CLASSES PREPAS, ECOLES DE MANAGEMENT, PROGRAMMES

« La classe prépa est un cadre de travail rassurant »

Manuelle Malot, directrice carrières de l’Edhec et de son NewGen Talent Centre, est à l’origine de l’enquête que mène chaque année sa direction sur le devenir des élèves de classes préparatoires et leur appréciation de leur expérience. De plus en plus positive chaque année selon son étude que vous pouvez retrouver en détails ici.

Pouvez-vous nous expliquer l’objectif de l’enquête « Au-delà de la prépa, l’expérience de vie », comment elle est réalisée et surtout comment les réponses évoluent d’année en année depuis 2014 ?

La classe préparatoire déclenche souvent des réactions passionnées et je suis convaincue que ce sont ceux qui l’ont expérimentée qui en parlent le mieux. Le premier objectif de cette étude était donc de donner la parole aux élèves en fin de classe prépa pour qu’ils racontent ce qu’ils qualifient eux même d’ «expérience de vie ». Dans cette enquête annuelle nous interrogeons l’ensemble des candidats de la BCE (banque commune d’épreuves) à l’EDHEC – environ 8000– entre leurs épreuves écrites et orales et nous analysons chaque année plus de 2300 réponses.

La classe prépa apparait réellement comme une expérience transformatrice de l’élève mais aussi comme le socle fondateur du début de parcours professionnel. Les élèves pointent notamment les qualités qu’ils ont développées en prépa et qui leur seront utiles dans leur carrière.

L’évolution la plus notable depuis 2014 est le renforcement de l’aspect collectif de l’expérience étudiante en prépa. En 2014 les élèves évoquaient peu cette dimension collective de l’expérience alors qu’aujourd’hui 72% la considèrent comme un élément d’appréciation de la classe préparatoire.

Un autre qualificatif progresse également c’est «heureuse» cité par 79% des élèves pour décrire leur expérience. Si « enrichissante » (95%) des réponses reste le qualificatif cité en premier on voit comment, en 7 ans seulement, les professeurs de classes préparatoires ont su changer l’état d’esprit de la prépa et mettre l’expérience collective au cœur de l’apprentissage. Un esprit de camaraderie qui fait dirent à nos élèves qu’ils se sont fait en prépa des « amis pour la vie ».

L’esprit de compétition reste néanmoins un élément fort de la classe préparatoire ? Sinon avec les autres élèves de la classe au moins avec ceux des autres classes ?

Même pas. C’est avant tout une compétition avec soi-même. Ce que nous entendons aujourd’hui c’est que les professeurs de classes préparatoires parviennent à tirer de chaque élève le meilleur de lui-même. Les emmener là où ils ne pensaient pas pouvoir arriver. Cela dépasse l’esprit de compétition pour devenir un challenge, celui de se dépasser.

La classe préparatoire est vraiment devenue un univers d’entraide ?

C’est un cadre de travail rassurant car très structuré nous rapportent les élèves. Ils travaillent en petits groupes, encadrés par des professeurs référents investis. On est loin des stéréotypes du professeur sadique. Au contraire les élèves mettent en avant leur capacité à les accompagner et cet encadrement arrive très haut dans les « sources d’épanouissement » de la classe préparatoire. Alors que c’est toujours la « stimulation intellectuelle » qui est classée première, les élèves plébiscitent les classes préparatoires comme un univers qui donne la priorité aux élèves quand l’université leur semblent donner avant tout de l’importance aux professeurs. « C’est dur mais nous sommes valorisés et considérés » nous disent-ils. « Bien sûr il y a des devoirs sur table tous les samedis mais il faut oser être exigeant ! » C’est là qu’on voit que les classes préparatoires sont mal nommées, elles ne font pas que « préparer », elles ont de la valeur en elles-mêmes au-delà du concours. « On y a forgé ce que nous sommes aujourd’hui ! » nous disent les jeunes en fin de prépas.

Les filles et les garçons que vous interrogez ont-ils des représentations différentes de leur expérience ?

Pour les garçons le challenge est une motivation encore plus importante que les filles. Sans doute parce que ces dernières sont déjà depuis les études secondaires dans le challenge. Elles considèrent d’ailleurs la pression comme moins « motivante » que les garçons.

On peut se transformer en prépa ?

Le choix de la classe préparatoire c’est pour beaucoup s’obliger enfin à travailler intensément sans l’avoir trop fait jusque-là. Les grandes classes préparatoires ne s’y trompent pas qui recrutent en priorité des élèves aux multiples activités extrascolaires chez lesquels elles détectent un potentiel de progression grâce au temps qu’ils pourront mobiliser pour travailler. Pour ceux-là la classe préparatoire est souvent la première confrontation à l’effort. La prépa est une expérience qu’ils jugent transformatrice quand ils nous disent « la prépa m’a rendu fier de moi », qu’elle « m’a appris sur mon potentiel psychologique et mes capacités physiques ». Ils savent combien d’heures ils sont capables de travailler efficacement par jour, jusqu’à quelle heure ils sont efficaces » et cela leur servira toute leur vie.

Ce serait d’ailleurs intéressant de juger les classes préparatoires sur leur potentiel de progression de leurs élèves et pas seulement sur leurs résultats. De montrer comment elles sont deux années d’apprentissage et de progression personnelle avec des professeurs qui se font un point d’honneur d’accompagner au mieux leurs élèves.

Au moment du choix de leur orientation vers quelles autres filières les élèves que vous avez interrogés auraient-ils pu se diriger ?

Essentiellement les filières universitaires sélectives, les doubles licences, les licences sélectives telles que Paris-Dauphine ou alors d’autres filières de prépa. Pour 18% des élèves que nous avons interrogés cette année le principal dilemme était le choix entre la classe préparatoire et ces filières universitaires sélectives, très loin devant les écoles de management postbac (6%) et encore plus les bachelors et BBA (3%). 11% ont également pensé aller vers une classe préparatoire scientifique. D’ailleurs à l’EDHEC nous recrutons beaucoup de ces élèves qui avaient choisi une classe préparatoire scientifique et retournent finalement vers une école de management dans notre concours pré-master.

Qu’est-ce qu’il faudrait améliorer selon les élèves que vous interrogez ?

Certains étudiants de prépa regrettent de ne pas avoir pu aller à la rencontre des écoles, de ne pas avoir pu se projeter dans l’après prépa, ne pas avoir eu le temps de réfléchir à leur avenir professionnel en raison de l’intensité du programme.

Il faudrait sans doute laisser plus de temps en prépa pour présenter les filières, les doubles diplômes, les échanges internationaux, les réalités du monde économique, l’évolution des métiers. Bref plus d’interactions avec le monde d’après prépa…

Mais les élèves ce classes préparatoires savent-ils alors se projeter dans leur avenir professionnel ?

Oui avec là aussi des faits notables. 39% disent ainsi ne pas vouloir être salariés mais plutôt entrepreneurs, freelances ou indépendants. Ils se voient aussi travailler dans des entreprises de moins grande taille : en 2014 ils étaient 50% à vouloir ensuite travailler dans des entreprises de plus de 5000 salariés contre 30% aujourd’hui. Ils sont aussi un peu plus nombreux à vouloir travailler en France : 6 sur 10 envisagent aujourd’hui une carrière internationale contre 7 sept sur 10 il y a deux ans. Et ils gardent une très grande confiance dans leur future capacité à intégrer au mieux le marché du travail malgré l’incertitude de la situation économique.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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