ECOLE D’INGÉNIEURS

Quelle stratégie pour l’Institut Mines Télécom ? : entretien avec Nicolas Sennequier, son directeur de la stratégie

Créé en 2012, l’Institut Mines Télécom fédère treize grandes écoles des familles des Mines et des Télécoms. Si douze sont des écoles d’ingénieurs il compte également en son sein une école de management, Télécom EM. Son directeur de la stratégie, Nicolas Sennequier, revient sur les grands axes qui constituent aujourd’hui la stratégie de l’Institut.

Nicolas Sennequier

Olivier Rollot : Réseau des écoles Centrale, universités de technologie, instituts nationaux polytechniques et, bien entendu, Institut Mines Télécom. C’est essentiel aujourd’hui de travailler en réseau ?

Nicolas Sennequier : Je sais que le mot est à la mode mais je préfère parler de «collectif». En effet les quatre écoles des Télécom sont historiquement regroupées alors que les écoles des Mines ont elles gardé leur personnalité morale. Le rôle de l’Institut est d’élaborer une stratégie d’ensemble pour des écoles qui sont presque toutes sous la tutelle du ministère du Redressement productif. Le tout dans le cadre d’un processus participatif qui réunit les directeurs chaque mois mais également plus de 200 personnes concernées.

O. R : Certaines écoles plus « prestigieuses », comme Télécom Paris Tech ou Mines ParisTech, n’ont pas plus de poids que les autres ?

N. S : Chaque école a sa pierre à apporter à l’édifice. Un exemple, les Mines d’Alès apporte toute son expertise dans l’entrepreunariat. Certes toutes les écoles ne bénéficient pas du même prestige, toutes ne peuvent pas être dans les trois premières, mais l’Institut a vocation à toutes les faire progresser.

O. R : Comment vous positionnez-vous face à des regroupements dont font également partie vos écoles, comme Paris Saclay, PSL ou encore ParisTech ?

N. S : Ces regroupements ne se positionnent pas dans la même logique que l’Institut. Ils ont d’abord été établis dans une logique régionale quand nous avons une dimension nationale. Nous sommes d’ailleurs membres fondateurs de Paris Saclay tout en travaillant très bien avec les autres entités que vous évoquez. Nous avons ainsi des projets internationaux communs avec ParisTech. Pour résumer, l’Institut Mines Télécom c’est douze écoles d’ingénieurs, qui ont vite compris qu’elles avaient beaucoup de points communs, et une école de management qui partage leurs valeurs.

Un cours à Télécom Sud Paris
Un cours à Télécom Sud Paris

O. R : Vous venez de publier un document présentant votre stratégie pour 2013-2017. Vous y insistez particulièrement sur la place que doit aujourd’hui occuper la pédagogie.

N. S : En termes de formation notre premier objectif est de favoriser les innovations pédagogiques, notamment avec de nouvelles technologies, que peuvent partager plusieurs écoles. Depuis une dizaine d’années existe d’ailleurs au sein de nos écoles ce que nous appelons une « grande école virtuelle » qui permet à tous les acteurs de l’innovation pédagogique de travailler entre eux sur le changement des pratiques, notamment aujourd’hui avec le développement des vidéos.

O. R : L’Institut Mines Télécom vient d’ailleurs de réaliser ses premiers MOOC (massive open online course), ces cours gratuit en ligne ouvert à tous, avec notamment cet automne un cours intitulé « Introduction aux réseaux cellulaire ». Que recherchez-vous avec ces MOOCs ?

N. S : Nous avons la chance de compter dans nos écoles un pionnier français des MOOC avec Jean-Marie Gilliot (Télécom Bretagne), qui a piloté le MOOC ITyPA et est notre chef de projet MOOC. Avec lui nous avons créé une cellule MOOC qui comprend un ingénieur pédagogique et un réalisateur vidéo. Ils interviennent en soutien pour le séquençage vidéo ou la présentation et, grâce à eux, c’est beaucoup plus simple pour les enseignants de créer des MOOCs que pour ceux qui ont dû tout inventer par eux-mêmes.

