CLASSES PREPAS, ECOLES DE MANAGEMENT

Les classes préparatoires EC ont fait leur hackathon

« Il faut absolument recommencer ! », « La présence des étudiants nous a beaucoup apporté », « Les débats ont été vifs mais courtois », « Des idées nouvelles ont apparu mais il faut aller plus loin ». Les 120 participants de la journée de réflexion organisée le 19 octobre par le cabinet HEADway Advisory sous forme de « hackathon » affichaient une vraie satisfaction à l’issue de leurs ateliers. Au sein des nouveaux locaux de ESCP Europe proches de Montparnasse, avaient travaillé ensemble des proviseurs de l’APLCPGE (Association des proviseurs de lycées à casses préparatoires aux Grandes écoles), des professeurs de l’APHEC (Association des professeurs des classes préparatoires économiques et commerciales), des directeurs de Grandes écoles de management ou de PGE et surtout, c’était toute l’originalité du processus, des anciens étudiants de classes préparatoires ravis qu’on leur donne la parole. Ils ont d’ailleurs été nombreux à restituer les travaux de leur groupe. (Photos : François Daburon / ESCP Europe)

→ Le hackathon s’appuyait sur une étude quantitative menée en amont auprès de plus de 1 300 étudiants en classe préparatoires et d’étudiants en Grandes écoles ayant étudié en CPGE : 76 % considèrent qu’il n’existe pas de continuité entre CPGE et Grandes écoles alors qu’ils sont 81 % à estimer que cette continuité est nécessaire.

Une matinée pour faire éclore des idées

Le hackathon a commencé le matin par un travail en 14 petits groupes – moins d’une dizaine de participants des quatre populations invitées réunis – pour définir ce qu’ils attendaient du continuum. Le tout dans un esprit de totale liberté – c’est le principe même du hackathon – en donnant la parole à chacun sans prendre en considération leur statut.

Le « tuilage » nécessaire. Dans la restitution de chaque groupe qui a eu lieu en fin de matinées quelques grands thèmes ont vite fait l’unanimité autour de la nécessité d’un « tuilage » entre les deux temps de formation (on entend il faut « cheminer ensemble pour éviter les ruptures » mais aussi « une liberté à retrouver une fois dans une Grande école »), de la nécessité d’« atténuer la perte de repères » subie à l’entrée dans la Grande école, de « redonner du sens » ou encore de « valoriser les acquis de prépas ». Il faut « travailler sur la continuité de la démarche pédagogique pour éviter toute dépression » insistent plusieurs groupes quand une demande qu’on « renouvelle les méthodes pédagogiques avec des élèves qui aiment être challengés et l’être encore une fois en école de commerce ».

D’aucuns mettent en avant que « les professeurs des écoles ne savent pas ce qui se passe dans les prépas », notamment avec la « montée en puissance du nombre de professeurs étrangers ». Un groupe émet l’idée de mettre en avant une « montée en puissance plus qu’une continuité ».

Immersion en entreprises et culture générale. Dans l’esprit des actions plus précises déjà mises en œuvre dans beaucoup de classes préparatoires et Grandes écoles, plusieurs groupes ont demandé à que soit « généralisées les périodes d’immersion en entreprises dès la prépa ». Une « idée libre » fuse : faire venir des jeunes diplômés dans leur ancienne classe pour « refaire le lien entre les écrits et les oraux » et « parler école et métiers ».

La demande est également forte dans les groupes pour que les écoles « dispensent plus de culture générale en première année » ou qu’il y ait « plus de transversalité entre les disciplines » (en prépas comme dans les écoles). On entend plusieurs fois : « Il ne faut pas tout perdre de ce qu’on a appris en prépa une fois dans l’école ! »

Créer une journée de réflexion. Est apparue dans plusieurs groupes l’idée de créer un « Journée nationale prépa Grandes écoles » les réunissant pour se présenter aux lycéens avant le bac. Des étudiants ont aussi insisté sur « l’implication de tous les acteurs dans un dialogue » : « Nous voulons entendre un discours très clair des écoles pour savoir pourquoi nous devons faire des maths et nous coucher à 23h pour préparer les concours ! » Le seul objectif ne doit pas être de se préparer au concours. Il faut mieux présenter l’écosystème des écoles de commerce demandent des étudiants qui insistent : « Quel est le projet de l’élève au-delà de la réussite au concours ? On n’entre pas en prépa seulement pour éviter l’université ! » Il faut également mieux informer les élèves sur les financements de leurs études alors qu’ils « passent d’un système gratuit à payant ». Enfin les écoles pourraient mieux se présenter car « on les choisit essentiellement en fonction de leur classement sans rien percevoir de leur réalité. On voulait ce que les autres ne pouvaient pas avoir ! ».

