ECOLES DE MANAGEMENT

« Le cœur du « réacteur » d’Audencia BS est l’hybridation des compétences »

Toujours sixième du « classement Sigem », Audencia BS connaît de nouveaux développements sous l’égide de son directeur général Christophe Germain. Implantation en Chine, nouveaux accords avec des Sciences Po ou Le Wagon, création d’une alliance internationale dans l’agri-business les nouveautés sont nombreuses.

Olivier Rollot : Audencia conserve cette année sa sixième place dans l’ordre du choix des préparationnaires. La concurrence n’en est pas moins toujours plus rude. Comment faites-vous pour conserver ce rang qui vous fut un temps contesté?

Christophe Germain : Nous nous attachons à bien comprendre les aspirations des étudiants de classes préparatoires. Nous leur proposons une formation de qualité et les invitons à vivre l’« expérience » Audencia empreinte de valeurs, d’excellence et de proximité qui contribue à leur épanouissement personnel et professionnel.

O. R : Les élèves de prépas sont toujours au cœur de votre recrutement. Leur cursus va être réformé à la suite de la réforme du bac. Que souhaiteriez-vous voir évoluer en classe préparatoire ?

C. G : 100% des élèves de première année de notre programme Grande école (PGE) sont effectivement issus de classes préparatoires. L’histoire même d’Audencia est très liée aux classes préparatoires avec qui l’Ecole entretient des relations de proximité. A ce stade de formation, nous considérons que ce sont les meilleurs étudiants. Ce que nous attendons aujourd’hui et demain des classes préparatoires (et c’est le challenge qui se présente à elles), c’est de toujours former de très bons étudiants tout en reconnaissant et intégrant la diversité des profils qui se présenteront à elles dans le futur.

O. R : La réforme du lycée et du bac fait s’interroger sur le niveau en mathématiques qu’auront demain vos étudiants. Quel niveau vous paraît nécessaire pour intégrer une école de management ?

C. G : Les mathématiques sont un critère de sélection pour accéder aux CPGE et aux écoles de management. Est-ce toujours le bon critère ? Est-il nécessaire d’avoir tel ou tel niveau en mathématiques pour réussir en Ecoles de commerce et réussir son parcours professionnel ? Le débat est ouvert depuis longtemps et il n’est pas prêt d’être refermé ! Oui, dans certains cas, pour ceux qui vont s’orienter vers des métiers du secteur de la finance par exemple, ou bien dans des domaines qui comportent une forte dimension d’ingénierie technique ou technologique. Mais il ne faut pas oublier que nous intégrons aussi aujourd’hui des élèves issus de classes préparatoires littéraires qui réussissent très bien dans nos Ecoles et qui font ensuite de magnifiques parcours professionnels.

O. R : Demain, faudrait-il instituer des quotas pour réserver des places aux meilleurs en mathématiques ?

C. G : Je ne suis pas favorable au principe des quotas quel que soit le domaine, car cela nie les lois du marché. La réforme du bac va permettre aux élèves d’avoir toute une diversité de parcours. Se placer dans une logique de quotas va à l’encontre de cette volonté d’ouverture. Il faut reconnaître la diversité. On ne peut pas dire aux élèves que le « champ des possibles » est large en seconde et puis contraindre leurs choix ensuite. L’important en revanche est que les « règles du jeu » soient équitables entre tous les profils pour éviter que l’opportunisme guide les choix de parcours.

O. R : Audencia, c’est aussi un groupe avec notamment une école de communication, SciencesCom. Comment ces différentes entités cohabitent-elles ?

C. G : Historiquement, Audencia s’est construite autour de son PGE, puis a développé son portefeuille de programmes en management, mais l’Ecole délivre également des programmes en communication sous la marque Audencia SciencesCom. Le Mediacampus, qui abrite ces programmes, est aujourd’hui l’incarnation de ce que nous voulons développer en matière d’éco-système d’apprentissage et de formation. Les étudiants y côtoient, des professionnels de la communication et des médias, des start-ups évoluant dans le domaine des jeux vidéo et du cinéma d’animation, et ils peuvent également bénéficier des installations d’une chaîne de TV.

O. R : Cette hybridation est-elle aussi forte sur votre campus historique de La Jonelière, Atlantic Campus, qui est en pleine rénovation ?

