POLITIQUE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR, UNIVERSITES

Quelle politique pour l’enseignement supérieur en 2023-2024 ?

Sylvie Retailleau présentant ses priorités pour 2023-2024

Le 4 septembre Emmanuel Macron déclarait à Hugo Travers que la France ne « sous-investit sur l’enseignement supérieur » et que celui-ci « ne pourra pas être plus efficace s’il ne fait pas davantage contribuer ceux qui ont le plus de moyens » (voir sur la chaine YouTube HugoDécrypte). Quelques jours plus tard, la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Sylvie Retailleau, a abondé dans son sens en estimant que, dans le cadre d’un budget contraint, « il faut réfléchir au modèle économique des universités ». Création d’un label pour l’enseignement supérieur privé, réforme des bourses, voici l’essentiel des priorités de son action en 2023-2024 alors que les effectifs ont baissé pour la première fois depuis 2007 en 2022-2023 (lire plus bas) mais semblent repartir à la hausse en 2023-2024.

« Il faut réfléchir au modèle économique des universités ». La phrase est lancée. Quand France Universités demande à que soit pris en charge par l’État l’augmentation du point d’indice (environ 350 millions d’euros) la réponse de la ministre est qu’il y a « aujourd’hui dans les universités un milliard d’euros de fonds de roulement non fléchés » et qu’il « faut réfléchir au modèle économique des universités ». Dans la bouche d’Emmanuel Macron cela passait par « le courage de dire qu’on ne laisse pas ouvertes des formations parce qu’on a des profs sur ces formations ». Un président qui souhaite également « développer des formations plus courtes, plus qualifiantes et au plus près du terrain ».

D’autant que, selon une enquête de l’OCDE parue cet été et à rebours de ce qu’on entend d’habitude, la France serait « le pays du G7 à investir le plus dans la recherche, en nombre d’enseignants-chercheurs » lance la ministre qui a préféré ne pas se prononcer sur une modulation des droits d’inscription.

Rendre l’enseignement supérieur privé plus « lisible ». En 2022-2023, l’enseignement privé accueillait 767 000 étudiants, soit 26,1 % des effectifs du supérieur. « Le développement de l’apprentissage a également fortement modifié le modèle économique de l’enseignement supérieur privé. Ainsi, la constitution ou le développement rapide de groupes privés à vocation nationale, voire internationale, ont modifié le paysage de l’enseignement supérieur, notamment l’enseignement postbac », note la ministre qui estime que « l’ensemble cependant de lisibilité, notamment pour les familles et les futurs jeunes étudiants en formation initiale, qui ont besoin d’accompagnement, de suivi et d’une pédagogie adapté à leur profil ».

D’où l’idée de mettre en place un label de qualité reconnaissant spécifiquement les formations qui sont « adaptées aux jeunes étudiants, en termes de pédagogie et d’accompagnement de leur parcours académique et de construction de leur projet professionnel ». Plusieurs critères pourraient être considérés pour identifier ces formations, « de manière complémentaire et cohérente avec les labels existants portés par l’État, et sans redondance avec des éléments déjà évalués » :

  • le temps consacré à l’accompagnement de l’étudiant et la construction de son projet professionnel ;
  • l’acquisition de compétences transversales ;
  • la stabilité de la gouvernance de l’établissement et d’une partie au moins de l’équipe pédagogique ;
  • la transparence sur les conditions d’admission, notamment sur les droits d’inscription.

La définition de ce label et de ces critères va se poursuivre dans les prochains mois avec l’ensemble des acteurs et des ministères concernés, en associant également des représentants des étudiants et de leurs familles. « Ce sont les établissements qui demanderont à obtenir ce label et travailleront pour cela avec organismes de certification dont le Hcéres (Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur) », promet la ministre qui espère remettre les premiers labels en 2024.

« Je suis d’abord la ministre des étudiants. » La réforme des bourses de l’enseignement supérieur est le grand chantier engagé par Sylvie Retailleau qui se veut d’abord être « la ministre des étudiants ». Cette année les boursiers ont tous bénéficié d’une hausse du montant de leur allocation de 37€ par mois soit une hausse de 34% pour le premier échelon et de 6% pour le plus élevé. « Notre objectif est maintenant de désactiver les effets de seuil pour qu’aucun étudiant ne voit le montant de sa bourse baisser de façon inéquitable par rapport à la hausse des revenus de ses parents », détaille la ministre qui note également qu’aujourd’hui le « montant de revenus des parents n’est pas calculé de la même façon que pour les autres aides sociales, ce qui empêche la création d’un guichet unique ». Pour autant elle mesure la difficulté d’une négociation qu’elle veut « collective » pour « trouver le meilleur modèle possible ».

