieux. Mais derrière il n’y a que 2 000 places à prendre par an sur toute la France.

O. R : Quels prix pratiquent les prépas publiques ?

E. H : De 250 à 1 500€ selon les prépas. Ce sont le plus souvent les collectivités territoriales qui les financent entièrement et qui favorisent ainsi la diversité sociales et géographiques au sein des écoles d’art.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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