C. G : Pas à ce jour, mais c’est l’idée directrice qui prévaut aux réaménagements et extensions qui y ont été engagés. En 2020, nous disposerons de nouveaux locaux dédiés aux associations étudiantes qui seront en proximité avec les espaces d’accueil des entreprises et nos activités de formation continue. Nous allons par ailleurs continuer à étendre nos campus à Nantes dans les trois / cinq ans à venir en faisant le choix rester en centre-ville.

O. R : Votre stratégie passe également par la signature de nombreux accords de partenariat. Récemment avec Sciences Po Aix et Sciences Po Saint-Germain, l’Epita et Le Wagon…

C. G : Le cœur de notre « réacteur » est l’hybridation des compétences qui est un des axes clés de notre stratégie reste l’Alliance Centrale – Audencia – ENSA. Dans ce cadre, nous allons d’ailleurs bientôt annoncer la création d’un nouveau programme qui s’ajoutera à ceux qui existent déjà, à l’incubateur et à tous les dispositifs mis en place pour favoriser le mixage des étudiants des trois écoles. Plus largement, nous souhaitons continuer à développer des parcours permettant aux étudiants de développer une double compétence. Nous voulons associer passion et professionnalisation, intérêt pour les métiers de l’image, les sciences politiques, l’ingénierie, l’architecture, les arts, la technologie, etc… et le management. Demain, le pourcentage d’étudiants « hybrides » devrait avoisiner les 40%.

L’innovation se situe le plus souvent à l’intersection des disciplines. Former des étudiants innovants, cela nécessite de les ouvrir à d’autres domaines complémentaires de celui du management. C’est ce qui nous conduit à développer ces partenariats et ce qui nous a amené il y a quelques années à faire le choix « d’abriter » notre incubateur au sein de l’Alliance Centrale-Audencia-ENSA.

O. R : Les étudiants sont de plus en plus préoccupés par les questions de RSE (responsabilité sociale des entreprises). Que faites-vous pour la gérer ?

C. G : La RSE est un axe central du projet pédagogique d’Audencia depuis 2001.

Une spécialisation « managing sustainable impact » est proposée aux étudiants du PGE en troisième année, et la RSE est une thématique transversale à l’ensemble des enseignements. Nous créons à la rentrée prochaine un nouveau mastère spécialisé « Acteur Pour la Transition Energétique » en partenariat avec l’Ecole Centrale de Nantes.

Au-delà des formations, ce sujet concerne l’école dans sa globalité. C’est le cas pour le Triathlon Audencia que nous organisons chaque année à La Baule. Nous proposons à des jeunes en situation de handicap de vivre l’évènement de l’intérieur et nous nous engageons à ne générer aucune nuisance écologique. Un référent RSE est en charge de tout ce qui concerne le fonctionnement de l’école et l’engagement des parties prenantes : à la rentrée, nous proposerons par exemple à tous nos étudiants et au personnel d’avoir un contenant à recharger dans des fontaines à eau plutôt que des bouteilles en plastique. Nous nous devons d’ailleurs d’être exemplaires, notamment pour respecter nos engagements vis à vis du WWF avec qui nous avons un partenariat.

Enfin, 30 à 40% de la recherche produite à Audencia traite de RSE. Au même titre que l’ouverture vers les arts et la culture, la RSE fait partie de l’ADN de l’Ecole. D’ailleurs, pendant les oraux du concours, la très grande majorité des candidats y font d’ailleurs référence.

O. R : Les écoles de management françaises sont de plus en plus internationales. Votre principale implantation à l’étranger se trouve en Chine, à Shenzhen, où vous avez créé en 2016 une école en commun avec l’université, la SABS (Shenzhen Audencia business school), au cœur de ce qui est aujourd’hui la métropole dont le développement est le plus dynamique dans le monde.

C. G : SABS est l’illustration de notre stratégie internationale : recruter des étudiants localement en nous associant avec des institutions sur place et proposer aux étudiants français qui effectuent leurs semestres à l’international de s’immerger dans les écosystèmes locaux. Nous ne souhaitons pas développer de campus à l’étranger en « solo » pour y faire séjourner nos étudiants, considérant que la valeur ajoutée offerte à ces derniers en termes d’interculturalité et d’immersion dans l’environnement économique et social local est supérieure, dès lors que nos implantations se font en partenariat.

O. R : Votre modèle, c’est l’échange d’étudiants avec des universités partenaires qui envoient également leurs étudiants à Audencia ?

