ECOLES DE MANAGEMENT

« Le statut d’EESC a permis à TBS d’acquérir de la maturité dans ses relations sociales »

A la tête d’une école de management qui a retrouvé tout son attrait François Bonvalet explore avec nous les débats du moment : financement de l’enseignement supérieur, internationalisation, apprentissage, statut d’établissement d’enseignement supérieur consulaire (EESC) où en est Toulouse BS ?

Olivier Rollot : Certains évoquent un « gouffre » dans lequel seraient prêtes de tomber les écoles de management françaises. D’autres s’inquiètent d’une possible disparition d’une partie de vos ressources liées à la taxe d’apprentissage. D’autres encore de la chute des subventions des chambres de commerce et d’industrie dont de nombreuses écoles bénéficient. Comment analysez-vous la situation ?

François Bonvalet : Nous rencontrons certaines difficultés mais il ne faut surtout pas faire de catastrophisme. Sur un budget total de 52,5 M€ notre chambre de commerce et d’industrie contribue par exemple à hauteur de 1,5 million qui nous aident essentiellement dans notre dimension recherche.

Il n’en reste pas moins que nous devons faire face à deux postulats faux : le premier que l’apprentissage devrait d’abord être routé vers les métiers les moins qualifiés, le second que nous n’avons pas besoin de recourir à l’apprentissage dans nos formations. L’apprentissage est un véritable mode de formation qui permet de très bien placer les jeunes qui l’ont adopté et nous devrions avoir bien plus d’apprentis à tous les niveaux.

O. R : De quels leviers disposez-vous pour pallier une essentielle baisse de vos ressources ?

F. B : Nous avons d’abord un potentiel de progression du nombre de nos élèves, que ce soit en admission sur titre ou après une classe préparatoire. Pour augmenter notre sélectivité nous avons même réduit de dix places notre recrutement par cette dernière voie cette année. Nos droits de scolarité pourraient également progresser sachant que nous nous plaçons dans la moyenne pour notre bachelor et, avec 11 000 € par an, à l’avant dernière place du top 12 des écoles pour notre programme grande école. Nous sommes très accessibles au niveau mondial pour une école triple accréditée (AACSB/Equis/Amba). Cela nous permet aussi d’attirer des étudiants qui ne seraient sans doute pas venus si cela avait été plus lourd.

A plus long terme nous serons sans doute confrontés à un effet de ciseau entre les besoins de notre recherche et les financements dont nous pouvons disposer. Ce qui n’est pas le cas partout. Au Royaume-Uni ce sont par exemple les business schools qui mènent des thématiques de recherche très porteuses et bien financées qui sont en France l’apanage des grands organismes de recherche.

O. R : Que vous apporte le statut d’établissement d’enseignement supérieur consulaire (EESC) que vous avez adopté cette année ?

F. B : D’abord de posséder une véritable personnalité morale avec un conseil d’administration et des instances représentatives du personnel. Cela nous a permis d’acquérir de la maturité dans nos relations sociales et de constater l’adhésion au projet. Alors que plus de 55 salariés sur 330 ont pour l’instant intégré l’école sous le statut d’EESC, 87% ont voté au sein des collèges de l’EESC plutôt que de rester dans les collèges de la CCI.

O. R : Mais où en êtes-vous de l’apport d’actionnaires extérieurs ?

F. B : Nous sommes en train de finaliser la valorisation de l’école. Début 2018 nous allons débuter des actions de fundraising et nous pensons recevoir la première entreprise actionnaire avant l’été 2018.

O. R : Vous serez propriétaires de vos locaux ?

F. B : Ce n’était pas un combat pour nous. Notre métier ce n’est pas de posséder des bâtiments. C’est donc la CCI qui conserve la propriété de l’immobilier et avec laquelle nous pourrons monter des structures mixtes. Nous commençons à être un peu à l’étroit dans nos murs et nous étudions différentes possibilités d’expansion. Mais si nous investissons dans l’immobilier ce sera plutôt dans nos implantations de Barcelone ou Casablanca.

O. R : Vous allez donc bien poursuivre votre développement international ?

F. B : Nous sommes depuis dix ans à Casablanca où nous venons de nous installer dans de tous nouveaux locaux de 3800 m2. De là nous visons toute l’Afrique subsaharienne où nous sommes en train de recruter tout un réseau d’agents. Nous venons également d’y lancer deux nouveaux mastères spécialisés et un bachelor qui reçoit déjà 50 étudiants. Les étudiants marocains sont très bien formés et le marché porteur mais c’est également un vrai choix pour nous que de donner un coup de main à un pays qui porte haut des valeurs de tolérance et de progrès.

O. R : Quels tarifs pratiquez-vous au Maroc ?

F. B : Nous adaptons nos tarifs. Dispensé au prix de 9000€ par an en France le bachelor en coûte par exemple moins de 6000 euros au Maroc.

