POLITIQUE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR, UNIVERSITES

Les examens universitaires à l’heure d’Omicron

L’université de Lille distribue des masques FFP2 à ses étudiants avant les épreuves.

Juste avant les fêtes l’Université d’Aix-Marseille annonçait le retour des cours à distance pour début 2022. Éric Berton, le président d’une université qui regroupe 80 000 étudiants sur ses différents sites, justifiait ainsi la mesure : « C’est de la prévention. On anticipe une évolution défavorable de la 5e vague après les fêtes de Noël. Il s’agit aussi de préserver les examens sur sites, programmés à partir de mi-janvier ».  Les cours sont donc délivrés à distance du 3 au 15 janvier 2022. La mesure concerne tous les cursus sauf les étudiants en santé. Les travaux pratiques et les examens sont maintenus en présentiel. Une première décision qui en appelle forcément d’autres alors que l’explosion des cas de contamination au variant Omicron du Covid-19 atteint toute la planète.

L’épineuse question des examens. Dans ce contexte la question de l’organisation des examens universitaires de la session de janvier 2022 est particulièrement tendue  A l’université, la crainte d’une contamination massive pendant les examens titre ainsi Le Monde. Pour l’instant le ministère de l’Enseignement supérieur semble préférer faire le dos rond. « La décision a été prise de maintenir les examens en présentiel, ce qui est en réalité la demande majoritaire des étudiants », insistait ainsi Frédérique Vidal le 29 décembre sur franceinfo.

Majoritaire mais pas unanime : saisi par un étudiant du centre de préparation au concours de la haute fonction publique de Paris-I Panthéon-Sorbonne, le Conseil d’Etat a jugé, le 2 janvier, que les étudiants peuvent passer leurs examens en présentiel, car « ils appartiennent à une classe d’âge dont le taux de vaccination est supérieur à 90 % et qu’ils pourront composer dans des conditions permettant le respect des règles de distanciation ».

 Ne s’en pose pas moins la question de la sécurité sanitaire des examens. Placer des centaines de candidats pendant des heures dans des espaces clos mal ventilés, il y a mieux pour éviter la propagation d’un virus ! D’autant qu’il y a un mois, en revisitant sa circulaire sur le passage des examens et concours, le MESRI a cru bon de rendre l’option des 4m2 par candidats – décidée après la première vague Covid – seulement optionnelle.

Des épreuves de « substitution ». Pour permettre aux étudiants atteints par le Covid ou cas contact (schéma vaccinal incomplet ou non vaccinés) de passer néanmoins leurs examens, des « épreuves de substitution » ont été mises en place. Il suffit de se signaler sur un site dédié. A Bordeaux 3 les étudiants positifs au COVID doivent de plus joindre le résultat du test PCR positif. Mais dans la mesure où, de toute façon, le Pass Sanitaire n’est pas demandé pour entrer dans les universités tout en chacun peut se déclarer inapte au passage des examens.

Une certaine incompréhension étant apparue autour de la finalité de ces épreuves, les universités précisent : il ne s’agit pas d’une épreuve de rattrapage ou de seconde chance. « Il ne faut donc pas prendre le risque de venir si vous êtes en période d’isolement parce que vous êtes positif à la Covid ou cas contact. Tous les étudiants, qu’ils participent ou non à une épreuve de substitution, conservent leur droit au rattrapage (organisé en juin), après publication des résultats de l’évaluation initial », insiste le président de l’université Bordeaux 3, Lionel Larré.

L’université Paris-Saclay teweete auprès de ses étudiants : « Si vous êtes testé·es positifs/positives #COVID19, ne vous rendez pas à vos partiels/examens. Des mesures spécifiques seront appliquées pour que vous ne soyez pas pénalisé·es. Rapprochez-vous de vos responsables pédagogiques »

Des étudiants « responsables » mais « déprimés ». Les étudiants sont particulièrement bien vaccinés : plus de 92% ont reçu leurs deux premières doses et plus de 30% trois doses selon Frédérique Vidal, qui les juge « extrêmement responsables ». En possession d’un schéma vaccinal complet, les probabilités de développer des formes graves du Covid semblent faibles avec Omicron. En revanche on a bien pu mesurer depuis maintenant presque deux ans combien la fermeture des campus et le retour massif au distanciel avait des effets délétères sur le moral des étudiants.

Selon une enquête menée par l’Inserm et l’université de Bordeaux, 37 % des étudiants interrogés suite au Covid présentent des troubles dépressifs et 27% des symptômes d’anxiété (lire dans Le Monde).  Chez les étudiants, il y a un effet cumulatif et un effet retard, analyse le psychiatre Frédéric Atger, responsable du BAPU du 5e arrondissement de Paris. Leurs troubles sont plus sévères, les situations de décrochage aussi. » « On a vraiment beaucoup plus d’états anxieux aigus, de conduites autoagressives troubles addictifs, scarifications, etc. et de gestes suicidaires, avec de nombreuses raisons de décompensation », indique le psychiatre Thierry Bigot, responsable d’une unité d’hospitalisation qui accueille aujourd’hui plus de 50 % d’étudiants, à l’Hôtel-Dieu, à Paris.

 « Vivre » avec le virus ? Ce sont chaque jour des centaines de milliers de Français qui sont contaminés ou sont cas contacts. Si l’assouplissement des règles de confinement permet de maintenir les universités ouvertes, elle n’en porte pas moins le risque de laisser encore plus le virus se disséminer. Sans dire, comme au Royaume-Uni, « vivons avec le virus », la France fait bien le choix d’une stratégie de cohabitation avec un Omicron certes apparemment moins dangereux mais néanmoins capable de désorganiser toute l’économie, sinon de mettre à bas l’organisation des hôpitaux.

Dans ce contexte le respect des gestes barrière paraît toujours aussi essentiel. La main sur le cœur responsables universitaires et de Grandes écoles garantissent leur respect par leurs étudiants. Certes à l’entrée des campus les masques sont portés mais que dire de pauses café, évidemment démasquées, qui n’en finissent pas ? Comment ne pas évoquer ces masques qui ne recouvrent pas le nez pendant les cours, de ces professeurs qui n’essayent même pas de faire respecter la règle quand eux-mêmes ne s’en dispensent pas ? Mais comment également ne pas comprendre la lassitude d’une population, qui a joué massivement le jeu de la vaccination alors même qu’elle se savait moins en danger, une population qui a douloureusement vécu des confinements, face à un virus qui n’en finit pas de muter pour mieux nous atteindre ?

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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