UNIVERSITES

« Nous sommes ancrés dans un territoire dans lequel nous puisons notre vitalité ! » : Denis Varaschin, président de l’université Savoie Mont-Blanc

L’université de Savoie est devenue en 2014 l’Université Savoie Mont Blanc et vient de changer de logo pour mieux affirmer sa nouvelle identité. Université pluridisciplinaire, elle compte 14 000 étudiants répartis sur tout le territoire savoyard. Université résolument indépendante, elle est en passe de devenir membre associé renforcé de la Comue Université de Grenoble. Son président, Denis Varaschin, nous en trace le portrait.

Denis Varaschin (photo Yannick Perrin)
Denis Varaschin (photo Yannick Perrin)

Olivier Rollot : Pourquoi avoir fait évoluer l’identité de votre université ?

Denis Varaschin : C’est un changement dans la continuité puisque l’on garde le nom « université de Savoie » et que l’on y ajoute « Mont Blanc ». Dans le même esprit, nous faisons évoluer notre logo en conservant la forme du blason, la croix de Savoie et la couleur bleue tout en y ajoutant la montagne pour obtenir une plus grande lisibilité. Les réactions sont depuis très positives et nous sommes en train de conclure de nouveaux partenariats avec des universités et une grande école.

Cette nouvelle identité est d’ailleurs cohérente avec les profondes réformes territoriales en cours puisque nos deux départements, Savoie et Haute-Savoie, pourraient bientôt fusionner sous ce vocable.

O. R : Aujourd’hui une université doit, plus que jamais, s’affirmer dans son territoire ? Notamment par son logo ?

D. V: Nous avons travaillé deux ans à cette refonte, en partant de l’identification de nos valeurs. Il nous est apparu qu’il fallait affirmer l’appartenance à notre territoire par un logo qui le montre alors que peu de logos sont aujourd’hui lisibles sans le nom de l’université. On voit souvent des cercles, des flèches, des formes, mais rien de directement identifiable. Or une « université du territoire » cela n’a rien de négatif. Nous sommes toutes et tous bien ancrés dans un territoire dans lequel nous puisons notre vitalité !

Le nouveau logo de l'université Savoie Mont Blanc

 O. R : Comment définir l’Université Savoie Mont Blanc ? Comme une université généraliste à taille humaine ?

D. V: Nous sommes une université généraliste présente dans tous les secteurs sauf celui de la santé, ou très peu. Lorsque l’université a été créée, en 1979, elle accueillait moins de 3 000 étudiants, et ils sont 14 000 aujourd’hui. Nous sommes sur un territoire très dynamique économiquement et démographiquement, avec une progression de nos effectifs de 4 à 5% chaque année depuis 2008. Géographiquement, nous sommes à distance comparable des deux grandes métropoles de la région Rhône-Alpes et doublement transfrontaliers avec l’Italie et la Suisse. Enfin nous avons un territoire qui possède les caractéristiques d’une métropole sans compter de métropole.

Pour résumer nous sommes une université de taille modeste, sans trop de moyens – nous sommes parmi les dix universités les moins bien dotées –, mais qui obtient des résultats remarqués. Le classement Best Global Universities, proposé par le magazine US News and World Reports, publié fin 2014, dont certains de ses critères prennent en compte la taille des établissements, nous a ainsi placés au 15ème rang des universités françaises. Pour autant, nous devons encore constamment justifier de notre existence et affronter des regards parfois suffisants. Non loin de nous, des établissements suisses comme l’EPFL ou l’université de Genève ont fondé leur réussite sur une taille humaine, une formation de qualité et une gouvernance autonome.

O. R : Vous êtes également reconnus pour votre dynamisme international !

D. V: Nous sommes effectivement premiers en France depuis 2008-2009 pour le nombre d’étudiants sortants dans le cadre du programme Erasmus rapporté à notre taille : nous envoyons deux fois plus d’étudiants en échanges que l’établissement classé en deuxième position ! Nous occupons aussi la première place des universités, au coude à coude avec Grenoble 1, dans les grandes compétitions sportives internationales – nos étudiants sont excellents dans les sports de glisse et en cyclisme, mais pas seulement, à l’image de Christophe Lemaitre.

