ECOLE D’INGÉNIEURS

« Nous allons casser le silotage chimie / mécanique à la prochaine rentrée »: Sophie Commereuc (Sigma Clermont)

Sophie Commereuc directrice de Sigma Clermont

Mais oui les fusions cela fonctionne ! Directrice de Sigma Clermont, Sophie Commereuc est depuis trois ans à la tête de la fusion de deux écoles clermontoises pourtant très différentes : l’une en chimie, l’autre en mécanique. Démonstration par l’exemple de comment la valeur d’une école vient aussi de la complémentarité de ses éléments…

Sophie Commereuc

 Olivier Rollot : Il y a maintenant 3 ans qu’est née Sigma Clermont de la fusion de deux écoles d’ingénieurs clermontoises (ENSCCF & IFMA) : l’une spécialisée dans la chimie, l’autre dans la mécanique. Que vous apporte cette double compétence ?

Sophie Commereuc : Aujourd’hui nous pouvons conjuguer les expertises en chimie et mécanique. Depuis janvier dernier nous coordonnons ainsi, pour le compte de douze partenaires de toute l’Union européenne et d’entreprises comme Tetra Pak, le programme européen H2020 TERMINUS. Appelé à révolutionner le recyclage des emballages multicouches plastiques, il met à profit nos deux compétences. Spécialistes de la mécanique, de la chimie, des matériaux et même de la biologie – des enzymes vont pouvoir dégrader les adhésifs entre les couches – sont réunis dans ce projet.

O. R : C’est d’autant plus impressionnant que les établissements d’enseignement supérieur français ont la fâcheuse réputation de ne pas participer suffisamment aux programmes de recherche européens…

S. C : Sur un volet administratif aussi il faut une certaine taille critique que nous a apporté notre fusion. Auparavant nous participions à des projets. Aujourd’hui nous les coordonnons. Alors effectivement il y a des freins en France face à ces projets auxquels nous ne participons pas suffisamment. Il existe une certaine frilosité devant des taux de réussite qui n’apparaissent pas assez hauts mais sont en fait proches de ceux des projets déposés à l’Agence nationale de la recherche (ANR). Il faut se créer un réseau à l’échelle européenne et s’appuyer dessus si on veut développer des projets comme celui que nous coordonnons. Ce type de projet impose des rencontres régulières des membres du consortium, tous les 6 mois, qui constituent autant d’occasions de mettre en place d’autres types de coopération.

O. R : Jusqu’où êtes-vous allés dans le rapprochement des cursus en chimie et mécanique ?

S. C : Nous n’avions pas encore touché aux maquettes de nos diplômes. Même si nous continuons à former des experts dans chaque spécialité, nous allons casser le silotage chimie / mécanique à la prochaine rentrée en présentant de grands domaines. A niveau des années 2 et 3 du cycle ingénieur, nous allons également ouvrir une spécialité hybride pour former des étudiants possédant une double expertise.

Nous allons définir quatre grands domaines pour former des ingénieurs chimistes, en mécanique avancée ou hybrides : « structure et machines innovantes » (spécialistes de la mécanique avancée), « matériaux », « ingénierie des ingrédients actifs » (spécialistes de la chimie pour le vivant) et « conception et pilotage de l’usine du futur ».

C’est au sein de ce 4° domaine que les élèves-ingénieurs de chimie ou de mécanique pourront choisir la spécialisation « Procédés et systèmes industriels », basée sur l’hybridation du génie des procédés, de la conception des systèmes de production et de l’organisation des unités de production.

Par ailleurs un partenariat avec l’IFOCA, permet l’hybridation des compétences en matériaux issues de la chimie et de la mécanique au service du secteur des caoutchoucs et élastomères.

O. R : Vous n’êtes pas qu’une école post prépas. Vous dispensez également un cycle en deux ans postbac. Comment va-t-il évoluer avec la réforme du lycée et du bac ?