Soutenir les enseignants agrégés ou certifiés. Des « meilleures conditions d’exercice » vont être proposées aux 12 000 enseignants agrégés ou certifiés affectés dans les établissements d’enseignement supérieur, où ils transmettent leurs savoirs essentiellement dans les licences et les BUT. « Ils y exercent pour la plupart, de nombreuses responsabilités et jouent un rôle essentiel dans l’accompagnement des nouveaux étudiants et, plus tard, dans leur professionnalisation », insiste la ministre qui ne pouvait les voir sacrifié quand leurs collègues de l’éducation nationale ont vu leurs revenus revalorisés le 1er septembre. Ils verront donc leur Prime d’Enseignement Supérieur passer à 2785 €, une révision de la cible de cette prime qui augmente de 1000 € et passera à 4200 € en 2027 et le doublement du plafond de la Prime pour Responsabilités Pédagogiques (PRP) qui passera de 96 heures équivalent travaux dirigés (HETD) à 192 HETD. Il était temps car les mouvements de revendication commençaient à prendre de l’ampleur comme à Clermont-Ferrand où les Enseignants du secondaire détachés à l’UCA ont démissionné de leurs tâches administratives dans le cadre d’un mouvement national explique La Montagne.

De plus ils vont bénéficier de la mise en place d’un référentiel d’activités, comparable à celui des enseignants-chercheurs pour les activités de formation et d’une reconnaissance équivalente à celle des enseignants-chercheurs, lorsqu’ils exercent des fonctions de direction, qui sera garantie dans les lignes directrices de gestion ministérielles.

Orientation et insertion. Toujours dans un souci de transparence, le projet Insersup a été lancé en mai 2022 pour mesurer l’insertion professionnelle des sortants de l’enseignement supérieur. Les taux d’insertion des diplômés de licence professionnelle et de master seront disponibles dès la fin 2023 et affichés sur les plateformes Parcoursup et Monmaster début 2024. Les taux d’insertion de toutes les licences générales seront produits pour le mois de juin 2024. Dans une seconde phase, à partir de la fin 2024, les indicateurs concernant les écoles d’ingénieur et les écoles de commerce, les bachelors universitaires de technologie (BUT), doctorats seront eux aussi progressivement calculés et affichés, permettant ainsi de couvrir tout le champ des diplômes de l’enseignement supérieur.

Enfin la plateforme Monmaster a permis cette année à 10 000 étudiants supplémentaires qu’en 2022 de recevoir une proposition d’admission. En 2024 une phase complémentaire permettra d’aller plus loin.

Le MESR soutient la mise en place de la 3e année de BUT et la création de nouveaux BUT. Le passage du DUT à trois ans devait se faire à coût fixe avaient promis les directeurs d’IUT. Seulement il s’est vite avéré que cela n’était possible que dans les IUT qui pouvaient transformer leurs licences professionnelles en troisième année de BUT.  Pour aider les IUT à financer cette troisième année ce sont 14 millions d’euros que le MESR mobilise pour soutenant plus particulièrement une quarantaine d’IUT où les taux d’encadrement doivent être renforcés. Le versement au titre de 2024 interviendra en deux tranches : une première tranche de 8 millions d’euros en avance de phase d’ici la fin de l’année 2023 pour apporter une première aide, et le complément en 2024 en regardant l’évolution des effectifs à la prochaine rentrée.

Le MESR accorde également 1 million d’euros pour la création de nouveaux départements de BUT dans plusieurs IUT, avec à terme près de 600 nouvelles places : Chateaubriand (IUT de Nantes), Dole (IUT de Besançon), Sarcelles (IUT de CY), Pontivy (IUT de Lorient) et Béziers (IUT de Béziers). Ces crédits sont versés aux établissements concernés dès 2023. Ces ouvertures permettront de répondre aux besoins sur des métiers en tension : conditionnement et emballage, commerce, science de la donnée, transition énergétique et écologique, robotique intelligente pour l’industrie.

 

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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