ECOLES DE MANAGEMENT

« J’ai trouvé à l’ISC Paris un souffle particulier »

Directeur de l’ISC Paris depuis octobre 2017, Henry Buzy-Cazaux entend s’inscrire dans le projet initial d’une école qui a toujours été proche des entreprises. Le regard d’un spécialiste de l’immobilier reconnu qui démarre tout juste une vie de directeur d’école de management.

Olivier Rollot : Après en avoir été trésorier depuis 2013, vous dirigez l’ISC PARIS depuis le mois d’octobre. Quel premier bilan pouvez-vous tirer de ces cinq premiers mois ?

Henry Buzy-Cazaux : J’ai trouvé à l’ISC Paris un souffle particulier incarné par une équipe de 150 personnes qui portent ensemble l’identité de l’école. Une école membre de la Conférence des grandes écoles, EESPIG (établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général) et reconnue dans les classements comme l’une des bonnes écoles de management de milieu de tableau. Nous n’avons pas à rougir de notre positionnement et des cadres des trois principales éclose françaises nous rejoignent d’ailleurs régulièrement.

En fait et, depuis notre fondation en 1963, nous suivons les préceptes de notre fondateur, Paul Icard, pour lequel une école devait être proche de l’entreprise, et, osons le dire, du commerce toujours caractérisé par le « C » de notre sigle. Beaucoup d’écoles l’ont rejeté pour ne parler que de management et ce n’est pas notre cas.

O. R : Comment se caractérise cette proximité avec l’entreprise dans l’enseignement de l’ISC Paris ?

H. B-C : D’abord par le concept d’« entreprise étudiante » qui contribue à 50% du temps pédagogique. Une vie associative intégrant l’entrepreneuriat que nous devons au fondateur (Paul Icard), dont l’intuition a été respectée et développée depuis 55 ans. L’inspirateur de notre stratégie nous a dotés d’une seconde différence forte  : féru de psychologie, il a voulu que nous respections les personnalités et que nous ne les uniformisions pas. Pour nous la personnalité doit absolument être utilisée comme un levier d’épanouissement. Dans cet esprit la diversité de notre recrutement – jusqu’à 50% de boursiers en bachelor – est un atout majeur. C’est notre fierté de voir que les profils issus de la diversité que nous formons connaissent ensuite de très belles réussites professionnelles.

Nous sommes aussi une école au sein de laquelle on apprend la modestie, l’humilité, au sein d’entreprises étudiantes qui accordent une place particulière à l’échec. Il faut savoir tâtonner, échouer, se reprendre, c’est cela qui permet la créativité gagnante.

O. R : Cela vous différencie vraiment des autres Grande Écoles ?

H. B-C : Dans le cursus de beaucoup de Grande Écoles on en reste encore à « tu vas en baver mais ensuite tu auras une place au soleil ». Résultat : nous sommes gouvernés par des gens qui en gardent toujours une sorte d’amertume et répètent aux jeunes que « ça va être très dur pour eux aussi ». Écoutez : pourquoi en France on vous souhaite « bon courage du matin au soir » ?

Tout cela n’a pas sa place chez nous. Il faut être heureux dans ses études et à l’ISC Paris on est heureux pendant ses études ! Nous sommes des « donneurs de sens », ni des adeptes de la fête associative ni des académiques déconnectés du réel. Les entreprises apprécient nos diplômés car ils sont à la fois pragmatiques, modestes, résilients et courageux.

O. R : Mais comment se différencier dans un paysage dominé par les accréditations et les classements ?

H. B-C : Les classements devraient être capables de s’appuyer sur des critères différents comme une meilleure prise en compte de l’entrepreneuriat, qui signifie forcément des rémunérations moins importantes. La prise de risque ne fait pas assez partie du crible d’analyse.

Quant aux accréditations il ne faut pas vendre son âme au diable pour les obtenir. L’ISC Paris a été la première école de commerce indépendante privée française à bénéficier de l’accréditation internationale AACSB (Association to Advance Collegiate Schools of Business). Nous en aurons d’autres sans sacrifier pour autant notre modèle. Un très bon restaurant peut n’avoir qu’une étoile au Michelin quand certains préfèrent rendre leurs trois étoiles plutôt que de se plier aux diktats. Nous sommes et serons étoilés, mais nous n’oublierons jamais que nous sommes là d’abord pour servir et accompagner le mieux possible nos étudiants et les entreprises qui les recrutent.

O. R : La nécessité pour les écoles de management de produire de la recherche de haut niveau ne les amène-t-elle pas souvent à être déconnectées des besoins des entreprises ?

H. B-C : Notre directeur académique privilégie justement les recherches de haut niveau utiles aux entreprises. La communauté de l’enseignement de la gestion s’est payée de mots en croyant que la recherche leur servirait forcément. L’Insead est à cet égard exemplaire : la phase avec les entreprises lui tient lui de reconnaissance absolue…et lui autorise un modèle économique exceptionnel. Elle vit en symbiose avec les entreprises, qui sont ses clientes

O. R : Le statut d’EESPIG (établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général) vous apporte-t-il suffisamment de moyens pour garantir l’indépendance de l’ISC Paris ?

