L’ESCE a déménagé il y a quelques mois pour s’installer en plein centre de Paris, tout près de la Tour Eiffel. Son directeur général, Jean Audouard, trace avec nous les contours d’une école 100% internationale qui vient de se diversifier avec la création de plusieurs bachelors.
Olivier Rollot : Le déroulé de votre sigle n’est pas pour rien « École supérieure du commerce extérieur ». En la lançant en 1968 vous créiez un concept que toutes les grandes écoles de management ont depuis largement copié. Quelles sont les spécificités de l’ESCE aujourd’hui ?
Jean Audouard: Dès la première année nous plongeons nos étudiants dans les techniques du commerce international et ça on ne le trouve pas dans les autres écoles. De la même façon nos élèves suivent neuf heures de cours de langues par semaine et ont un niveau moyen au TOEIC de 880 en première année. Les langues entrent même pour 50% de nos coefficients à l’entrée à l’école. Nos cours sont tous donnés en petits groupes : la moitié avec 25 élèves, l’autre moitié avec 50. Nous formons vraiment des cadres trilingues.
O. R : Vous recevez beaucoup d’étudiants étrangers ?
J. A : Un quart de nos étudiants sont étrangers ou possèdent une double nationalité. Nous voulons monter à 35% en faisant venir de plus en plus d’étudiants titulaires d’une licence dans leur pays et qui souhaitent obtenir le diplôme grande école de l’ESCE.
O. R : Vous êtes entré à la Conférence des Grandes écoles (CGE) en 2012. Cela a dû être une grande satisfaction ?
J. A : Bien sûr et elle est venue après que nous avions obtenu le grade de master, une autre grande satisfaction. Maintenant notre diplôme grande école est éligible Epas et nous sommes également dans le processus d’accréditation AACSB. Pour toutes ces raisons, nous développons aujourd’hui la recherche et nous avons recruté cinq enseignants-chercheurs cette année.
O. R : On parle chaque jour de la crise. Avez-vous déjà des indications sur la façon dont se placent vos étudiants diplômés en 2012 ?
J. A : Oui et nous sommes bien obligés de constater que leur taux d’emploi, qui était de 90% à la même époque l’année dernière, a baissé à 80% en 2013. Nous les incitons aujourd’hui à rejoindre des PME-PMI qui doivent renforcer leurs équipes internationales. Nous suivons également de très près tous ceux qui recherchent encore un emploi en leur proposant des stages d’insertion ou des ateliers. Nous nous faisons un devoir de suivre nos étudiants durant toute leur carrière. En termes de rémunération, la moyenne des débutants se situa aux alentours de 32-33 k€ par an.
O. R : Récemment la Cour des Comptes a reproché aux grandes écoles de management d’être sélectives par l’argent. Que faites-vous pour permettre à des étudiants peu aisés de venir étudier à l’ESCE ?
J. A : Notre axe principal est l’apprentissage avec 150 apprentis dans nos murs. Nous voudrions passer à 250 et même 300 d’ici quatre ou cinq ans. Par ailleurs, nous avons 7 à 8% de boursiers et, en tout, 10% de nos étudiants bénéficient d’aides variées. Ce qui ne signifie jamais une exonération totale de frais de scolarité. Mais nous ne pouvons pas non plus laisser partir sans rien un étudiant de 4ème année dont les deux parents sont au chômage.
O. R : Quelles grandes orientations pensez-vous aujourd’hui donner au cursus de vos étudiants ?
J. A : La culture générale doit revenir sur le devant de la scène. Parce qu’on ne connaît pas les métiers de 2020, il faut que nous étudiants aient non seulement des savoir-faire mais aussi une capacité à se resituer dans des processus qui les feront peut-être un jour passer du contrôle de gestion au marketing. Nous avons ainsi ouvert récemment une section théâtre et développé les pratiques culturelles. Je crois qu’aujourd’hui un cours sur l’égoïsme est aussi important que la comptabilité ou la finance. Je veux développer la curiosité de bacheliers qui, même s’ils ont pour la plupart des mentions Bien et Assez bien au bac, ont besoin d’être stimulés intellectuellement.
O. R : Nous avons beaucoup parlé de la grande école mais vous souhaitez maintenant vous diversifier au-delà.
J. A : Avec bientôt 2400 étudiants nous arrivons à maturité sur le cursus grande école. La formation continue nous la faisons avec notre partenaire au sein du groupe Laureate qu’est l’IFG. Les MBA sont saturés. Nous avons donc décidé, avec l’université Versailles-Saint-Quentin (UVSQ), de créer quatre bachelors en communication et marketing digital, commerce International ou encore Gestion-Administration. A l’issue de leur formation, les étudiants se verront décerner à la fois le titre de bachelor et la licence 3 en sciences de Gestion de l’UVSQ. Tous ces diplômes ont été développés après consultation des entreprises. C’est la force de l’école de s’adosser aux entreprises tout en ayant des relations étroites avec les universités.
O. R : En matière de pédagogie avez-vous des projets particuliers ?
J. A : Notre pays doit évoluer et les enseignants devenir de plus en plus des « accoucheurs » des projets des étudiants. Un peu comme les « caïmans » à Normale Sup ils doivent développer des projets pédagogiques. Chaque trimestre nous pourrions ainsi travailler autour d’un thème générique comme le développement durable ou bien un thème lié à un enjeu contemporain. L’enseignant doit donner du sens, animer, donner des grilles de lecture sur des plates-formes en ligne.
O. R : Pensez-vous mettre à l’avenir plus de cours en ligne ? On sait que vous faites partie d’un grand groupe d’éducation américain dont c’est l’une des forces.
J. A : La dimension d’apprentissage en ligne se fera sans excès parce que les étudiants viennent aussi chercher une socialisation chez nous. Quant au groupe Laureate, il n’intervient pas dans notre pédagogie. C’est un groupe spécialisé dans l’éducation pour lequel la présence en France est stratégique.
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