POLITIQUE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR, PROGRAMMES

Le climat change, comment l’enseigner ?

Feux dantesques en Australie, inondations, sécheresse, le climat et son changement sont chaque jour plus au centre de nos préoccupations. Et pourtant la COP 25 s’est terminée à Madrid sans résultats significatifs. Notamment sur l’éducation au changement climatique qui est à peine abordée dans un paragraphe général sur la « nécessité que tous les secteurs soient impliqués ». Et pourtant s’il y a un public réceptif à la question c’est bien celui des jeunes. Personnalité de l’année pour Time, Greta Thunberg est le point de fixation de toute une génération qui refuse aux « boomers » le droit de décider pour elle quel sera son avenir. « En quelques promotions le sensibilité aux questions de climat et d’énergie est devenue très importante auprès des étudiants. Cela nous enjoint à aller plus loin dans l’offre de cours », remarque ainsi le directeur général de l’ENS Paris, Marc Mézard quand celui des Arts et Métiers, Laurent Champaney, constate : « Des étudiants sont jusqu’à nous dire qu’ils refusent tout séjour à l’étranger pour ne pas prendre l’avion et aggraver ainsi leur bilan carbone ».

Les étudiants du Pôle Léonard de Vinci ont réalisé une Fresque du Climat pour leur rentrée 2019

Après la COP 25 : le climat change, comment l’enseigner ?

La COP 25 vient de se terminer à Madrid sans résultats significatifs. Notamment sur l’éducation au changement climatique qui est à peine abordée dans un paragraphe général sur la « nécessité que tous les secteurs soient impliqués ». Et pourtant s’il y a un public réceptif à la question c’est bien celui des jeunes. Personnalité de l’année pour Time, Greta Thunberg est le point de fixation de toute une génération qui refuse aux « boomers » le droit de décider pour elle quel sera son avenir. « En quelques promotions le sensibilité aux questions de climat et d’énergie est devenue très importante auprès des étudiants. Cela nous enjoint à aller plus loin dans l’offre de cours », remarque ainsi le directeur général de l’ENS Paris, Marc Mézard quand celui des Arts et Métiers, Laurent Champaney, constate : « Des étudiants sont jusqu’à nous dire qu’ils refusent tout séjour à l’étranger pour ne pas prendre l’avion et aggraver ainsi leur bilan carbone ».

Une étude et un projet de loi

L’étude Mobiliser l’enseignement supérieur pour le climat, menée par les équipes du think tank spécialisé dans la transition énergétique The Shift Project, a montré combien peu établissements d’enseignement supérieur étaient aujourd’hui dans une démarche d’enseignement de la transition énergétique (seulement 11 % des 34 établissements auscultés abordaient les enjeux climat-énergie de manière obligatoire). Un projet de loi, porté notamment par Cédric Villani, entend rendre obligatoire l’enseignement du changement climatique. C’est déjà le cas aux Ponts ParisTech – école sous la tutelle du ministère de la Transition écologique et solidaire – dont tous les étudiants de première année suivent un module de sensibilisation « Ingénieur pour un monde incertain » de 15 heures suivi d’un projet suivi du passage du Sulitest. A l’ENS Paris, si des cours sont donnés sur le sujet pendant les trois années à tous les types d’étudiants réunis c’est en revanche en mineure.

Dans beaucoup d’écoles de management c’est la RSE (responsabilité sociale des entreprises) au sens large qui est enseignée. Avec sa licence Impact positif, qu’elle entend bien lancer en 2020, PSL entend aller plus loin en créant une formation dédiée au climat et à la transition énergétique. « Nous voulons former des jeunes qui auront l’information au sens très large pour évoluer dans un domaine complexe en bénéficiant de l’expertise de tous nos champs du savoir », confie le président de PSL Alain Fuchs.

Former de futurs spécialistes.

« Ce qui va le plus impacter les entreprises dans les années à venir c’est la transition écologique. Pas la déglobalisation, le Brexit ou ce curieux personnage qu’est Donald Trump », assurait l’ancien directeur général de l’Organisation mondiale du commerce et actuel président de la Fondation Jacques Delors, Pascal Lamy. Et Philippe Donnet, le directeur général d’un des principaux groupes d’assurance mondial, Generali, d’enfoncer le clou devant les chefs d’entreprises et DRH un peu médusés réunis en Pays d’Avignon l’été 2019 : « Les entreprises ont une vision à beaucoup plus long terme que les politiques. Je crois à l’entreprise responsable et engagée. Notamment face aux défis environnementaux qui vont considérablement faire monter les primes d’assurance ».

