CLASSES PREPAS, ECOLES DE MANAGEMENT

« Les prépas sont un atout considérable »

ESCP Europe est depuis toujours dans le peloton de tête des écoles de management les plus demandées par les élèves des classes préparatoires. Son directeur, Frank Bournois, revient pour « L’Essentiel du sup » sur ce qu’il attend des candidats et, plus largement, sur sa stratégie.

Olivier Rollot : ESCP Europe est l’une des écoles les plus demandées par les élèves de prépas. Qu’attendez-vous d’eux ?

Frank Bournois : Nous faisons en sorte de recruter les meilleurs talents dans l’ensemble des pays où nous sommes présents et en France, pour le Master in Management, ils sortent des classes préparatoires. Les prépas sont à la fois un atout considérable pour nous et une garantie pour les entreprises qui recrutent des généralistes de haut niveau. Nous savons qu’on ne peut pas être faible dans une matière si on veut intégrer nos écoles et que les élèves ont appris à gérer efficacement leur temps en prépa. Leur objectif n’a pas été la copie parfaite à 100% mais la copie acceptable dans laquelle tous les aspects ont été traités. Pour intégrer une grande école il ne faut pas seulement traiter deux exercices sur cinq à fond, il faut savoir optimiser son temps. Etre passé par une prépa est également pour les entreprises la garantie d’une capacité à bien gérer son énergie et son stress pendant deux ou trois ans – nous recrutons aujourd’hui 25% de Cubes – dans un contexte de compétition. Dans le paysage français il n’y a pas mieux !

O. R : Il n’en reste pas moins qu’il n’est pas toujours facile pour les élèves de passer de la prépa à la grande école.

F. B : Il existe en effet un phénomène de « sevrage » post prépa pour des élèves qui s’imaginent que la dimension intellectuelle est moins intense en grande école, que l’on passe trop vite de l’académique à la « caisse à outils » dont on aura besoin en entreprise. Nous veillons qu’il n’y ait pas une cassure trop rapide en continuant, par exemple, l’enseignement des humanités. C’est une tradition de l’école et cela fait partie du bagage du futur dirigeant… tout autant aujourd’hui que l’apprentissage du codage informatique (coding) que nous systématisons également dans nos programmes !

De la même façon il faut apprendre aux élèves à travailler en équipe à la sortie de prépas où le concours peut aiguiser les comportements individualistes. Nous souhaiterions d’ailleurs que les CPGE sensibilisent plus leurs élèves au travail en équipe, à ce qu’ils vont découvrir dans les écoles et à quel point ce sera différent de ce qu’ils ont connu jusqu’ici.

O. R : Les étudiants français se mêlent bien aux étudiants venus de vos autres campus ?

F. B : Ils saisissent rapidement que notre école européenne propose une plus grande diversité de profils, de nationalités et de disciplines. Au début, on les voit souvent se regrouper entre anciens élèves de prépas, voire de la même prépa, pour créer des associations. Nous soutenons l’association « Shuffle » pour faire en sorte que tous les étudiants mélangent bien leurs talents dans le cadre des parcours européens. Mais si on écoutait seulement les Français, ils préfèreraient rester entre eux, au point de repousser le plus possible le moment où ils se rendront sur nos autres campus ou ailleurs dans le monde ! A ESCP Europe, ce n’est pas possible : on ne peut rester plus de deux semestres sur un même campus.

O. R : Mais vos candidats connaissaient quand même la finalité internationale du projet de ESCP Europe ?

F. B : Pas forcément autant que nous le souhaiterions. Ils ont candidaté dans une « parisienne » et l’ont « décrochée » sans toujours mesurer l’épaisseur résolument européenne de ESCP Europe. C’est très différent du côté des étudiants non-Français qui ont clairement choisi l’école pour son projet pédagogique. Mais à la fin tous les étudiants sont ravis de leurs parcours multi-campus et dépassent leurs différences ! Je suis par exemple très heureux de voir que les soirées suivant la remise de diplôme se déroulent aujourd’hui toutes nationalités confondues alors qu’il en existait plusieurs, par nationalité, il y a encore quelques années.

O. R : Vous recrutez quasiment le même nombre d’élèves de prépas depuis 30 ans. Pourquoi ne pas en accepter plus comme le font certaines de vos écoles concurrentes ?

F. B : Nous en recrutions 290 en 1984 pour 355 cette année. C’est effectivement assez stable parce que nous souhaitons garantir le même niveau de sélectivité. D’ailleurs nous l’avons même augmenté vu le nombre d’élèves de plus en plus important qui postulent. Pour les élèves français, la prépa est désormais la voie quasi-exclusive pour intégrer la Grande Ecole (le programme Master in management) et se mêler à nos 520 autres étudiants venus de l’Europe et du monde entier.

O. R : Les oraux que vous faites passer – entretien personnel et de motivation plus deux langues vivantes – restent très classiques quand d’autres écoles innovent. Pourquoi ?

F. B : Nous tenons surtout à tester l’appétence au multiculturalisme et à l’ouverture sur le monde de nos candidats et ces entretiens de personnalité le permettent. Nos jurys sont composés d’Anciens, de professeurs et de spécialistes des ressources humaines qui doivent se poser la question « Avant de rejoindre une entreprise, ce candidat va t-il/elle pleinement bénéficier du dispositif pédagogique de l’Ecole ? ». Ce que nous cherchons dans les oraux c’est déceler des potentiels qui contribueront aussi à la dynamique de l’école au-delà de leurs propres préoccupations. Il faut avant tout être authentique !

