UNIVERSITES

Sciences Po à la croisée des chemins

Un an après sa nomination à la direction de Sciences Po, Mathias Vicherat a fait le point cette semaine sur son action. Et notamment sur les questions du financement de son établissement.

Une situation financière toujours tendue. Sciences Po a emprunté plus de 160 millions d’euros pour acquérir – pour seulement 87 millions d’euros, loin du prix du marché – et rénover son nouveau campus rue Saint-Thomas dont tout le monde souligne à la fois la qualité et… le coût. « Ici nous sommes propriétaires alors que nous louions une dizaine de sites pour un coût de 7 millions d’euros par an quand aujourd’hui nous déboursons 8 millions d’euros. C’est donc un investissement vertueux pour nous de nous installer ici », répond Mathias Vicherat, qui entend aujourd’hui « aller plus loin dans la recherche de financements publics et privés ». Alors que Sciences Po n’est plus partenaire de Total – la chaire n’a pas été renouvelée d’un « commun accord » – un comité des dons a été créé pour les valider. « Nous n’allons pas pour autant faire une chasse aux sorcières des mécènes, notamment sur les banques qui ont de multiples financements. De plus il est clair que les mécènes ne peuvent pas intervenir dans les projets », résume Mathias Vicherat.

De plus un véritable effort va être fait sur les dépenses. « Nous sommes dans une situation budgétaire qui a toujours été tendue. Il n’est donc pas question de revenir à la situation pré-Covid avec de nombreux déplacements par exemple », établit le directeur en soulignant que la « part du financement de l’Etat est passée des deux tiers à un tiers en 20 ans avec une dotation de 5 100€ par an et par étudiant ».

Dans ce cadre la question de la pérennité des campus décentralisés dépend de la capacité des acteurs locaux à tenir leurs engagements financiers. « Aujourd’hui aucun projet de déménagement n’est prévu », assure le directeur.

 Cap sur les transitions environnementales. Plus que jamais Sciences Po entend aujourd’hui se consacrer aux questions de transition environnementale. Le « i » de l’Ecole de management et d’innovation change ainsi de nom pour devenir l’Ecole de management et de l’impact. Un cours obligatoire de 24 heures est ainsi maintenant consacré aux transitions environnementales en première année du collège universitaire. Dans tous les masters des modules sont également introduits. Alors que le nombre de doctorants a augmenté de 50% en cinq ans, une trentaine d’entre eux se consacrent à la transition environnementale.

Un appel de fonds de deux millions d’euros – le fonds Latour – va permettre le recrutement de douze chercheurs postdoc dans tous les domaines. Les fonds du PIA4 vont également permettre de recruter une dizaines d’enseignants-chercheurs. Par ailleurs même la « Maison des arts et de la création », qui va être fondée avec des chaires d’artistes en résidence, sera également largement consacrée à ces questions. « Sur le modèle du film « Don’t look up » il faut sans doute aujourd’hui que la fiction s’empare du sujet pour le rendre plus visible », exprime Mathias Vicharat après en avoir discuté avec le sociologue et professeur à Sciences Po Bruno Latour.

Université internationale de recherche. Pour la première fois depuis 20 ans Sciences Po a remporté un appel à projet de recherche en France, un appel à projet ExcellenceS doté de 16 millions d’euros qu’il va consacrer aux questions environnementales, mais aussi digitales, associé à l’université de Paris et au CNRS. « Nous devons aller beaucoup plus sur les questions de recherche pour gagner des appels au projet en France et en Europe », souligne le directeur qui a embauché cette année 14 nouveaux enseignants-chercheurs à cet effet.

Sans oublier l’apport du formidable campus que l’école a inauguré l’année dernière pour mieux recevoir les enseignants, notamment étrangers, dans une école qui « n’est pas encore assez internationale » alors qu’elle reçoit 50% d’étudiants étrangers. La nomination de Sergeï Guriev, Russe, ex-économiste en chef de la BERD, en tant que directeur de la formation et de la recherche, va dans le sens de cette internationalisation.

Faut-il faire évoluer les recrutements ? La question du nouveau concours que Science Po a créé il y a deux ans fait couler beaucoup d’encre. Notamment dans des familles parisiennes qui ont le sentiment que leurs enfants en sont dorénavant exclus. «  Il n’y a pas de tabous sur nos méthodes de recrutements », assure Mathias Vicherat qui souligne que « 35% de ses admis viennent de lycées privés » quand on l’accuse d’avoir limité les recrutements au public. « Nous recrutons moins à Paris et j’assume d’aller chercher les meilleurs profils dans toute la France comme nous le permettent Parcoursup et notre réforme », établit le directeur tout en soulignant que « les lycées qui sous notent leurs élèves, parce que c’est leur politique, doivent évoluer pour être plus visibles par leurs dossiers ».

Les chiffres de la rentrée. Sciences Po a d’accueilli 2028 étudiants en première année, en cette rentrée 2022 : 1500 admis en Bachelor au Collège universitaire et 528 admis via les doubles diplômes avec ses universités partenaires :

  • 97% des admis de la voie générale ont obtenu leur baccalauréat avec mention Très Bien ;
  • 12% des candidats admis par la voie générale sont boursiers de l’enseignement secondaire. :
  • 30% sont issus de lycées d’Île-de-France (ils représentent 21% des lycéens français), suivis des 9% d’Auvergne-Rhône-Alpes (12% des lycéens français) et 8 % du Grand Est (8% des lycéens français). ;
  • 170 étudiants sont issus de la voie CEP dont 42% hors Ile-de-France et 14% dans les territoires d’Outre-mer) ;
  • les plus de 400 étudiants admis par la voie internationale représentent 76 nationalités, avec parmi les pays les plus représentés l’Italie, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Inde et les Etats-Unis. Ils sont le signe de l’ouverture et de l’attractivité internationale de Sciences Po, qui accueille également plus de 1300 étudiants en échange ce semestre, issus de ses 470 universités partenaires ;
  • 36 doctorants sont assurés de débuter leur thèse à Sciences Po au 1er septembre 2022 : ils ont été admis et disposent d’un financement. 4 nouveaux doctorants travailleront sur l’environnement, dans 4 disciplines différentes. Ils s’ajoutent aux 25 doctorants qui travaillent déjà sur cette thématique. L’environnement est le domaine le plus travaillé par les étudiants de Sciences Po.
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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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