ECOLES DE MANAGEMENT

« L’ESC Clermont est passée à la phase de développement »

C’est l’histoire d’une école de management qui revient de loin. D’une fusion ratée qui a laissé des traces. Si elle n’était pas si ancrée dans son territoire jamais l’ESC Clermont n’aurait pu si vite se relever. Sa directrice, Françoise Roudier, fait le point sur une véritable résurrection.

Olivier Rollot : Il y a maintenant trois ans que le groupe ESC Clermont est redevenu indépendant après une intégration au sein de France business school (FBS) qui s’est révélée un échec. Quel bilan tirez-vous de ces trois ans ?

Françoise Roudier : Un bilan très positif puisque nous avons restauré tous nos actifs fin 2016. Après cette période, nous sommes passés à la phase de développement qui se concrétise par une remontée des effectifs sur l’ensemble des programmes. Le bachelor en management international est en pleine croissance que ce soit sur les effectifs français mais aussi auprès d’étudiants internationaux qui sont de plus en plus nombreux dans nos rangs : ce programme est pleinement attractif. Quant au programme master grande école (MGE), il comptait cette année 520 étudiants en accès prépas, concours sur titre et admissions internationales. Les étudiants titulaires d’un diplôme de niveau bac+3 – bachelors et licence– sont notamment plus nombreux, ce qui rend les promotions en années M1 et M2 plus denses.

O. R : Vous respectez les objectifs que vous vous étiez fixés ?

F. R : Au global, nous sommes dans notre plan de marche avec une progression des effectifs de l’ordre de 15% par an depuis 2015. La structure du chiffre d’affaires est aujourd’hui plus diversifiée par rapport à nos prévisions avec, comme je le disais, une progression plus forte qu’escomptée dans le programme bachelor. Il y a une véritable mutation du marché qui impacte toute la communauté des écoles de management où le MGE n’assure plus l’essentiel des revenus. Nous nous adaptons car nous voyons bien que les étudiants ont de nouvelles stratégies de parcours et s’intéressent de plus en plus au 3+2 pour arriver au master. Pour nous l’essentiel est de répondre aux aspirations des étudiants, qu’ils choisissent notre école pour parvenir à leur vision de la réussite.

O. R : Mais vous voulez toujours recruter des élèves de classe préparatoire ?

F. R : Bien sûr nous voulons en recruter, c’est même la vocation de nos écoles que de recruter des élèves issus de classes préparatoires et, à ce jour, je pense ne pas me tromper en disant que la majorité de nos diplômés sont issus de ce parcours d’excellence. Pour autant, aujourd’hui nous sommes tributaires d’un marché extrêmement tendu qui a profondément changé. Si l’augmentation du nombre de places proposées dans les écoles perdure – notamment pour celles du top 5 — cette tension va continuer de s’accroître.

Je suis convaincue qu’en favorisant le face à face pédagogique, en remettant l’étudiant au cœur de notre dispositif pédagogique, en cultivant l’« esprit de famille » favorable à l’épanouissement tout en proposant une ouverture très large tant en termes de spécialisations que de destinations, nous sommes parfaitement placés pour préparer ces jeunes préparationnaires à leurs vies futures, sous tous leurs aspects. A nous de les convaincre que cette proposition correspond peut-être plus à leurs attentes réelles.

O. R : Votre bachelor bénéficie d’une excellente réputation. Quelles sont ses spécificités ?

F. R : D’abord ce programme visé (visa renouvelé pour 5 ans cette année) comprend une année complète à l’étranger et permet d’obtenir deux diplômes : le nôtre et celui d’universités étrangères partenaires à Sao Paulo, Nottingham, Madrid, en Chine ou encore à Monterey au Mexique. En 10 ans, 85% de nos étudiants ont décroché leur double-diplôme en 3 ans, et cette spécificité participe à notre réputation, d’abord parce que nous recrutons des étudiants ouverts sur le monde et d’un très bon niveau académique, ensuite parce que ces mêmes étudiants 3 ans plus tard, devenus bilingues, poursuivent à 90% leur parcours dans des cursus en Management (y compris dans des écoles du top 10 français) ou dans des formations plus spécialisées, selon leur choix.

Nous avons créé cette année une toute nouvelle filière « passion sport » qui elle aussi met en avant la double compétence, académique et sportive cette fois-ci. Elle mixe des sportifs de haut niveau avec des étudiants passionnés de sports qui veulent donner une coloration sportive à leur cursus. C’est une vraie réussite de tous côtés : clubs et fédérations de tous bords nous rejoignent à l’instar de l’ASM Clermont Auvergne, avec qui nous avons créé cette filière. Les jeunes sportifs, de haut niveau ou non, sont très motivés pour rejoindre un tel cursus qui propose une pédagogie adaptée, et enfin les entreprises du secteur sont au rendez-vous pour proposer stages, cas concrets…

O. R : Le Groupe ESC Clermont se situe dans le top 25 des écoles de management françaises selon les différents classements. Pouvez-vous progresser ?