La gestion des changements climatiques va de plus en plus impacter les entreprises et les établissements d’enseignement supérieur y sont donc de plus en plus attentifs comme l’analyse Jean-François Fiorina, le directeur général adjoint des Grenoble EM : « Enseigner le changement climatique c’est indispensable tout au long du cursus en commençant par les termes de base. Il faut comprendre les fondamentaux puis les conséquences pour l’entreprise. Comment organiser le télétravail pour éviter le temps et l’énergie perdus dans les déplacements, comment évaluer le temps de travail, repenser les accords d’entreprise ? », Cela a d’ailleurs fait partie des six défis de la rentrée que l’école a proposé de relever à nos nouveaux étudiants.

Des cours, des diplômes ou de chaires

Comme Grenoble EM, TBS est signataire de l’appel pour former tous les étudiants du supérieur aux enjeux climatiques et écologiques. « Nous avons la chance d’avoir des économistes spécialistes du climat au sein de notre faculté. Avec eux, nous lançons à la rentrée 2020 un certificat d’Excellence « Climate Action » pour que nos étudiants soient en capacité d’anticiper les impacts climatiques de leurs décisions », commente Annabelle-Mauce Bonnefous, la directrice du programme Grande école (PGE). Il s’agira d’un apprentissage intégrant aussi bien la connaissance des enjeux géopolitiques et économiques qu’une expertise en calcul des impacts : « Notre avenir à tous passera par cette conscience et cette compétence, nos étudiants doivent être les acteurs majeurs des transformations du monde économique ».

ESCP a déjà quant à elle créé un MSc in International Sustainability Management. Et entend aller plus loin. « Nous allons créer un cours fondamental obligatoire pour tous nos étudiants des programmes généralistes sur les questions de transition écologique en nous appuyant sur des experts scientifiques », révèle Aurélien Acquier, professeur à ESCP et co-directeur scientifique de la chaire Economie Circulaire & Business Models Durables de l’école qui a également organisé un séminaire de rentrée de trois jours sur le sujet pour les nouveaux étudiants du PGE : « Quatorze professeurs de tous les départements (finance, RH, marketing, stratégie, supply chain) ont formé nos étudiants aux enjeux de soutenabilité, avant de les faire travailler en petits groupes durant trois mois sur l’intégration de ces enjeux dans différents secteurs (aérien, digital, finance, etc.) ».

Sciences Po va encore plus loin. A la rentrée universitaire 2020 l’institut lance une nouvelle licence interdisciplinaire. Le Bachelor of Arts and Sciences (BASc) associera les sciences et les sciences humaines et sociales et se consacrera notamment à l’étude de la transition écologique. « Nous souhaitons répondre au projet de Sciences Po depuis sa création : comprendre l’environnement dans lequel on vit et former des étudiants qui seront des acteurs de l’évolution du monde », confie Stéphanie Balme, la doyenne du collège universitaire, qui explique : « Aujourd’hui ce qui transforme nos sociétés ce sont essentiellement des objets liés aux sciences. D’où la nécessité d’aller chercher des enseignants-chercheurs en dehors de notre faculté pour donner une double réponse ».

Des événements moteurs

Les exemples de cette mobilisation ne manquent pas. A HEC Paris les nouveaux étudiants du programme Grande école (PGE) ont ainsi questionné à la rentrée 2019 la mission sociétale et la raison d’être des organisations à Chamonix, « lieu emblématique du réchauffement climatique avec la fonte des glaciers ». Des étudiants et enseignants du Programme ID de SKEMA Business School ont quant à eux organisé une COP1 étudiante, les 5 et 6 octobre à Paris à la Cité fertile.

Pour aller plus loin l’ambition de l’association La Fresque du Climat est de former le maximum de jeunes chaque année aux enjeux climatiques. « En 2019 nous avons déjà rencontrée 20 000 jeunes. Nous voulons monter à 100 000 par an avec tous nos bénévoles », explique son fondateur, Cédric Ringenbach. Dans le cadre de leurs semaines transversales, les 1200 étudiants des trois écoles du Pôle Léonard de Vinci (de commerce, l’EMLV, d’ingénieurs, l’ESILV et d’Internet et multimédia, l’IIM) ont ainsi travaillé par groupe de six à faire émerger des idées résumées ensuite sur des panneaux. Puis ont résumé leurs idées sur des panneaux avant de les présenter à tous les étudiants.

Les exemples de la mobilisation ne manquent pas. D’abord à l’initiative des jeunes mais, de plus en plus, à la demande des entreprises pour lesquelles les enjeux sont immenses.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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