ECOLE D’INGÉNIEURS

« Les étudiants des écoles de chimie veulent contribuer à préserver la planète »

La Fédération Gay-Lussac – du nom d’un célèbre chimiste et physicien français – regroupe 20 écoles d’ingénieurs spécialisées dans la chimie. Entretien avec sa présidente et directrice l’ECPM (École européenne de chimie, polymères et matériaux de Strasbourg)

Sylvie Begin

Olivier Rollot : Qu’est-ce que votre regroupement apporte aux écoles membres et aux étudiants ?

Sylvie Begin : Nos écoles se réunissent régulièrement pour discuter des grands enjeux de la chimie et des industries chimiques au niveau national et international et partager des expériences sur la formation ou les métiers dans une volonté d’amélioration de nos formations et de l’insertion professionnelle de nos ingénieurs.

Pour nos étudiants, la Fédération est aussi une passerelle d’échanges qui permet de suivre sa troisième année dans une autre école qui dispense des spécialités spécifiques. Nous recrutons essentiellement nos étudiants après des classes préparatoires par le Concours commun INP, dans les cycles préparatoires intégrés (CPI) propres à la Fédération mais aussi en admission sur titre après une licence ou un DUT. Nous recrutons également des étudiants étrangers par l’intermédiaire de nos accords ou de la procédure d’admission sur titres ou les CPI.

O. R : Comment fonctionnent ces cycles préparatoires intégrés ?

S. B : Créé initialement à l’ENSC Rennes, ils sont maintenant dispensés sur cinq sites avec à chaque fois entre 50 et 60 élèves. Les cinq écoles les gèrent ensemble sous l’égide de l’ENSCR qui regroupe les dossiers déposés via ParcourSup. Ces dossiers sont ensuite analysés par les responsables CPIs et les dossiers sélectionnés sont répartis dans chaque CPI suivant les souhaits de lieu d’audition des candidats. Chaque CPI gère les auditions des candidats. On scrute alors leur motivation pour se lancer dans cinq années d’études dans le domaine de la chimie qui mènent au métier très spécifique d’ingénieur. Ce sont des formations avec une proportion de garçons et de filles semblable à celle des écoles d’ingénieurs chimistes.

O. R : Que vient-on chercher aujourd’hui dans une formation à la chimie ?

S. B : D’abord des compétences dans les domaines de la chimie pour la santé mais aussi les cosmétiques et, de plus en plus, le développement durable, l’économie circulaire. La capacité à transformer pour créer de la valeur et contribuer au bien-être de la société. Plus de la moitié de nos ingénieurs travailleront dans la recherche et le développement et doivent être formés à l’innovation dans ces dimensions. Le tout est de leur donner les bases indispensables tout en les sensibilisant aux enjeux majeurs actuels comme l’IA, la qualité, la recherche de sources d’énergie alternative, la chimie verte, la bioéconomie…

O. R : On imagine qu’il faut forcément être titulaire d’un bac S pour postuler.

S. B : Nous recrutons effectivement des bacheliers S français dans nos CPI mais également jusqu’à 20% d’étudiants étrangers (jusqu’à 50% dans une classe à Rennes). Mais nous sommes conscients qu’il y a également de très bons étudiants issus des bacs STL et une sixième classe préparatoire intégrée ouvrira à la rentrée 2020 à l’ENSCR. Dédiée aux bacheliers STL, elle permettra de diversifier les voies d’accès aux écoles de la Fédération.

O. R : Comment gérez-vous l’image de vos formations après des incidents industriels comme celui que nous venons de vivre à Rouen ?

S. B : Des incidents industriels peuvent se produire malgré les précautions prises. La chimie reste un pilier de notre économie : premier secteur exportateur industriel en France, c’est une industrie innovante et responsable. Nous devons montrer tous les progrès apportés par la chimie et le génie des procédés comme le développement de nouveaux traitements des cancers ou de nouveaux médicaments, de procédés plus performants et propres, de nouveaux matériaux ou nouvelles molécules. Des produits de notre vie de tous les jours comme le téléphone portable, les batteries, les éoliennes, les biocarburants, les textiles anti-UV ou anti-bactériens… existent en grande partie grâce aux progrès de la chimie et des matériaux.

C’est également une industrie consciente des enjeux du développement durable : produire propre, avec des ressources renouvelables, recycler les produits, développer des énergies alternatives à celles issues du pétrole, des matériaux biosourcés..

O. R : Vous le disiez le développement durable est aujourd’hui une préoccupation majeure de vos étudiants.

S. B : De plus en plus de clubs dans nos écoles lui sont consacrés. Nos étudiants veulent contribuer à préserver la planète et nous les encourageons dans leurs activités visant à limiter notre consommation d’énergie, à consommer des produits issus du commerce équitable, à préserver l’environnement (tri des déchets, dépollution de l’eau)… Depuis cinq six ans nous assistons à un changement radical dans les mentalités de nos élèves. C’est rassurant d’avoir des étudiants conscients de l’avenir et responsables.

O. R : Vous réfléchissez déjà à comment la réforme du bac va faire évoluer votre recrutement en CPI ?

S. B : Nous travaillons beaucoup avec les professeurs agrégés des CPIs sur cette réforme et sur l’impact qu’elle aura sur le niveau des élèves. Le passage par les spécialités « mathématiques » et « physique-chimie » seront des préalables indispensables pour intégrer nos CPI. Pour autant, nous pourrons surement nous adapter à d’autres profils.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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