S. C : Nous opérons effectivement le cycle préparatoire en chimie (CPI) de la Fédération Gay-Lussac, qui assure 30% de notre recrutement en chimie. Il va devoir évoluer tout en recevant des étudiants passés par différentes spécialités du lycée pour ne pas donner le sentiment qu’il n’y a qu’une seule voie d’accès.

O. R : Sigma Clermont fait partie des rares écoles à avoir ouvert un bachelor. Qu’apporte-t-il à vos étudiants ?

S. C : Nous en avons même ouvert deux le premier avec l’UIMM – et l’autre avec un lycée d’Aurillac à la demande du tissu industriel local. Dans les deux cas il faut déjà posséder un diplôme de niveau bac+2 pour les intégrer. Ces bachelors correspondent à un niveau d’études bac+3 qui sanctionne des compétences professionnelles (un CQPM est délivré parallèlement) pour une insertion immédiate dans l’entreprise. L’année que nous ajoutons permet de conforter les compétences et d’ouvrir le champ de vision des étudiants sur des postes de cadres intermédiaires. Ils pourront ainsi mieux évoluer ou reprendre des études. Nous attendons de pouvoir délivrer en plus un grade de de licence.

O.R : Vous êtes également présidente de la commission communication de la Conférence des Grandes écoles qui vient de présenter un nouveau logo. Il s’agit pour vous de mieux vous inscrire dans les débats citoyens ?

S. C : C’est un logo dynamique et moderne à l’image de la CGE qui est de plus en plus écoutée. Il faut encore que nous luttions contre une représentation trop réductrice des Grandes Écoles, qui sont présentes dans toutes les régions et accessibles à tous. Mais il y du mieux : aujourd’hui les PME viennent plus facilement frapper à nos portes pour recruter et travailler ensemble. Ici à SIGMA Clermont nous avons créé un mastère spécialisé accrédité CGE « Data sciences pour l’ingénierie » à la demande de PME qui nous ont aidé à mettre au point et interviennent auprès des apprenants.

O. R : Comment Sigma se positionne-t-elle dans l’organisation de l’enseignement supérieur clermontois ?

S. C : Après la fusion des universités Clermont 1 et 2 nous avons choisi une association comme mode d’organisation territoriale, dont l’université est le chef de file, et à laquelle les écoles (SIGMA Clermont, VetAgroSup, le Groupe ESC Clermont, les écoles d’architecture et d’art) sont associées. Ce n’est pas une coquille vide, ensemble nous définissons une politique de site et avons mutualisé certains services comme les services à la vie étudiante et plus récemment la médecine de prévention.

Dans le cadre de l’Isite CAP 20-25 que nous avons obtenu en 2017 nous allons maintenant évoluer vers une université expérimentale comme le permet l’ordonnance parue fin décembre. Élargi à deux école d’ingénieurs internes de l’université (Polytech Clermont et Isima), SIGMA Clermont en sera un « établissement composante ». Nous allons ainsi constituer un pôle d’ingénierie à partir de la personnalité morale de SIGMA Clermont. D’ici l’été prochain nous allons définir les modalités d’organisation, prérogatives et subsidiarités pour une création de cette nouvelle université expérimentale, profondément transformée, en 2021, à mi-parcours du projet Isite CAP 20-25.

Dans ce cadre nous revoyons profondément les modalités d’organisation de l’université avec la volonté de donner de l’agilité à l’ensemble et de se rapprocher du monde socio-économique. Des entreprises comme Michelin ou Limagrain veulent voir évoluer nos capacités à travailler ensemble.

O. R : Avez-vous d’autres collaborations ?

S. C : Notre objectif est de travailler dans une logique de coopération basée sur des complémentarités. Nous le montrons à l’international avec la coordination de notre projet européen comme en France. Nous travaillons à une association avec l’IMT (Institut Mines Télécom) et avons de longue date des coopérations étroites avec l’Ecole des Mines Saint-Etienne sur plusieurs champs de nos missions. Nous développons des formations en commun avec le Groupe ESC Clermont, et plus récemment l’Estia Bayonne.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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