C. G : Nous avons environ 300 partenaires universitaires dans le monde, ce qui nous permet d’envoyer tous nos étudiants suivre des semestres académiques en petits groupes. Chaque partenaire propose quelques places et ce sont nos étudiants qui choisissent. Dans certains cas, aux Etats-Unis notamment, ces places ont un coût pour l’école. Mais d’une façon générale, nous préférons privilégier des accords équilibrés. Les étudiants américains se déplacent peu pendant l’année universitaire mais apprécient les summer schools que nous pouvons leur proposer.

Nous développons également des partenariats stratégiques avec quelques institutions pour créer des programmes de formation ou de recherche communs. Pour ce qui est de SABS à Shenzhen, nous recrutons des étudiants chinois et proposons à quelques étudiants du programme Grande école (PGE) qui veulent suivre par exemple une spécialité en finance, l’un des axes très forts de la région, d’y effectuer leur période à l’international.

O. R : Implantée en Chine depuis plusieurs années, Audencia a également de très nombreux accords de coopération dans le monde. Récemment vous étiez en Afrique pour en signer de nouveaux.

C. G : Notre stratégie de développement international passe par l’Afrique. Après une tentative en Côte d’Ivoire, qui n’a pas été couronnée de succès et concluante, nous avons trouvé au Ghana et au Kenya des partenaires de qualité, proches de nos valeurs, pour développer des projets s’accordant avec nos axes d’expertise. Au Kenya, c’est à une université privée, créée initialement par une Université américaine, qui est aujourd’hui indépendante, la United States International University Africa, que nous nous sommes associés. Cette université dispose d’un campus au meilleur niveau international en plein centre de Nairobi.

O. R : Quel pourcentage d’étudiants étrangers recevez-vous ? Comment sont-ils recrutés ?

C. G : 35% des étudiants d’Audencia sont étrangers, tous programmes confondus. Certains sont « en échange » mais beaucoup viennent également en fee paying, c’est à dire en payant leur scolarité. Les équipes de la Direction des Relations Internationales sont en charge de ces recrutements, en collaboration parfois avec des agents à l’étranger qui présentent nos programmes aux étudiants. Nous sommes également présents sur les événements qu’organise Campus France.

O. R : Le niveau en langues des étudiants d’Audencia est-il toujours à la hauteur ? On entend régulièrement que les étudiants français ne sont pas au niveau…

C. G : Nos étudiants ont un très bon niveau en langues avec une moyenne globale de 899 au TOEIC. Entre leur premier semestre et le troisième, la moyenne grimpe d’ailleurs de 881 à 914 et ils doivent de toute façon avoir au moins 850 pour être diplômés. Nos étudiants du PGE – à 100% issus de classes préparatoires en première année – peuvent suivre des cours 100% en anglais dès leur première année. Ils sont rejoints par les étudiants étrangers en deuxième année.

O. R : Les étudiants d’Audencia sont tous des voyageurs dans l’âme ?

C. G : Le semestre d’études à l’international est obligatoire durant la scolarité, mais en revanche les étudiants ne sont pas toujours enclins à prolonger leur séjour pour obtenir les doubles diplômes qui leur sont proposés, préférant revenir à Audencia pour y suivre leur spécialisation.

O. R : Vous préparez spécifiquement vos étudiants à vivre cette dimension interculturelle ?

C. G : Dès leur première année de PGE, les étudiants suivent des parcours thématiques – Asie, Amérique latine, etc. – pour suivre des enseignements à la culture, l’histoire, la géographie et bien sûr la langue. Ils doivent effectuer ensuite à la fin de leur première année un stage de six semaines à l’international pour se « frotter » à des environnements culturels différents et vivre une première expérience hors de France. Enfin, le semestre académique à l’international obligatoire est positionné en troisième année.

O. R : Beaucoup d’écoles s’interrogent sur leur modèle économique. Comment se porte Audencia financièrement ?

C. G ; Nous sommes dans une situation financière remarquable car nous avons anticipé la disparition des subventions. Aujourd’hui, nous disposons de réserves et nos activités sont suffisamment bénéficiaires pour nous permettre d’engager les investissements nécessaires. Ce n’est pas comme si une part significative de notre budget était encore lié à des subventions. D’ici à cinq ans, notre chiffre d’affaires devrait atteindre les 90 à 100 millions d’euros pour 60 M€ aujourd’hui et 37 M€ il y a seulement cinq ans.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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