Pendant six ans il fut « l’homme du Sigem ». Alors qu’il vient de laisser la place à Nicolas Arnaud, Jean-Christophe Hauguel, directeur général de l’ISC Paris, revient avec nous sur le fonctionnement d’un système dont il n’a eu qu’à se louer.
Olivier Rollot : Vous venez de quitter la présidence du Sigem après deux mandats de trois ans. Quel bilan en feriez-vous ?
Jean-Christophe Hauguel : D’abord le sentiment d’un devoir accompli en ayant présidé un processus d’affectation en juin-juillet pour 6 campagnes qui se sont toutes parfaitement passées. Avec la Direction des admissions et concours (DAC) de la CCI Paris-Ile-de-France, qui gère la plateforme informatique, nous travaillons pour le compte de la communauté des écoles de management.
Avec tout le bureau du Sigem, le rôle du président est aussi de gérer les situations exceptionnelles, par exemple quand des candidats ne peuvent pas payer leur acompte ou contestent leur affectation. A nous alors de revenir à la procédure et de bien préciser les règles et d’être très factuel.
Nous sommes également garants de la période de non-communication entre les écoles et les candidats d’une semaine environ avec, parfois, la nécessité d’effectuer des rappels à l’ordre.
Ce qu’il faut retenir c’est que les écoles jouent le jeu et que les 10 000 candidats que nous gérons pour une petite trentaine d’écoles sont affectés entre 95 et 97% dans les 7500 places proposées par les écoles.
O. R : Pratiquement comment fonctionne le Sigem ?
J-C. H : La DAC est à la fois l’opérateur technique de la BCE et du Sigem. Avec leurs directeurs, Philippe Régimbart puis aujourd’hui Christian Chenel, notre travail a toujours été très fluide et leur neutralité absolument garantie.
O. R : Avec la pandémie de la Covid-19, 2020 a dû être une année très particulière pour vous…
J-C. H : Cela a effectivement été l’année la plus compliquée avec pour la première fois des décisions qui n’ont pas été prises à l’unanimité des membres. Si la décision d’annulation des oraux a été prise à l’unanimité cela n’a pas été le cas pour celle de ne pas publier les désistements croisés qui est passée de justesse. Mais après août-septembre cela n’a plus été un sujet et cette année toutes les statistiques seront de nouveau publiées.
O. R : Qu’est-ce qui a changé pendant vos mandats ?
J-C. H : A minima le Sigem a été préservé et est aujourd’hui toujours aussi légitime et singulier dans sa transparence qui n’existe ni en admission sur titre ni en admission postbac. Ce que j’ai cherché à assurer ce sont deux grands équilibres. Entre BCE et Ecricome d’abord avec l’élection d’un vice-président qui permet de représenter les deux banques d’épreuves pour travailler en confiance. Avec François Dubreu, représentant de Kedge et d’Ecricome, cela a très bien fonctionné et il n’y a eu aucune crise.
L’autre équilibre auquel j’ai tenu c’est celui entre les plus Grandes écoles et les plus modestes. Il faut maintenir cette diversité naturelle représentative de la diversité existante également en prépa. Demain les classes préparatoires ne doivent pas parler à seulement dix ou même cinq écoles mais bien à toutes les écoles de SIGEM.
O. R : N’y a-t-il pas parfois un peu la tentation chez les plus grandes de créer une sorte de « super league » comme dans le football ?
J-C. H : Nous parvenons à un taux de remplissage global des places offertes par les écoles de 97% avec des équilibres complexes. Quand les plus grosses écoles, les plus prestigieuses, augmentent le nombre de places qu’elles offrent cela menace les plus petites, puisque la population d’élèves en classes préparatoires est stable autour de 10 000 élèves d’une classe d’âge.
O.R : Résultat : il y a de moins en moins d’écoles dans le Sigem…
J-C. H : L’ESC Pau est sortie, cette année l’ISG suit la même voie. Cela ne correspond pas à la logique d’écoles sur tout le territoire que nous défendons et à laquelle sont attachées les classes préparatoires. Notre responsabilité collective est bien de préserver une diversité dans SIGEM et non pas une « super league » où 10 écoles s’adressent à 10 CPGE.
O. R : Qu’est-ce qu’il faudrait changer dans le Sigem ?
J-C. H : C’est une question que je me suis beaucoup posée à mon arrivée. Le Sigem est une procédure très robuste qu’on ne peut pas vraiment améliorer. En revanche nous pouvons mieux communiquer avec les classes préparatoires et avec les candidats pour mieux anticiper chaque étape. Chaque année nous découvrons que certaines informations sont parfois difficiles à comprendre.
Par exemple certains imaginent toujours qu’il faut classer ses vœux pour obtenir une école, quitte à ne pas mettre celle qu’ils souhaitent en tête, alors que la seule et unique stratégie à suivre est de faire ses vœux en fonction de ses seules préférences, totalement indépendamment de son rang. Toutes les écoles ne communiquent pas les rangs des candidats mais, quand c’est le cas, certains peuvent imaginer qu’étant classés 3000ème ils n’ont aucune chance d’intégrer l’école par leurs vœux. Ils vont alors mettre en choix numéro 1 une école pour laquelle ils sont classés 50ème en croyant ainsi être assurés d’avoir une place. Mais rien n’indique qu’ils n’avaient aucune chance d’intégrer la première école à laquelle ils voulaient postuler. Et dans tous les cas ils pourront toujours intégrer une autre, dans laquelle ils étaient mieux placés, s’ils l’indiquent ensuite dans leurs vœux. En fait il ne faudrait sans doute ne pas du tout donner accès aux rangs des candidats pour qu’ils ne soient pas déformés dans leurs ordres de préférence.
Ce sera peut-être un chantier de la nouvelle présidence et je souhaite au passage tous mes vœux de réussite à Nicolas Arnaud qui a été élu très démocratiquement et à qui je suis ravi de transmettre le flambeau pour la suite.