O. R : Tous les enseignants sont susceptibles de créer leur MOOC? Ce n’est pas un peu trop angoissant pour certains ?

N. S : Quand on réalise un MOOC on s’expose, ou ouvre son cours à tous et, effectivement, cela peut être intimidant pour certains. Notamment s’ils ont peur de commettre la moindre erreur. C’est là qu’on entre dans ce que doit être un enseignant aujourd’hui. Est-ce un coach ? Considère-t-il ses étudiants comme des égaux ? Si c’est le cas il n’aura pas de problème. S’il pense son cours en termes de pouvoir ce sera beaucoup plus compliqué pour lui. La vraie révolution des MOOC ce n’est pas la vidéo mais le passage à un système beaucoup plus horizontal avec la création de communauté d’apprenants. La révolution numérique est en marche avec des métiers du savoir de plus en plus dématérialisables. C’est de cette révolution que nous voulons être les acteurs.

O. R : Le numérique semble particulièrement adapté à la formation continue. Pensez-vous le développer à ce niveau ?

N. S : Les MOOCs se prêtent effectivement bien à la formation de cadres chez lesquels nous voyons une grande soif d’apprendre. De plus, nous sommes très attentifs à nos étudiants que, une fois diplômés, nous perdons en tant qu’apprenants. Le développement du numérique nous donne des opportunités nouvelles de les suivre pour un coût marginal.

O. R : Aujourd’hui il faut absolument se mettre au numérique pour enseigner ?

N. S : Non, on peut encore faire de très bons cours avec un tableau et une craie. Nos écoles proposent d’ailleurs aujourd’hui une grande variété de pédagogies. Pour leur faire mieux comprendre les enjeux des MOOCs nous avons entrepris un tour de France des campus dans le cadre duquel un enseignant « pionnier » des MOOCs vient à la rencontre des enseignants.

O. R : Vous souhaitez également développer l’apprentissage.

N. S : Aujourd’hui toutes les écoles de l’Institut proposent des formations en apprentissage. 1750 étudiants en tout dont 700 par exemple aux Mines de Saint-Etienne. Nous voudrions maintenant augmenter les flux, notamment parce que cela nous permet de rencontrer de nombreux publics, issus de DUT, licence ou encore BTS.

O. R : Vous préconisez plusieurs axes de développement prioritaires en termes de recherche.

N. S : Il s’agit de répondre aux défis scientifiques d’une société en métamorphose avec sept programmes de recherche transversaux qui vont de la « ville intelligente et durable » à « l’entreprise du futur » en passant par la « transition énergétique » ou encore « santé et autonomie ». Le tout en développant l’accompagnement des PME-ETI (entreprises de taille intermédiaire). Nos écoles sont très à l’aise quand il s’agit de travailler avec les grands groupes mais pas encore avec les PME-ETI. Ces dernières travaillent en effet à très court terme alors que nous réfléchissons à moyen long terme. Mais cela n’empêche pas des écoles comme les Mines d’Alès et Douai d’entretenir des relations très actives avec les entreprises locales.

O. R : Dans le même esprit, l’Institut veut contribuer à la création d’entreprises.

N. S : Les étudiants sont de plus en plus créatifs et chaque école possède aujourd’hui son incubateur. L’esprit d’entreprendre se généralise comme par exemple avec le challenge Projet d’entreprendre que proposent chaque année à leurs étudiants Télécom SudParis et Télécom EM. Un concept qui a aujourd’hui essaimé à Douai et Lille et plaît beaucoup aux étudiants. 100 start up sont aujourd’hui créées chaque année par nos étudiants, nos anciens et nos chercheurs.

O. R : Enfin, l’Institut entend devenir un acteur mondial en promouvant notamment l’intensification du recrutement d’étudiants étrangers de haut niveau.

N. S : Les écoles doivent être comme les entreprises, qui recrutent leurs diplômés : de plus en plus mondiales. Donc recruter de plus en plus d’étudiants étrangers avec un saut quantitatif mais aussi qualitatif. Nous recevons aujourd’hui 3500 étudiants étrangers dans nos douze écoles soit en moyenne 30% de nos effectifs. Il s’agit pour nous d’accroître la diversité et de répondre aux besoins des entreprises : ce n’est pas du tout la même chose de travailler dans un groupe international que dans un groupe de Français.


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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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