F. R : En France, notre classement dans les différents palmarès ne reflète pas la vision que nous pouvons donner à l’international, et notre attractivité sur des marchés hors Hexagone. Nous travaillons activement à progresser sur certains critères qui fondent ces classements et les accréditations. En matière de recherche, par exemple, nous avons mis en œuvre une politique volontariste qui commence à porter ses fruits, et ce dans le cadre de notre laboratoire commun avec l’Université, le CRCGM. Vous observerez que dans au moins deux classements récents, nous sommes au premier rang des écoles qui ne sont pas triple accréditées. Nous avons entamé au second trimestre 2017 les démarches pour obtenir l’accréditation EPAS (pour le programme bachelor en management international) et nous nous sommes engagés début 2018 dans le processus pour prétendre à AMBA. C’est incontestablement un enjeu majeur pour notre établissement qui est mûr aujourd’hui pour viser ces reconnaissances, en sus de l’accréditation AACSB obtenue en 2005, rappelons-le, dans les toutes premières écoles de commerce de province…

Nous travaillons tous les jours à remonter dans ces classements, nous savons à quel point ils sont décisifs dans le choix des préparationnaires, mais nous ne reviendrons pas sur notre modèle d’école à taille humaine avec un taux d’encadrement digne de l’investissement pécuniaire demandé. C’est un équilibre subtil que ce rapport entre qualité de la formation, capital de la marque et pricing !

O. R : Parvenez-vous à recruter des étudiants internationaux ?

F. R : En étant accrédités par l’AACSB, et présents dans le classement de référence du « Financial Times », nous attirons naturellement beaucoup d’étudiants étrangers. Bien entendu, la qualité et pertinence des programmes reste le point central de conquête et de transformation pour ces élèves généralement très exigeants. De plus, nous bénéficions de l’image de Michelin et d’un environnement étudiant très cosmopolite et dense à Clermont, grande métropole universitaire. Nos étudiants apprécient la qualité de vie avec une position centrale en cœur de ville, la proximité des lieux de sport et de culture, sans oublier un coût de vie raisonnable par comparaison à d’autres métropoles universitaires françaises ou européennes.

Le bâtiment de l’ESC Clermont au centre de Clermont-Ferrand

O. R : Comment vous positionnez-vous en termes de coût des cursus ?

F. R : A ce niveau, notre politique est celle d’une école responsable qui doit permettre à tout étudiant à potentiel d’intégrer et de réussir son parcours. Le pricing est donc basé sur des frais de scolarité raisonnables, avec une année en bachelor à 7 000€ et en master grande école à 9 250€. Des dispositifs spécifiques d’aides financières ont été mis en place, par exemple grâce à notre fondation qui permet de distribuer 100 000€ de bourses par an, en sus des bourses d’Etat pour les étudiants qui en bénéficient. On sait que les élèves issus des classes moyennes sont fréquemment empêchés de concrétiser l’intégration dans une école de management, ils sont donc nombreux à bénéficier d’aides financières directes.

O. R : Vous recevez également beaucoup d’apprentis ?

F. R : Ils sont 240 cette année, principalement apprentis mais aussi étudiants en contrat de professionnalisation, dont une cinquantaine en poste chez Michelin dans des fonctions et métiers diversifiés. Au final, l’expérience valorisée en temps est sensiblement équivalente à celui de l’élève en parcours classique qui réalise des stages, mais les étudiants apprentis sont rémunérés entre 700 et 1 200€ par mois selon leur niveau d’études (L3 à M2), et l’entreprise prend en charge leur frais de scolarité. On comprend le succès de cette modalité d’études qui justement ouvre des perspectives de grande école à ces jeunes dont je parlais précédemment !

O. R : Sur quelles spécialisations vous appuyez-vous particulièrement ?

F. R : Nous avons des spécialisations inhérentes aux métiers historiques des écoles de commerce qui vont de l’audit au marketing et nous avons intégrés ceux qui ont émergés ces dernières années. Cela concerne principalement le digital et l’entrepreneuriat. En guise d’exemple la dernière filière métier créée s’appelle « Business Intelligence and Analytics ». En plus des filières métiers, nous avons trois filières sectorielles : « Passion sport », « Passion automobile » et « Retail ». Elles répondent à des besoins en compétences et recrutement à la fois local et global.

« Passion Sport » que j’évoquais en amont pour le bachelor, d’abord, avec l’ASM Clermont Auvergne qui mixe un dispositif de formation en présentiel et aménagée de sportifs de haut niveau avec des contenus de sport business pour de futurs professionnels, jusqu’au bac+5/6. La filière « Passion automobile » est une co-construction avec l’école d’ingénieurs clermontoise Sigma : les étudiants se voient ainsi dotés d’une double compétence technologique et managériale qui leur permet en post diplôme d’intégrer de nombreux métiers dans la filière « automobile et mobilité ». Il y là aussi un sujet de synergie avec ce que porte aujourd’hui Michelin qui ne vous étonnera pas. Quant à filière « Retail », elle ouvre à la rentrée pour répondre à un énorme besoin du marché de recruter des diplômés de niveau bac+3/5.