O. R : Vous attirez également beaucoup d’étudiants étrangers ?

D. V: Nous accueillons chaque année un peu plus de 1 000 étudiants étrangers ce qui n’est pas exceptionnel car nos moyens limités nous conduisent à ne pas chercher à développer la demande. Nous ne sommes pas en mal d’étudiants et nous essayons surtout de les accueillir le mieux possible plutôt que de faire du chiffre. Un exemple : nous recevons 300 étudiants chinois alors qu’ils pourraient être beaucoup plus nombreux mais nous préférons organiser des jurys et des examens en Chine pour valider leur niveau, notamment en langue française, et n’accueillir que ceux qui pourront vraiment bénéficier pleinement de leur séjour à l’étranger.

Nous allons par ailleurs créer, d’ici à la fin 2015, un service d’enseignement à distance en partenariat avec l’université de Trois Rivières, au Québec, pour préparer les étudiants étrangers à venir en France et suivre nos étudiants à l’étranger.

O. R : Si vous définissiez les points forts de l’Université de Savoie Mont Blanc, quels seraient-ils ?

D. V: Ils sont nombreux car nous sommes également très bien classés en recherche avec 15 de nos 19 laboratoires qui étaient notés A et A+ par l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Aeres), l’actuel HCERES. Mais pour une université de notre taille il est bien sûr impossible de tout faire, et nous nous sommes logiquement spécialisés, avec un champ défini autour de l’ensemble Montagne, tourisme, sports, adossé à l’Institut de la montagne et un pôle IFT. Nous avons également un grand ensemble autour des questions environnementales et de l’énergie-bâtiment qui regroupe aussi bien des chercheurs en sciences « dures » qu’en sciences sociales. Je citerais aussi notre Maison de la mécatronique ou nos relations avec le CERN par l’intermédiaire de laboratoires de physique de très haut niveau.

O. R : Une question plus politique. Où en êtes-vous avec la Comue Université Grenoble Alpes ? Tout va bien ?

D. V: Si vous me posez la question, c’est que vous savez que la situation n’est pas encore totalement stabilisée. Alors que nous aurions pu intégrer la Comue nous sommes la seule université continentale à avoir fait le choix de n’en être que membre associé, certes renforcé. Le site de Grenoble est d’une grande richesse. Nous pensons que Grenoble plus la Savoie est un ensemble encore plus riche. Par ailleurs, nous appartenons à un espace d’une rare richesse dans le domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche. Et nous souhaitons pouvoir en profiter pleinement.

Notre espace n’est pas seulement académique ni français. Dans un cercle d’environ 100 km autour de Genève vous trouvez Lyon et Grenoble, mais aussi Lausanne, Turin, et un peu plus loin Munich, autant de territoires qui partagent une histoire et des valeurs communes, et qui ont su développer leurs spécificités.

O. R : Qu’est ce qui vous ferait pleinement adhérer à une Comue ?

D. V: Nous croyons davantage aux logiques de projets que de structures qui empilent des couches dont l’utilité peut être interrogée. Le banc de poissons, indépendants, agiles, réactifs, qui vont dans le même sens, et qui se régénèrent, est séduisant. Pour nous, la COMUE c’est de nombreux et lointains déplacements, qui plus est en zone de montagne, de multiples structures nouvelles, des coûts financiers et humains supplémentaires, qui ne sont pas pris en compte.

La loi de 2013 indique qu’il est possible à une université d’être associée à une Comue et c’est la formule que nous avons choisie. Elle nous paraît actuellement plus efficace car nous sommes le seul établissement pluridisciplinaire et le seul placé hors de la métropole dans l’académie. Nous laissons donc Grenoble s’organiser pour obtenir l’IDEX, ses trois universités fusionner, et une fois que la structure sera stabilisée nous espérons obtenir un positionnement adapté à notre situation. Quand l’ensemble du territoire académique sera bien pris en compte, quand un modèle économique équitable sera en place, un sentiment d’appartenance se développera et notre université s’intégrera alors tout naturellement à cet ensemble.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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