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Les MOOCs ou l’université 2.0

Ces dernières semaines le rythme de création de MOOCs s’accélère en France avec notamment la création des premiers MOOCs de Paris Panthéon-Sorbonne, Audencia, Grenoble EM, Centrale Lyon et, le 5 mai, de France Business School. Même si seulement 10% à 15% des inscrits vont jusqu’au bout de ces cours gratuits en ligne (massive open online courses), jamais les universités n’auront enseigné à autant d’étudiants à la fois. Car c’est bien le « M» de MOOC, ce fameux « massif » qui fait la différence avec tout le e-learning développé depuis trente ans. Aujourd’hui tout le monde peut suivre en ligne les meilleurs cours des meilleurs professeurs des meilleures institutions d’enseignement supérieur.

D’abord pour des cadres

Les chiffres sont là : la plupart des MOOCs sont à 70% suivis par des salariés avec un fort intérêt pour tout ce qui concerne le management. Le MOOC « leader » en France s’appelle Du manager au leader du Cnam avec ses 36 000 inscrits. Avec son MOOC La stratégie : ce que les managers peuvent apprendre des grands philosophes, le mathématicien et philosophe Luc de Brabandere, professeur à Centrale Paris, remporte un vif succès : déjà plus de 51 000 inscrits sur la plateforme de MOOCs Coursera. Le nouveau MOOC sur le Droit des entreprises de l’université Paris Panthéon-Sorbonne vise le même public. Mais il n’y a pas que les MOOCs très professionnels qui emportent les suffrages. C’est par exemple aussi le cas du Philosophie et modes de vie de l’université Paris Ouest.

Les entreprises ne s’y sont pas trompées et commencent à se lancer dans la création de MOOCs. Aux États-Unis Udacity est ainsi passé d’un modèle « académique » à la collaboration avec un certain nombre d’entreprises dans des domaines aussi variées que le marketing et la biologie. Un modèle proche de celui d’Open Classrooms et maintenant de Solerni, la plateforme que vient de lancer Orange.

FUN-MOOC : Droit des entreprises par fr-universite-numerique

De de plus en plus d’interactivité

La montée en puissance des MOOCs semble d’autant plus inexorable qu’ils sont beaucoup plus que les simples cours filmés qui ont fait les beaux jours – et marqué les limites – de l’e-learning. La plupart des MOOCs présents sur la plateforme France Université Numérique (FUN) donnent ainsi lieu à de petits quiz. « Mais aujourd’hui il faut aller encore plus loin pour créer les MOOCs de « deuxième génération » avec toujours plus d’interactivité et des vidéos encore plus courtes : 6 à 7 minutes chacune contre encore souvent 15 minutes ailleurs », explique Fabrice Mauléon, le créateur du MOOC Pensée design que lance le 5 mai l’école de management France Business school (FBS)

Parce qu’aucun média ne doit être négligé, Fabrice Mauléon a décidé de proposer aux inscrits de son MOOC d’avoir accès à un petit livre sur le site. Mais il veut surtout que ses étudiants gardent une preuve personnelle de leur implication : « Nous allons donner la possibilité à nos étudiants de montrer ces projets à des futurs recruteurs ou banquiers pour les financer avec la technologie Explee qui permet de créer des séquences animées ».

Restez connectés !

« Ce qui est vraiment nouveau avec les MOOCs c’est la possibilité pour ceux qu’on appelle les « apprenants » d’échanger ensemble sur les forums et de créer ainsi un réseau qui leur servira longtemps », explique Florence Michau, en charge du projet de MOOC « Des rivières et des hommes » à Grenoble INP. Forte de sa bientôt dizaine de MOOCs, l’Institut Mines Télécom va embaucher un modérateur de MOOCs à temps plein. « On estime qu’il faut 5000 inscrits pour créer une communauté et la faire vivre sans intervention extérieure », remarque Jean-Marc Hasenfratz, responsable du MOOC Lab Pédagogique de l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria), qui a créé la plateforme FUN.