O. R : Comment êtes-vous positionnés en formation continue ?

F. R : Nous avons monté une offre de formation de A à Z à partir de notre ExeMaster en Management, ouvert il y a 20 ans. En 2017, nous avons édité notre premier catalogue diplômant / certifiant et réalisons cette année une belle performance avec près de 500 salariés et cadres formés, et de belles références parmi lesquelles Michelin, le Groupe Limagrain, Eramet, Enedis ; etc. Compte-tenu du potentiel de la grande région et des entreprises de notre territoire, nous visons à moyen terme un CA de 1,4M€. Nous avons segmenté tous nos diplômes en modules capitalisables dans le temps, pour répondre aux besoins multiples des entreprises, comme des salariés.

Des étudiants de l’ESC Clermont-Ferrand

O. R : Quels résultats donne la fondation que vous avez lancée en 2016 ?

F. R : Elle a réuni 1,2 M€ de dons, 80% venant des entreprises et les 20% restants des diplômés. Elle bénéficie d’une belle synergie avec notre association de diplômés. Nos anciens élèves ont l’esprit de famille ! En 2019, le centenaire de l’Ecole sera aussi l’occasion, au travers de six mois d’événements, de mettre en avant le travail de la fondation à travers les projets qu’elle a permis de financer, la rendre plus visible auprès de tous et lui faire passer un nouveau cap à l’aide de nouveaux donateurs.

O. R : On a un temps parlé d’un rapprochement entre les trois écoles de la région Auvergne Rhône-Alpes, emlyon bs, Grenoble EM et donc le groupe ESC Clermont. Où en est-on ?

F. R : Aujourd’hui les conditions ne sont pas réunies pour rendre possible un rapprochement des trois écoles de management du territoire AURA. Bien entendu, des collaborations bilatérales existent, de nouvelles sont envisagées, et en trio si l’opportunité se fait un jour. Par ailleurs, en ce qui nous concerne, nous souhaitons consolider notre position de Grande Ecole de la métropole ouest de la Région AURA, région qui a la chance de compter dans ses rangs des business schools attractives et de haut niveau.

O. R : Vous avez donc les moyens de vous développer par vous-mêmes ?

F. R : Dans le cadre de notre plan stratégique, nous visons une croissance des effectifs sur les programmes « régaliens » et dans les nouveaux MS et MSc qui constituent notre portfolio 2018. En complément, deux leviers de développement du chiffre d’affaires : l’activité formation continue, dans ses différentes composantes, d’une part, et le lancement en cours de programmes offshore, d’autre part. La jeune fondation Groupe ESC Clermont joue un rôle important pour nous permettre d’accélérer la mise en œuvre d’innovations et le financement de projets d’avenir.

Au plan immobilier, la montée en charge des effectifs et des activités nous a conduits à envisager une extension de notre site historique. Aujourd’hui, nous lançons officiellement le projet « Campus Trudaine 2021 » qui nous permettra de bénéficier d’environ 5000 m2 supplémentaires, en visant une ouverture du campus agrandi et modernisé à la rentrée 2021.

O. R : Vous n’avez pas opté pour le statut d’EESC (établissement d’enseignement supérieur consulaire). Pourquoi ?

F. R : En effet, nous n’avons pas fait le choix du statut d’EESC car il n’était pas le plus adapté à notre situation. Aujourd’hui, nous sommes constitués en association combinant directoire et conseil de surveillance, des instances de gouvernance qui rassemblent des représentants de notre CCI, des grandes entreprises locales et PME/PMI, des personnalités qualifiées, des alumni et des membres du personnel. Nous réfléchissons actuellement à une évolution de la structure juridique de l’Ecole qui permette d’accompagner financièrement notre développement tout en conservant une gouvernance plurielle.

O. R : Quelles sont vos relations avec l’université d’Auvergne ?

F. R :  Nos relations sont excellentes. Nous avions déjà un laboratoire de recherche commun depuis 2008 (le CRCGM) et nous avons intégré l’UC2A (Université Clermont Auvergne et Associés) comme membre associé cette année. Pour notre établissement, l’adhésion à l’UC2A est un pas important de dynamique territoriale et de cohérence de la politique de site. Nous sommes dans une situation unique puisqu’il n’y a pas ici de Comue (communauté d’universités et d’établissements) et les forces locales de l’enseignement supérieur, de l’innovation et de la recherche font le choix de s’allier elles-mêmes. C’est à la fois un atout pour le collectif de l’enseignement supérieur et chaque établissement qui, in fine, bénéficie au territoire dans son ensemble. Cela pourra se traduire concrètement par la co-construction et le développement de nombreux projets comme penser des programmes communs, ouvrir des ponts (et places) pour les étudiants entre nos divers établissements… De nombreuses perspectives se dessinent.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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