En résumé, je crois qu’il est plus important de bien faire connaître notre mode de recrutement aux professeurs de prépas et à leurs élèves que d’être innovants à la périphérie avec des artifices qui aboutissent à la même question : le candidat a-t-il le potentiel pour devenir un jour cadre dirigeant d’une entreprise ? Là, est la question essentielle car une école telle que la nôtre ne forme pas que des futurs cadres supérieurs, mais bien des futurs dirigeants !

O. R : Vous recrutez également dans les prépas EC option technologique et littéraire ?

F. B : Bien sûr et je suis à la fois marqué par la grande qualité de leurs candidats et la faible mobilisation de leurs ressources réelles pendant les oraux. Il est vrai qu’ils passent plusieurs concours fort différents. Sur 514 candidats issus des prépas A-L l’année dernière, 86 ont été admissibles et 13 nous ont finalement rejoints. De B-L nous avons eu 200 candidats, 36 admissibles et 15 admis. Et nous recrutons également des élèves de prépas technologiques : 600 candidats pour 15 reçus.

O. R : Une question plus politique. Les tensions ont été fortes l’année dernière avec votre association des Anciens au sujet du développement de votre bachelor dans les locaux de Novancia. Tous les malentendus sont levés aujourd’hui ?

F. B : Soyons clairs : il n’y a eu aucune incompréhension quant au lancement du Bachelor, que les Anciens ont validé pour sa pertinence et son positionnement très haut-de-gamme. La stratégie de croissance du Bachelor en France a déstabilisé. Certains Alumni ont cru à une fusion, dans laquelle les étudiants de Novancia auraient obtenu le diplôme de ESCP Europe, ce dont il n’a jamais question étant donné la réglementation en la matière : on sort toujours avec le diplôme de l’école dont on a passé le concours. Je comprends leur émotion face à des zones d’ombre qui n’étaient pas toutes levées. Je saisis l’occasion pour le redire : le Bachelor ESCP Europe est unique (3 années, 3 campus, 3 langues), très exigeant en termes de recrutement et ne mène pas au Master in management Grande Ecole.

Désormais, avec le site de Montparnasse, nous possédons un second très beau nouveau site situé au centre de Paris, une sorte de frégate de compétition qui va nous permettre d’y développer notre formation continue, notre incubateur…

O. R : Qu’attendez-vous de ce bachelor ?

F. B : Nous espérons augmenter de 50% le nombre de candidats à la rentrée prochaine alors que nous avons 114 élèves à Londres cette année. Nous conserverons un niveau de qualité élevé en recrutant des étrangers qui ne seraient pas allés de toute façon en prépa, mais aussi des Français qui seraient sinon tentés de rejoindre la Bocconi ou la London School of Economics.

O. R : Une question plus structurelle. ESCP Europe va-t-elle devenir un établissement d’enseignement supérieur consulaire (EESC) comme HEC ?

F. B : Ceci est prévu pour le 1er janvier 2018 et nous travaillons quotidiennement avec la CCIR, un cabinet d’avocats, la Fondation, l’Association des Alumni, pour trouver le meilleur modèle pour soutenir le développement de l’école. Le changement de statut n’est pas une fin, c’est un moyen de faire de ESCP Europe la meilleure business school d’Europe ! Je me réjouis aussi de l’élection de Philippe Houzé, président du directoire du groupe Galeries Lafayette, comme président de notre Conseil d’établissement.

O. R : Une question plus politique. Pourquoi avoir quitté la Communauté d’universités et d’établissements (Comue) HeSam fin 2016 ?

F. B : Il y avait deux grandes raisons à cela. La première était le départ de Paris 1 Panthéon-Sorbonne un peu plus tôt et ceci ne garantissait plus la complémentarité des disciplines avec les sciences humaines et sociales. La seconde est que nous avons fait le constat que la gouvernance d’HeSam ne parvenait pas à convaincre le jury des Idex/Isite de nous accorder des moyens supplémentaires. Nous arrivions à une situation où il revenait à l’école de participer financièrement aux coûts de structure d’HeSam.

O. R : Et maintenant qu’allez-vous faire ?

F. B : Nous sommes toujours membres d’HeSam jusqu’en juin 2017. Nous continuons notre réflexion sur la pertinence ou non de participer à un regroupement. Nous n’avons aucune obligation légale de le faire, ce n’est pas indispensable à l’échelle européenne au vu de la qualité de nos partenariats existants avec de grandes institutions – nous sommes une université en Allemagne et le serons bientôt en Italie.  Nous avons des discussions en cours et il existe une certaine logique à ce que nous formions une association sur chantiers stratégiques, pas une COMUE ! Nous connaissons bien comme Paris 1- Panthéon-Sorbonne avec laquelle nous avons une école doctorale commune et Paris 2 -Panthéon-Assas avec laquelle des partenariats de recherche ont déjà existé. Pour la grande école européenne que nous sommes, il est naturel de travailler en complémentarité avec le droit, l’économie, les sciences humaines et sociales.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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