Un MOOC il faut aussi le faire vivre. « Les deux enseignants de notre premier MOOC ont beaucoup apprécié les échanges avec des étudiants de tous les âges, des lycéens comme des retraités, qui ont suivi ce cours et qui ont posé énormément de questions », se félicite Frank Pacard, directeur de l’enseignement et de la recherche de l’École polytechnique, dont l’école a déjà créé trois MOOCs. Un investissement en temps nécessaire qui n’inquiète pas trop Fabrice Mauléon : « La Pensée design, le « design thinking » fait partie des disciplines que nous enseignons à tous nos étudiants pour les rendre plus innovants et nous serons toute une équipe pour les aider et répondre à leurs questions ». Pour autant Jean-Marc Hasenfratz n’a pas de théorie absolue sur ce qui fait ou pas le succès d’un MOOC : « J’ai pu constater qu’un MOOC très bien animé par les enseignants et un autre, sur lequel on se contentait de diffuser leurs vidéos, connaissaient finalement tous les deux le même succès ».

La création d’un savoir collectif

Constatant un peu par hasard qu’un groupe d’étudiants en ligne construisait son propre savoir, deux chercheurs canadiens George Siemens et Stephen Downes, en ont fait une théorie : le connectivisme. « Ce qu’il faut c’est apprendre à construire un parcours en collaboration avec d’autres. Aujourd’hui on sait que 1000 personnes réunies créent du savoir mais on ne sait pas encore si c’est le cas avec 5 000 ou 10 000 », se demande Jean-Marie Gilliot, professeur à Télécom Bretagne et créateur du premier MOOC français, ITyPA, en 2012.

La solution de MOOCs Claroline, adoptée par Orange pour sa plateforme de MOOCs Solerni est fondée sur ce concept : faire travailler ensemble des « apprenants » pour aller plus loin que le simple cours d’un professeur même excellent. « Mais pour que ça fonctionne, il aussi prendre garde à ne pas donner trop vite de réponse absolue, sinon on tue les interactions entre les apprenants », confie Jean-Marie Gilliot, persuadé que les MOOCs ne vont pas pour autant tuer les campus réels : « Les MOOCs vont être un campus global relayé par des rencontres sur des campus locaux ».


La force de la certification

À l’issue de leurs cinq semaines de cours, les « apprenants » de FBS pourront obtenir une certification avec une validation qui se fait par caméra (solution Procter U) sous le regard d’examinateurs à distance. La possibilité d’obtenir cette certification représente un vrai intérêt pour des étudiants qui sont de plus en plus nombreux à les afficher sur leurs CV. Mais cela ne vas pas sans susciter un vrai débat sur la gestion de sa marque auquel beaucoup d’institutions, dont les plus prestigieuses, ne sont pas prêtes. « Nous remettrons aux élèves qui ont terminé le cours avec succès un certificat d’assiduité, c’est tout. Ce qu’ils veulent, c’est avant tout apprendre », assure Frank Pacard.

La certification du MOOC de FBS coûtera entre 70€ et 90€. Un prix comparable à celui que demande par exemple Audencia pour son MOOC sur la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) (Corporate social responsibility (CSR) and value creation) mais bien en retrait de ceux de l’EM Lyon Effectuation : l’entreprenariat pour tous (350€) ou du déjà célèbre Gestion de projet de Centrale Lille (entre 180 et 270€). « Le MOOC de Centrale Lille a maintenant acquis une vraie légitimité et peut demander des tarifs plus élevés. Aujourd’hui nous voulons avant tout faire rayonner notre marque mais aussi tester de nouvelles méthodes », soutient Fabrice Mauléon. En plus de la certification, Centrale Lille ira plus loin en accordant des crédits ECTS aux certifiés : un premier pas vers des diplômes faits de plusieurs MOOCs ,

Pionnier de la mise à disposition de ressources numériques en France avec « Le site du zéro », l’ancêtre de l’actuel OpenClassrooms, Pierre Dubuc s’inspire lui des sites de musique ou de vidéo comme Deezer ou Netflix : « Pour un abonnement mensuel qui démarre à 6,99€ par mois nous mettons à disposition des particuliers et des entreprises tout un contenu qui leur permet de se former ». Mais l’économie numérique peut également prendre des allures très classiques avec toute une série de livres d’informatique qu’édite OpenClassrooms.