Augmenter l’attractivité. La question de l’attractivité de la filière a également été mise en avant alors que certains constatent une certaine « désaffection pour les classes préparatoires de proximité » : il faut « dépoussiérer l’image des prépas » ! L’idée de « rendre obligatoire des séances d’information où les écoles se présenteraient mais aussi les entreprises » a été émise.

L’ensemble des groupes a surtout évoqué l’idée de mettre en avant les compétences acquises par les préparationnaires : « Les anciens préparationnaires doivent expliquer la complémentarité des compétences acquises en CPGE et en GE afin que nous comprenions réellement le fil conducteur et la valeur ajoutée de nos 5 années d’études » avec comme exemple « 10 heures de maths par semaine, c’est apprendre à trouver une solution, développer sa rigueur, et non faire juste des études théoriques ».

Une après-midi pour faire des propositions concrètes

La première phase du hackathon finie l’après-midi a été consacrée à une réflexion sur la mise en œuvre de propositions concrètes. Pour y parvenir les groupes se sont étoffés pour atteindre entre 20 et 30 membres qui réfléchissent à quatre grands thèmes.

« Informer – créer des connaissances mutuelles ». Les représentants du groupe ayant travaillé sur cette première thématique sont clairs : « Les préparationnaires arrivent en école décontenancés, sans que leurs profils ou leurs filières soient réellement considérés ». Avant d’intégrer l’école, ils savent que la pédagogie va être différente mais ils se posent les questions suivantes : « Que vais-je apprendre ? Pourquoi suis-je là ? Quels métiers, quels secteurs d’activités pourraient me plaire ? Comment mon parcours en prépa va-t-il être reconnu et valorisé au sein de l’école et plus tard ?».

Les étudiants insistent : « En amont il faut une acculturation, changer la façon dont les écoles de commerce viennent se présenter et informer les étudiants en classe préparatoire. Actuellement il s’agit d’un discours différenciant des écoles, ce que les écoles pensent qu’elles doivent dire, ce que les étudiants en prépa veulent entendre…, sauf que non, leurs besoins d’informations ne correspondent pas exactement à ces discours ».

Après ce point, les étudiants mettent en avant des idées : « Avant les oraux, nous avons besoin de découvrir l’ADN des écoles en général et non l’ADN de l’école qui vient se présenter, il faut dans ce premier temps recentrer le discours sur pourquoi une école de commerce et non sur pourquoi cette école de commerce ». Il faudrait aussi que plus de jeunes diplômés viennent témoigner pour illustrer ce continuum.

Toujours à propos de l’information en classe préparatoire, les étudiants ont besoin de découvrir plus tôt les métiers qui peuvent les intéresser (selon l’étude précitée : 35 % des étudiants issus de classes préparatoires ont seulement une « vague idée de métiers qui peuvent les intéresser »). D’autres groupes de travail expriment l’idée de « faire intervenir des diplômés pour présenter leurs métiers et expliquer l’intérêt de faire une classe préparatoire en illustrant les compétences acquises ».

« Apprendre et travailler – Continuité disciplinaire & méthodes pédagogiques ». Pour de nombreux étudiants issus de classes préparatoire, le passage en Grande École est une rupture, un changement de monde, certains voient « mal ce passage de la théorie à la pratique ». Les représentants de ce deuxième groupe évoquent le besoin, déjà énoncé, de « montrer les différences et les complémentarités de compétences acquises ».

Concernant la question centrale de la continuité des méthodes pédagogiques, un professeur de prépa déclare : « C’est un point de vigilance. Que les Grandes écoles adoptent les mêmes qu’en classes préparatoires ne ferait que déplacer en 2e ou en 3e année ce problème de transition. Lors d’un stage ou même en fin d’études ». Dans l’autre sens certains professeurs de Grandes écoles pourraient proposer des cours introductifs pour initier les étudiants aux Grandes écoles, mais « les plannings sont compliqués à gérer ».

Pour répondre à ce besoin de transition certains représentants imaginent dès la classe préparatoire « la mise en place de sortes de TPE avec des crédits ECTS pour mettre en place des travaux de groupe concrets et ainsi booster les étudiants à se tourner et découvrir le monde du travail ». Sur ce point le proviseur de Louis-Le-Grand et président de l’APLCPGE, Jean Bastianelli, insiste sur le « gain d’image et d’efficacité » qu’il y aurait à « conduire les étudiants à se former en interdisciplinarité ». Et le président de l’APHEC, Alain Joyeux, de mettre également en avant que « les stages de découverte en entreprise d’une ou deux semaines avec petite mission à réaliser en fin de 1ère année pour les préparationnaires, mis en place par les établissements volontaires ou expérimentaux, gagneraient à être institutionnalisés ».

