ECOLE D’INGÉNIEURS

L’Institut polytechnique de Bordeaux devient Bordeaux INP : entretien avec François Cansell, son directeur général

L’Institut polytechnique de Bordeaux (IBP), qui prendra le nom de marque de « Bordeaux INP » en septembre 2014, regroupe huit écoles d’ingénieurs publiques de Bordeaux et 3200 étudiants. A l’aube de ce changement de marque qui doit marquer plus clairement son intégration dans le réseau des INP, son directeur général, François Cansell, revient sur les atouts et les spécificités de son institut.

François Cansell

Olivier Rollot : L’IPB va bientôt changer de nom. Pourquoi ?

François Cansell: Nous voulions un nom, Bordeaux INP, qui marque bien notre appartenance au réseau des INP. Qu’il s’agisse des écoles Centrale ou de l’Institut Mines Télécom il est aujourd’hui clair que la notion de réseau est de plus en plus importante si on veut mieux sensibiliser les jeunes aux formations technologies. A Bordeaux même, l’IPB permet de fédérer huit écoles, cinq internes et trois conventionnées. Cela permet par exemple de sécuriser les parcours des étudiants qui peuvent changer d’école si leur choix initial n’était pas le bon.

O. R : D’où viennent vos étudiants ?

F. C : Très majoritairement – 60% – ils sont issus de classes préparatoires. Les autres viennent de prépas intégrées (20%) et autant sont admis sur titre. Dans ce contexte la Prépa des INP, qui permet d’accéder aux 31 écoles membres du réseau des INP, monte en puissance. Avec 3800 candidats pour 450 places elle est même aujourd’hui plus sélective que les prépas classiques. Nous allons promouvoir encore plus cette prépa qui permet à 85% des jeunes d’intégrer l’école qu’ils placent en premier choix.

O. R : La prépa des INP permet d’intégrer aussi bien des écoles d’informatique que, par exemple, de biologie. Comment est-ce possible ?

F. C : Les trois premiers semestres sont les mêmes pour tous et le quatrième plus spécialisé avec des enseignements de biologie dès le début de deuxième année pour ceux qui souhaitent intégrer une école à dominante biologie. C’est une spécialisation progressive pour intégrer ensuite des écoles spécialisées (agro-alimentaire, chimie-physique, environnement, etc.) qui préparent à une large gamme de métiers et sont toujours accolées à un laboratoire de recherche performant.

O. R : Le débat a été vif sur les prépas avant Noël, notamment sur les rémunérations de leurs enseignants. Qu’en pensez-vous ?

F. C : Il faut plutôt tirer vers le haut tout le monde que de casser ce qui marche ! Aujourd’hui les prépas sont à la fois socialement équitables pour intégrer l’enseignement supérieur et le moyen pour les écoles de recevoir de bons élèves. Comme le propose la récente loi sur l’enseignement supérieur, nous allons d’ailleurs signer des conventions de partenariat avec différentes classes préparatoires.

O. R : Vous développez également les filières en apprentissage.

F. C : Six de nos dix-neuf diplômes sont accessibles par le biais de l’apprentissage. Schématiquement, on peut dire que les classes prépas sont d’abord ouvertes à des étudiants qui étaient bons au collège puis lycée et qui ont pu ainsi intégrer une prépa après le bac. La voix par apprentissage permet à d’autres profils d’obtenir les mêmes diplômes d’ingénieurs et de redorer les filières par apprentissage qui sont dévaluées en France. De plus, cela permet à des entreprises qui n’auraient jamais pu employer d’ingénieur sinon – des PME ou des ETI – d’en recevoir et de développer des partenariats avec des établissement d’enseignement supérieur et de recherche.

O. R : Quel regard jetez-vous sur le niveau des étudiants ? Beaucoup disent qu’il est en baisse.

F. C : Avec les nouveaux programmes en S le niveau des étudiants est effectivement plutôt en baisse en maths. Mais ils sont aussi bien meilleurs quand il s’agit de s’exprimer, de travailler en groupe ou de monter des projets. Et c’est de plus en plus cela qu’on leur demandera dans l’entreprise.

O. R : On reproche souvent aux écoles d’ingénieurs de ne pas recevoir suffisamment de jeunes filles. Qu’en est-il chez vous ?

F. C : Tout dépend des spécialités. En agro-alimentaire, nous allons avoir 80% de filles, 90% en biotechnologie, 50% en chimie-physique mais seulement 10% en informatique ou en mécanique. Or nous allons avoir énormément besoin de femmes dans les métiers du numérique si nous voulons répondre aux besoins du marché.

O. R : Le problème est plus large que celui des jeunes filles. Partout en Occident on constate un désamour pour les filières scientifiques. Comment l’analysez-vous ?

F. C : Nous ne devons pas laisser la motivation des jeunes pour les sciences baisser. Les universités scientifiques sont déjà très impactées et demain ce seront les écoles d’ingénieurs si on ne fait rien pour inverser le mouvement. Mais beaucoup se demandent à quoi servent les technologies dans un pays qui se désindustrialise depuis le début des années 80. Or nous constatons toujours un grand besoin de personnel qualifié dans de nombreux sites et de nombreuses filières industrielles.

O. R : Votre institut est proche des entreprises de la région ?

F. C : Nous avons une vraie proximité avec les entreprises d’Aquitaine mais pas seulement. Nous montons de nombreux projets de recherche aussi bien avec EDF, L’Oréal que STMicroelectronics. De plus nous avons monté une fondation commune avec toute l’université de Bordeaux. Enfin, nous souhaitons aujourd’hui attirer plus de PME et d’ETI vers nous.

O. R : L’esprit d’entrepreneuriat semble de plus en plus présent chez les jeunes. Que faites-vous pour l’encourager ?

F. C : Nous avons mis en place il y a 3 ans un parcours « Entrepreneuriat » transverse à toutes les écoles du groupe. À la place de leur projet d’étude, les jeunes qui le souhaitent peuvent travailler à un projet de création d’entreprise qui débouche parfois sur une véritable création. À partir de septembre 2014, et avec le soutien de la région Aquitaine, nous aurons la possibilité de soutenir ces jeunes pendant 18 mois après leur diplôme.

O. R : Beaucoup d’établissement d’enseignement supérieur sont inquiets pour leur financement. Qu’en est-il pour vous ?

F. C : Notre dotation pour 2013 était strictement égale à 2012. Nous avons bénéficié de la création de trois nouveaux postes dans le cadre du plan « réussite licence ». Alors nous optimisons au mieux nos ressources mais nous souhaiterions bénéficier de plus de latitude, notamment sur la fixation des droits de scolarité. Le modèle ne peut plus continuer comme cela. Pour autant nous sommes bien conscients d’être dans le ministère [Enseignement supérieur et de la Recherche] le moins impacté par la maîtrise des comptes publics.

O. R : Vous souhaiteriez notamment augmenter les droits de scolarité des étudiants étrangers ?

F. C : Il y a deux catégories d’étudiants étrangers : ceux qui sont issus de pays avec lesquels la France a signé des conventions – ceux-là doivent payer les mêmes droits que les étudiants français – et les autres auxquels nous pouvons faire payer jusqu’à 8000€ de droits. C’est parfaitement normal qu’un étudiant étranger paye le coût réel d’une formation financée par l’impôt.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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