POLITIQUE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR, UNIVERSITES

Universités : la tension monte !

En ce 50ème anniversaire de Mai 68 nombreux sont les étudiants qui aimeraient rejouer le match. Comme l’expliquait Valérie Pécresse il y a deux semaines à l’occasion de la cérémonie pour les 10 ans d’EducPros : « Chaque génération d’étudiant se doit de réaliser son Mai 68 et je ne le souhaite pas à Frédérique Vidal dont je soutiens les réformes ». Pour autant elle « n’aimerait pas être à sa place dans les années à venir pour gérer tous les bouleversements à venir et notamment au sein des regroupements d’université ». L’avertissement a-t-il été entendu alors qu’à Bordeaux, Montpellier, Toulouse, Strasbourg ou encore Paris 8 la carte des perturbations des sites universitaires s’étend chaque jour. Pour autant les rangs des étudiants étaient bien clairsemés lors des manifestations du 22 mars. Comme si la mobilisation ne touchait qu’une petite minorité… très bien organisée.

Agressions à l’Université de Montpellier. L’université de Montpellier a été le théâtre le 22 mars d’une invraisemblable action de la part d’étudiants opposée à l’occupation d’un amphithéâtre de la faculté de droit. Cagoulés, armés, une dizaine d’hommes ont agressé les occupants (lire sur France 3). Mis en cause, le doyen de la faculté de droit, Philippe Pétel, a depuis quitté ses fonctions sans qu’on sache s’il était activement mêlé à l’affaire mais sans qu’il en ait désavoué  non plus les auteurs. Une enquête administrative est en cours en plus d’une enquête judiciaire. « Ce qu’il s’est passé à est proprement inacceptable. Une ligne rouge a été franchie. Ces violences ne resteront pas impunies. Des sanctions exemplaires seront prises contre les auteurs et, éventuellement, contre ceux qui auraient favorisé cette intrusion », déclarait le 28 mars Frédérique Vidal devant l’Assemblée alors que la tension restait forte entre les différentes composantes de l’université. Lundi 26 mars étudiants en droit et en sciences politiques se faisaient ainsi face dans un climat tendu, les premiers réclamant la fin de tout blocage quand les seconds exigeaient la démission de Philippe Pétel de son poste de professeur. Celui-ci a d’ailleurs été mis en garde en vue le 28 mars. Un contexte qui a poussé l’université de Montpellier à garder fermée sa faculté de droit toute la semaine.

Jean-Jaurès la « gréviste ». C’est depuis sa création l’une des universités les plus revendicatives de France. Depuis le 6 mars l’Université Jean-Jaurès de Toulouse était bloquée. Autant pour s’opposer à la supposée sélection à l’université qu’à une fusion prévue avec d’autres établissements dans le cadre de l’Idex. L’échec à l’Idex – et l’abandon du projet de fusion – n’y rien changé : le blocage a été reconduit le 15 mars et jusqu’au 26. Ce qui a convaincu Frédérique Vidal de prononcer la dissolution de ses conseils centraux le 20 mars et de confier l’administration provisoire de l’université à l’ancien président de l’Université de Guyane, Richard Laganier. Un vrai « soulagement » pour le président sortant, Daniel Lacroix, qui, sur le site de La Dépêche, explique : « Je suis heureux que cette période très inconfortable soit terminée. Peu à peu, la voix que je portais a été étouffée par les clameurs des grévistes, leurs arguments martelés, souvent fallacieux, leurs contrevérités inadmissibles. Il est faux de dire que j’ai trahi mes engagements de campagne ».

Cette mise sous tutelle devrait permettre, dans les trois mois, la tenue d’élections qui « conduiront la communauté universitaire à se prononcer à nouveau sur le projet de l’établissement et de favoriser le rétablissement du bon fonctionnement des conseils ». Il était temps car le budget de l’université pour 2018 n’a toujours pu ni être examiné ni adopté. Plus grave : la capacité de l’établissement à garantir le paiement des traitements des agents était mise en cause pour les vacataires dès ce mois de mars et pour tous les personnels en avril. Un blocage qui a fait réagir le maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, qui a proposé de mettre des salles à la disposition de l’université pour reprendre les cours (lire sur Actu.fr). Mais pendant ce temps les grévistes ont voté pour l’autogestion, la démission sans condition de l’administrateur et… des notes minimums de 10, 13 ou même 15 sur 20 pour tous aux examens.

Blocages et inscriptions racistes. La longue litanie des blocages n’en finit pas. La présidence de l’université de Bordeaux ayant décidé de faire évacuer un amphithéâtre occupé par des opposants la police a délogé les étudiants de manière « violente » selon certains étudiants. Depuis ils ont voté un blocage « illimité » plus ou moins suivi. A Strasbourg, la présidence a fait évacuer les étudiants grévistes de son Palais universitaire et dû annuler en retour sa première nuit des alumni. A Lille 2 les étudiants ont occupé les lieux en soutien aux étudiants agressés à Montpellier. A l’université Paul-Valéry de Montpellier comme à celles de Nantes, Lyon 2, Paris 1-Tolbiac ou encore l’université de Lorraine des blocages ont lieu sporadiquement.

Ces occupations donnent aussi lieu à des dérives racistes. Les locaux de l’Université Paris-8 ont été investis par un collectif d’extrême gauche et des migrants, qui les occupent depuis un mois et demi raconte Le Figaro Etudiant. Les murs du bâtiment A sont revêtus de slogans qui vont du « Français = PD » à « Femmes, voilez-vous ! » en passant pat « AntiFrance vaincra » ou « Mort aux blancs », etc. Contactée par Le Figaro, l’Université « condamne avec la plus grande fermeté les tags trouvés sur les murs le 8 mars » et annonce qu’elle va porter plainte. Autre dérive à Paris 1 où les locaux de l’Union des étudiants juifs de France du centre Pierre-Mendès France ont été saccagés et des inscriptions racistes découvertes le 28 mars.

Le refus de la sélection. C’est le plus souvent le refus de la sélection, qu’ils jugent inhérente au nouveau Parcoursup, qui justifie les blocages des universités. Tant du côté des étudiants que des personnels. Début mars les inspecteurs généraux alertaient les rectorats en signalant que « dans beaucoup d’établissements visités, les procédures d’examen des candidatures sont loin d’être formalisées » et que « certains établissements ou communautés universitaires affichent une opposition ou une réserve à l’idée d’examiner et de classer des candidatures ». Dans une tribune, des personnels de l’université de Nantes annoncent ainsi qu’ils refuseront d’appliquer la réforme voulue par le gouvernement.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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