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Pigier fête ses 175 ans: entretien avec son directeur, Jean-Francis Charrondière 

Jean-Francis Charrondière

C’est la marque emblématique de l’enseignement supérieur privé : l’école Pigier fête cette année ses 175 ans. Et ne ressemble plus du tout à l’image qu’on s’en fait encore nous rappelle son directeur national: Jean-Francis Charrondière.

Olivier Rollot : C’est un sacré anniversaire : l’école Pigier fête ses 175 ans. Si on excepte les Grande écoles historiques comme l’École polytechnique ou ESCP, Pigier est parmi les plus anciennes institutions d’éducation française. Rappelez-nous un peu son histoire.

Jean-Francis Charrondière : L’école Pigier a été créée en 1850 par Gervais Pigier et porte donc encore le nom de son créateur même si la famille n’est plus aux commandes. Elle naît d’un constat : à l’époque certains métiers connaissent une pénurie d’emploi. Contrairement à ce qu’on imagine souvent, ce n’est pas le secrétariat qui est le premier concerné mais le commerce et la comptabilité. Pigier naît alors à Paris puis se développe sur tout le territoire : de Brive à Reims il y a jusqu’à 100 écoles Pigier. Aujourd’hui elles sont 31, avec l’ouverture à la rentrée prochaine d’une école à Clermont-Ferrand. Et nous avons également des écoles en Afrique, au Cameroun, Bénin et Côte d’Ivoire, où notre notoriété est très forte.

Pigier a souvent été une école pionnière : première à donner des cours à distance, en 1890 première à ouvrir une école de fille, première à proposer des contrats de professionnalisation. Cette empreinte professionnelle est dans son ADN. Visionnaire, Gervais Pigier a ouvert un « bureau commercial » dès le lancement de l’école. Un espace dédié pour pratiquer son futur métier avec déjà des ateliers d’application pour la comptabilité, la gestion des stocks, etc.

O. R : Pouvez-vous nous donner quelques chiffres sur Pigier aujourd’hui ?

J-F. C : Aujourd’hui Pigier compte 13 500 étudiants et se positionne comme le leader de l’Enseignement Supérieur à vocation professionnelle : 90% de ses étudiants suivent leur cursus en alternance par l’apprentissage – dès le bac pour des diplômes de bac +2 à bac+5 – encadrés par 250 conseillers en formation.

Nous possédons 10 titres certifiés inscrits au RNCP de niveau 4 à 7, issus de notre observatoire des métiers et développés par notre service de certification.

O. R : 90% d’étudiants en apprentissage c’est impressionnant mais cela doit demander beaucoup de travail pour les faire réussir ?

J-F. C : Il est possible chez Pigier de démarrer un cursus en apprentissage dès le bac, que ce soit en BTS ou en bachelor et de poursuivre jusqu’aux Titres certifiés des niveaux supérieurs. La valeur phare de Pigier c’est d’accompagner les étudiants. Dès qu’on les accepte, on les coache et on les accompagne dans leur recherche d’un employeur de qualité pour qu’ils obtiennent tous un contrat.

Pour cela nous avons toute une équipe de chargés de recrutement, chargés de relations entreprise et coachs. Pour aller plus loin nous venons de créer un poste de facilitateur de recherche d’apprentissage. Dès qu’un chargé de recrutement accepte un contrat, le futur apprenti est pris en charge par un coach afin d’être employable le plus facilement possible.

Il faut dire que certains étudiants attendent trop longtemps avant de rechercher un contrat. Ils doivent quand même faire des efforts, notamment pour changer d’entreprise quand leur cursus dure cinq ans entièrement en apprentissage.

Ensuite nos responsables de filières créent beaucoup de liens avec les étudiants une fois dans l’entreprise, un peu comme un professeur principal au lycée, ce que les jeunes apprécient beaucoup.

O. R : C’est toute une pédagogie de l’alternance que vous mettez en route.

J-F. C : On peut être très peu scolaire jusqu’au bac et s’investir en alternance car c’est dans un milieu professionnel qui vous convient. Cela maintient en formation des jeunes qui auraient sinon échoué dans le système classique. Nous les sensibilisons au rythme de l’alternance et à la nécessité d’avoir une organisation millimétrée. Dans les Titres certifiés des niveaux supérieurs, certains de nos apprentis occupent de très beaux postes et doivent parfois travailler pour leur entreprise pendant leurs journées d’école. Il n’y a pas de rupture.

O. R : On remarque quand même que les taux de rupture de contrats ont beaucoup progressé, notamment dans l’enseignement supérieur.

J-F. C : Depuis le Covid il est possible d’arrêter un contrat tout en restant en formation pendant six mois. Cela favorise forcément les ruptures. Au contraire, nous poussons les jeunes à parfois tenir quelques mois de plus pour obtenir un diplôme intermédiaire, avant de changer d’entreprise s’ils ne s’y sentent pas totalement bien. Et si le diplôme n’est pas porteur, par exemple le BTS professions immobilières ces dernières années, ils peuvent bifurquer vers une autre formation.

O. R : Le montant des aides à l’embauche que reçoivent les entreprises vient de baisser. Est-ce que vous pensez que cela va avoir un impact sur les recrutements d’apprentis ?

J-F. C : Beaucoup d’entreprises sont aujourd’hui très investies dans l’apprentissage et vont continuer à recruter. Même si c’est moins intéressant financièrement, cela reste un très bon dispositif pour les entreprises. Sinon beaucoup de TPE n’auraient pas renouvelé leurs offres.

O. R : Quel rythme d’apprentissage préconisez-vous ?

J-F. C : De bac à bac+3 c’est un rythme de trois jours par semaine en entreprise pour deux à l’école qui fonctionne le mieux. Dans les Titres certifiés des niveaux supérieurs, on peut passer à un rythme d’une semaine à l’école pour trois en entreprise car les apprentis sont plus mûrs. Parfois on change le rythme pour l’adapter à celui de l’entreprise, pendant Noël ou les soldes, pour les clôtures des comptes, tout dépend des métiers. En bachelor ressources humaines, le travail est surtout important les lundis et vendredis dans les sociétés d’intérim. Nous nous adaptons alors pour que les jeunes viennent chez nous les autres jours. Il faut être proche du terrain et s’adapter aux entreprises.

O. R : On a longtemps évoqué la création d’un label pour l’enseignement supérieur privé. Aujourd’hui d’un Qaliopi+. Qu’en dites-vous ?

J-F. C : Les titres sont de plus en plus difficiles à renouveler au RNCP (Répertoire national des certifications professionnelles). Il faut prouver que nos diplômés ont bien un emploi avec le bon domaine d’activité et de rémunération. Quant à Qaliopi, il a déjà permis, dans sa version actuelle, de faire un peu le ménage dans les organismes.

O. R : Vous êtes attachés au recrutement sur Parcoursup ?

J-F. C : Nos bachelors et nos BTS recrutent effectivement sur Parcoursup, même s’il est possible d’accepter un candidat en apprentissage hors Parcoursup. C’est rassurant pour les familles même si nous recrutons essentiellement en fonction de la personnalité du candidat.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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