H. B-C : Certes le statut d’EESPIG nous apporte des financements de l’État, de même que la taxe d’apprentissage contribue à nos ressources. Mais nous sommes avant tout une association indépendante de tout groupe, qui doit s’attacher à développer ses produits d’exploitation. Nous ne bénéficions d’aucun soutien vis-à-vis duquel nous serions dépendant et notre équation économique est simple. Des écoles consœurs, dans l’univers consulaire, sont encore dans des situations artificielles qu’elles savent fragiles. Certaines de leurs charges étaient supportées par leur tutelle. Ce n’est pas notre cas.

Aujourd’hui il est de bon ton d’annoncer la mort des Grandes Écoles à la française mais je vois toujours les vertus de la méritocratie, de l’effort, de valeurs qui ne sont pas périmées. D’un viatique pour la réussite qu’on doit entretenir toute sa vie et qui contribue aux entreprises. C’est en cela que nous avons une belle mission. Comme en politique nous nous occupons d’un destin collectif.

O. R : Parlons un peu de vous. On vous connaît avant tout un professionnel de l’immobilier, vous avez dirigé la FNAIM (Fédération nationale de l’immobilier) à deux reprises, managé et introduit en Bourse le Groupe Foncia au côté de son fondateur, puis monté une école spécialisée dans le secteur. Pourquoi avoir accepté la direction de l’ISC Paris ?

H. B-C : J’étais programmé pour être professeur. Après deux années de prépas à Louis-Le-Grand et une admissibilité à la rue d’Ulm, j’ai connu une rupture familiale et j’ai dû gagner ma vie J’ai passé le concours d’instituteur et j’ai enseigné en ZEP. J’ai exercé ce métier pendant cinq ans. S’en est suivie en 1988 une rencontre avec François Bayrou, alors parlementaire et président de la mission interministérielle de lutte contre l’illettrisme, avec qui j’ai réalisé la première mesure contre ce mal en France. J’ai passé l’agrégation de philosophie à ce moment-là, puis intégré l’ESSEC. J’ai conseillé François Bayrou plusieurs années, avant un autre responsable politique, Pierre Méhaignerie, qui fut notamment un grand ministre de l’équipement, de l’aménagement du territoire et du logement.

C’est là que j’ai commencé à m’intéresser à l’immobilier au point de créer une école il y a vingt ans. Je suis aussi le père du BTS professions immobilières et de l’Institut des villes, des territoires et de l’Immobilier du groupe ESSEC.

Quand Bruno Neil a démissionné de la direction de l’ISC PARIS mi 2017, l’ISC PARIS a décidé de confier sa succession à un tout autre profil en me choisissant. Mais je ne serais pas devenu directeur général d’une autre école. Sauf peut-être l’Essec dont je suis diplômé et qui est également une école très originale, une école qui a inauguré l’alternance dans les Grande Écoles ou inventé les admissions sur titre et sur expérience.

O. R : Avec ce profil, allez-vous créer des filières liées à l’immobilier au sein de l’ISC PARIS?

H. B-C : Avec l’IMSI (Institut du management des services immobiliers), il y a déjà maintenant deux ans que l’ISC PARIS a créé une spécialité du programme Grande École consacrée aux métiers du patrimoine. Nous allons d’ailleurs encore y travailler pour tout remettre à plat pour la rentrée prochaine. Dans beaucoup d’écoles les spécialités liées à l’immobilier ne prennent en compte que les métiers les plus visibles (asset management, investissement, etc.) mais ne s’intéressent par exemple pas au résidentiel locatif ou à la gestion de copropriété, alors que c’est là que se concentrent les besoins de ménages avec des enjeux économiques et sociaux lourds.

O. R : Imaginez-vous des alliances avec d’autres groupes ?

H. B-C : Nous sommes aujourd’hui totalement indépendants. Nous tenons à cette indépendance pour qu’elle nous épargne l’obsession du compte d’exploitation. Je ne porte pas de jugement sur les actionnaires, fonds d’investissement. Je suis seulement convaincu que La gestion à court terme et étroitement financière ne fait pas bon ménage avec les missions d’une Grande École comme la nôtre. Pour autant, nous veillons à notre profitabilité, gage de notre durabilité.

Ce que je souhaite c’est que nous gardions notre indépendance tout en concluant des alliances avec d’autres écoles comparables à la nôtre aussi comme des ESC originales, l’Efrei ou l’UCP, mais aussi avec des entreprises. Avec elles, dont nous sommes ontologiquement proches, nous devons inventer une nouvelle façon de travailler pour qu’elles nous accompagnent au mieux dans la formation de nos jeunes, de nos apprenants.

O. R : Pensez-vous augmenter vos frais de scolarité à l’avenir (qui sont aujourd’hui de 10 950€ par an pour le programme Grande École) ?

H. B-C : Je suis prudent sur cette voie, pour nous, comme pour les autres grandes écoles de management. Nous ne devons pas nous éloigner de la solvabilité des familles. En outre, la solution d’endetter les étudiants présente des dangers : nous sommes là pour les doter d’atouts pour la réussite, pas pour hypothéquer leu avenir pour plusieurs années.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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