FUN-MOOC : philosophie et modes de vie ; de… par fr-universite-numerique

Quel niveau faut-il avoir ?

Présenté sur Coursera, le cours sur la Théorie de Galois de l’ENS Paris, auquel 3000 étudiants se sont inscrits demande un niveau de connaissance important pour être suivi et valide ainsi la réputation de l’excellence de l’ENS. Un raisonnement qu’a également suivi l’Ecole polytechnique en créant ses MOOCs. « La vocation de l’École polytechnique n’est pas de proposer des enseignements de niveau lycée, d’autres le font beaucoup mieux que nous. Nous avons donc construit notre offre de cours en ligne en partant des cours que nous dispensons à nos élèves, ce qui nous permet au passage de montrer la qualité de notre enseignement », explique Frank Pacard.

Une excellence qui rime souvent avec échec et explique les faibles taux de finalisation de la plupart des MOOCs : aux alentours de 10% des inscrits. A contrario une MOOC comme Pensée design de FBS peut être suivi par tous – Fabrice Mauléon espère bien attirer plus d’étudiants que dans les autres MOOCs – alors que le MOOC sur la RSE d’Audencia s’adresse à des cadres qui s’intéressaient déjà au sujet mais qui n’ont pas forcément tous les éléments en main pour le suivre. «Le grand challenge que posent les MOOCs à Audencia, comme à toutes les grandes écoles, c’est de ne pas pouvoir par définition choisir leurs candidats », explique Frank Vidal, le directeur général du groupe audencia (lire l’entretien complet) qui en conclut « Nous allons devoir apprendre à appréhender ce public pour essayer d’en amener la plus grande partie au bout du programme ».

Olivier Rollot (@O_Rollot)

  • On les appelle les « mooceurs »
  • Pionniers du développement des MOOCs en France ils s’appellent entre eux les « mooceurs ». Voici les principaux créateurs de MOOCs français:
  • Rémi Bachelet (@R_Bachelet), docteur en sciences de gestion et enseignant à Centrale Lille a rendu les MOOCs populaires en France grâce à son MOOC Gestion de projet créé en 2013.
  • Mathieu Cisel (@MatthieuCisel), doctorant en biologie à l’ENS Cachan, a participé au lancement du MOOC Gestion de projet. Aujourd’hui il travaille à la réalisation d’un MOOC consacré à la… création de MOOCs qui devrait bientôt voir le jour et anime le blog La révolution MOOC.
  • Jean-Marie Gilliot (@jmgilliot), enseignant-chercheur à Télécom Bretagne il a lancé le premier MOOC français, ITyPA, en 2012 en compagnie de Christine Vaufrey et Morgan Magnin. Il fait aujourd’hui le tour des écoles de l’Institut Mines Télécom pour faire comprendre les enjeux des MOOCs à des écoles qui en ont déjà produit plusieurs sur la plateforme FUN. Il anime le blog Techniques innovantes pour l’enseignement supérieur
  • Mathieu Nebra (@m_nebra) est le co-fondateur d’OpenClassrooms avec Pierre Dubuc. Bien avant que démarre l’ère des MOOCs il lance en 1999 – il a 12 ans ! – le « Site du zéro ».
  • Christine Vaufrey (@cvaufrey), rédactrice en chef du site Thot Cursus, premier magazine d’information francophone sur les technologies, l’éducation et la formation, fait partie des fondateurs du site ITyPA. Depuis elle a rejoint les équipes de Solerni, la plateforme de MOOCs que vient de créer Orange.
  • Citons également : Thierry Curial, qui est la base de la création de la plateforme de MOOCs d’Orange, Solerni ; Cécile Dejoux, créatrice du MOOC Du manager au leader du Cnam; Gilles Dowek, qui a piloté la création de FUN à l’Inria ; Catherine Mongenet, chargée de mission France Université Numérique (FUN) au sein du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ; François Taddei, directeur du Centre de recherches interdisciplinaires auquel on doit le premier « MOOC camp ».
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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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