« Avoir des activités – Créer des collaborations ». Les préparationnaires sont « décontenancés » à l’arrivée dans les Grandes écoles, avec un « manque d’échange et d’informations entre les différents groupes et parties prenantes de continuum » selon les représentants de ce troisième groupe qui demande : « Pour assurer des échanges entre CPGE et Grandes écoles, il faut organiser des congrès régionaux des CPGE avec comme intervenants des directeurs/top responsables des Grandes écoles. Il faut intensifier les échanges entre les professeurs des CPGE et des Grandes écoles pour partager les informations et ainsi impacter de bonne manière les étudiants ». Du côté des préparationnaires certaines solutions sont présentées comme « utiliser des ressources en ligne (MOOC) pour promouvoir les enseignements dispensés en Grandes école, organiser des journées – séminaires – pour les préparationnaires dans les écoles ».

Les représentants de ce groupe proposent de créer un réseau national d’ancien des CPGE « pour créer un lien, présenter leurs témoignages et faire du contenu vidéo pour dynamiser et informer au mieux les préparationnaires ».

« L’attractivité de la filière ». Avec la première année de mise en Parcoursup et la possibilité pour les bacheliers de ne pas hiérarchiser leur choix, et surtout de valider leurs intégrations tardivement, les classes préparatoires ont cette année connu une très légère baisse de leurs effectifs. Non significative elle n’en relance pas moins la question de l’attractivité de la filière. En conclusion Jean Bastianelli est revenu sur les points essentiels : « Certes le nombre d’étudiants augmente globalement mais pas le nombre de classes préparatoires. Pour autant l’attractivité est toujours aussi forte, la réalité observée sur le terrain est que seulement 3 % des effectifs est manquant, cela représente le plein-emploi ! ».

Le groupe de travail va dans le même sens : une augmentation du nombre de classes préparatoires aurait certainement pour corollaire une hausse de la demande et de l’attractivité de la filière. Ce dernier groupe de travail propose que soit lancé un plan de communication qui mettrait en avant qu’en classe préparatoire ce sont « la rigueur, le dépassement de soi, la vie intense et le challenge sur soi et non la concurrence interne qui prévalent. Les compétences acquises durent et ne servent pas seulement pour la préparation aux concours ». Les lycéens et collégiens devraient aussi savoir, pour une partie des participants, que la prépa n’est pas juste un chemin pour les Grandes écoles mais qu’elle ouvre aussi les portes vers les universités. Pour changer cette image et mieux informer les lycéens, ce groupe affiche : « Il faut dépasser les idées reçues et casser les stéréotypes en formant les conseillers d’orientation, voire les proviseurs et professeurs de lycée pour actualiser l’image qu’ils donnent du parcours ». L’attractivité de la filière repose beaucoup sur l’information : « Il faut montrer que la prépa ne formate pas les étudiants et montrer, par exemple avec du storytelling, les différentes personnes, les différents profils, les différents métiers dans lesquelles les gens aboutissent ».

Cette journée devrait maintenant être suivie d’autres dans le même esprit de travail commun ainsi résumé par le directeur de ESCP Europe : Frank Bournois : « Dans tous les ateliers, les élèves ont fait le job, ont apporté un beau contenu, des bons résultats et une sacrée valeur ajoutée. Aujourd’hui nous sommes un vrai écosystème avec une passion partagée vraiment positive, et cette flamme portée par tous est vraiment formidable ».

Les principales propositions :

  • créer une journée nationale des classes préparatoires qui systématiserait la visite dans les lycées (CPGE et enseignement secondaire) d’étudiants des grandes écoles, de responsables et de professeurs ;

  • assurer une meilleure transition pédagogique CPGE-GE ce qui implique, des deux côtés, d’innover ;

  • recenser et promouvoir les compétences acquises en CPGE pour mieux les tuiler avec celles acquises en Grande école ;

  • mieux répondre à la demande de sens des étudiants : immersions courtes avec mission à la clé en organisation pour les préparationnaires en fin de 1ère année, informations sur les métiers du management, cours de culture générale (géopolitique, économique, philosophie, civilisations étrangères, etc.) dans les programmes Grande école mais avec un contenu et une pédagogie différente de la classe préparatoire ;

  • communiquer à l’échelle d’une filière en 5 ans CPGE-GE pour valoriser et démocratiser la filière : tribunes dans les médias nationaux signés de responsables de Grande école, MOOC, construction d’un storytelling des CPGE…

  • appel à la tutelle d’ouvrir de nouvelles classes préparatoires.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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