« Avec l’Esca nous avons plus qu’un partenariat, une vraie alliance, comme avec seulement deux autres business schools dans le monde. » Président du conseil stratégique de Grenoble EM, Thierry Grange a conclu il y a maintenant 15 ans un accord avec l’Esca EM de Casablanca, considérée depuis quatre ans comme la meilleure business school d’Afrique francophone selon le classement de Jeune Afrique. « Casablanca produit 50 à 60% de la richesse marocaine et il lui fallait une business school que nous avons créée en 1992 et qui reçoit aujourd’hui chaque année 1100 étudiants dont 725 dans le programme grande école », explique le directeur et fondateur de l’école, Thami Ghorfi, qui travaille aujourd’hui à obtenir les accréditations AACSB et Epas pour son école pour encore mieux asseoir son positionnement.
Un Institut euro-africain du management
Les deux écoles produisent cinq programmes en commun (programme « business manager », MSc ressources humaines, MSc marketing et communication, etc.) mais ont voulu aller plus loin en 2010 en associant à leur réflexion d’autres établissements africains. C’est là qu’est né l’Institut euro-africain du management (Inseam) qui regroupe aussi bien l’Essec Douala (Cameroun) que l’Iscam de Magadascar ou l’Eneam au Benin. « Il y a beaucoup de points communs entre tous ces pays africains mais aussi beaucoup de différences et nous voulons les analyser pour produire des enseignements spécifiques à l’Afrique », soutient Emmanuel Kamdem, le directeur de l’Essec Douala.
Dans ce projet Grenoble EM est accompagné par deux autres écoles françaises, Strate école de design et l’EM Normandie dont l’Institut portuaire d’enseignement et de recherche est reconnu dans le monde entier par la qualité de ces formations portuaires. « Ensemble nous voulons créer un réseau fort qui permette les échanges d’étudiants et la production de contenus et de cas spécifiques à l’Afrique », confirme Jean-François Fiorina, le directeur adjoint de Grenoble EM, pour lequel « il ne s’agit absolument pas de faire venir des étudiants en France mais plutôt de les former sur place ». « Trop de nos étudiants partent à l’étranger pour ne jamais en revenir. Demain il y aura peut-être un Prix Nobel africain mais qui viendra d’une université américaine. Sera-t-il vraiment un Prix Nobel africain », regrette en effet Emmanuel Kamdem.
Former dans une économie en plein essor
Les besoins de formation sont colossaux dans toute une Afrique en plein boom économique et tout particulièrement au Maroc. A Casablanca les immeubles poussent comme des champignons. « Le nouveau quartier Casablanca Finance City que nous construisons comptera un million d’habitants sur 350 hectares », promet Hicham Zegrary, le responsable de ce projet qui va remplacer un aéroport en plein centre-ville de Casablanca. Sur la côte d’autres projets pharaoniques voient le jour. « Casablanca doit offrir des perspectives or tous nous investissons afin de profiter de taux d’intérêt historiquement bas », explique Khalid Safir, le « wali » (préfet) du Grand Casablanca.
Le Cap au Sud du continent, Casablanca au Nord portent aujourd’hui les plus grands espoirs du développement académique de l’Afrique. A Casablanca on parle certes encore chômage des jeunes mais aussi d’entreprises qui ont de plus en plus de mal à recruter des jeunes bien formés. « Notre taux de rotation des effectifs est de 4%… par mois. Nous devons donc recruter de 1500 à 1800 personnes par an pour des effectifs de 3500 personnes », confie Youssef El Aoufir, le directeur général d’Intelcia, le neuvième « outsourceur » francophone dont les téléopérateurs répondent aux questions des abonnés de beaucoup d’entreprises françaises de SFR à Canal+. « Notre problème c’est de trouver des jeunes qui maîtrisent très bien le français. Nous pouvons leur apprendre nos méthodes, leur faire comprendre ce que recherchent les entreprises et les consommateurs mais pas leur donner le niveau en français », regrette le directeur général, satisfait de constater que le gouvernement marocain redonne de la place au français en tant que langue d’enseignement. En attendant des jeunes de toute l’Afrique francophone s’installent à Casablanca pour travailler dans les centres d’appel qui fleurissent partout. Comme l’assure Abdelkarim Redaddi, professeur à l’Esca : « Notre chance c’est de ne pas avoir de pétrole et d’être obligés de nous développer économiquement ».