O. R : Et à Barcelone, vous n’avez pas peur que les tentations indépendantistes nuisent à votre développement ?

F B : Bien sûr les images parfois violentes ne doivent pas polluer nos recrutements, en Amérique du Sud ou ailleurs. Mais aujourd’hui nous manquons surtout de m2 pour continuer à nous y développer.

 O. : D’autres implantations sont envisageables ?

F. B : Nous pensons au Moyen-Orient, à Dubaï ou au Qatar, en soutien de l’industrie aéronautique. Des études de faisabilité sont en cours et nous nous déciderons fin 2017 début 2018. On y trouve des populations qui sont très demandeuses de formation. Le tout est, que comme chacun de nos campus, cette nouvelle implantation trouve son propre équilibre très rapidement.

O. R : Vous évoquiez de nouvelles ressources. Où en êtes-vous en formation continue ?

F. B : En formation continue « pure » nous en sommes à 1,5 M€ de chiffre d’affaires, trois millions en plus si on inclut les mastères spécialisés et les MSc en part time. Pour nous développer plus vite nous envisageons d’acquérir des entreprises. A Toulouse notre E-MBA et très porteur avec 40 étudiants par an en moyenne. On le retrouve même dans le top 100 (85ème en 2016) du classement des MBA du Financial Times.

A Paris, où nous équilibrons les comptes d’un campus notamment consacré à la formation continue, la concurrence est beaucoup plus rude. Ce qui ne nous empêche pas d’y lancer cette année trois nouveaux MSc (« marketing produit et luxe », « hospitality » et « international stratégie management ») destinés à des étudiants étrangers et à y développer un E-MBA et un DBA. Mais nous n’y lancerons pas de bachelor.

Nous savons très bien délivrer des diplômes ou faire de la « haute couture », des programmes vraiment sur mesure, pour nos grands clients mais nous ne voulons pas proposer de catalogue de formations.

O. R : Parlons un peu de votre recrutement en classe préparatoire. Quel bilan tirez-vous du Sigem 2017 ?

F. B : C’est une excellente année avec une hausse de notre barre d’admission. Nous avons préféré recruter dix candidats de moins alors que nous pourrions en recruter bien plus. Mais si les dix, douze premières écoles ouvrent plus de place les autres seront en difficulté et nous voulons l’éviter.

Nous croyons beaucoup au modèle classe préparatoire pour des élèves qui veulent être encadrés et intégrer forcément une bonne école. La classe préparatoire c’est une vraie musculation cérébrale, certes un peu déconnectée de la vraie vie, qui épate jusqu’à nos collègues américains. Nous aimerions d’ailleurs recevoir plus d’élèves issus de prépas littéraires : ils représentent 7% de nos effectifs et nous voudrions passer à 10%. Nos seuls soucis sont avec les élèves issus de prépas technologiques – 6 à 7% de nos effectifs – dont pour certains l’adaptation est plus difficile.

O. R : Vous placez toujours très bien vos diplômés ?

F. B : Nous sommes l’école qui propose le plus de doubles diplômes, que ce soit avec Sciences Po Toulouse, l’Enac, les Mines d’Albi, ce qui améliore encore l’employabilité de nos diplômés. Ville de Toulouse et place de l’aéronautique obligent, nous sommes également l’école qui place le plus de diplômés dans l’industrie : 26% quand c’est plutôt 6 à 7% en moyenne ailleurs. Or ce sont des postes souvent mieux payés qui permettent de belles progressions de carrière. Nous sommes enfin une école qui propose beaucoup de places aux apprentis – ils sont 172 dans notre programme grande école – avec un centre de formation d’apprentis (CFA) interne qui fonctionne très bien et contribue à nos très bons taux d’insertion

O. R : Qu’est-ce que vous inspire la naissance de Toulouse School of Management (TSM), la nouvelle appellation de l’IAE de Toulouse ?

F. B : Ce sont des amis avec lesquels nous partageons de nombreux professeurs. Nous ne sommes pas en compétition mais en « coopétition ». Nous venons même de signer avec TSM une convention de recherche qui fait de TBS le grand partenaire de l’école doctorale. Cela va nous permettre d’ajouter le doctorat dans notre portefeuille de programmes. Je préfère cohabiter avec un IAE de qualité que voir s’installer chez nous des business schools étrangères.

O. R : A côté de ce nouveau doctorat vous délivrez depuis quelques années un DBA (Doctorate of Business Administration). Qu’est-ce qui les différencie ?

F. B : Nous diplômons effectivement une quinzaine de personnes chaque année en DBA. C’est un diplôme dont l’obtention demande aux candidats une certaine maturité professionnelle. La thèse est en effet fondée sur des travaux nourris par l’expérience professionnelle. Pour des professionnels ce n’est pas du tout le même effort que dans une thèse classique. Il s’agit de donner un troisième souffle à sa carrière, pas systématiquement d’embrasser une carrière d’enseignant-chercheur.

C’est un peu différent en Chine où les besoins de recrutement d’enseignants-chercheurs sont considérables et où le DBA permet de les former plus opérationnellement.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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