ECOLES DE MANAGEMENT

« A la rentrée l’EM Normandie va se déployer à 50/50 en présentiel et distanciel »

Un programme Grande école (PGE) qui évolue vers plus de modularités et une rentrée qui s’annonce compliquée comme pour toutes les écoles. Le directeur général de l’EM Normandie, Elian Pilvin, établit avec nous le plan de charge d’une école dont le développement sur plusieurs campus n’est pas obéré par la crise.

Olivier Rollot : Le Programme Grande école (PGE) de l’EM Normandie évolue à la rentrée 2020. Dans quel esprit ?

Elian Pilvin : Après la première réforme engagée en février 2019, nous avons souhaité aller plus loin en mettant l’expérience étudiante au cœur du PGE. Nous voulons que tout leur apprentissage (cours, stages, alternance, expatriation, engagement associatif) devienne un espace d’expérimentations permanentes, de création et de partage au sein duquel les étudiants sont les premiers acteurs. En capitalisant sur toutes ces « tranches de vies », ils peuvent ainsi murir leur projet personnel et professionnel et surtout développer leurs compétences et leur savoir-être. La réforme intègre donc de nouvelles disciplines, une internationalisation renforcée, sur nos campus de Dublin et Oxford et chez nos partenaires, de nouvelles spécialisations de M2 et des projets à visée professionnalisante. Côté technique, nous mettons davantage l’accent sur le digital, où nous avons un vrai savoir-faire, pour faire de ces digital native des digital actifs.

Nous intégrons donc plus de modularité dans les enseignements pour laisser plus de libre choix aux étudiants dans leurs parcours dès la première année post bac. Ainsi, chaque semestre, les étudiants choisissent des matières électives telles que psychologie, astronomie, gouvernance et éthique d’entreprise, management des organisations sportives, art, histoire des organisations, entreprendre en ESS, New Trends in Marketing, Managerial Communication and Critical Thinking, etc., visant à élargir à la fois leur culture générale et managériale. Autant d’expertises de nos professeurs qui vont déboucher sur des capsules de cours.

Nous allons également les faire travailler plus largement en mode projet pour encourager le travail d’équipe, l’innovation et l’engagement. En première année, nous leur proposons un projet startupper sur la création d’une entreprise réelle ou virtuelle. En deuxième année, des projets citoyens ou associatifs pour qu’ils s’impliquent dans une association caritative externe (Restos du Cœur, Soupe populaire, club de sport, etc.) ou interne à l’école (BDE, EM Cup, projet humanitaire en France ou à l’étranger.). En 3ème année, là où se rejoignent les élèves de CPGE et les admis sur titres, ils vont plancher sur un projet responsable en participant au concours parrainé par le Global Compact France pour produire des recommandations concrètes quant à l’intégration des objectifs de développement durable de l’ONU au sein d’entreprises engagées.

Dans ce même esprit de nouveaux électifs en RSE (responsabilité sociale des entreprises) doivent permettre aux étudiants d’allier sens du résultat, sens de l’humain et sens du sociétal. Ils pourront ainsi choisir des électifs comme économie alternative et appliquée, entreprendre en économie sociale et solidaire ou encore comprendre le dérèglement climatique et agir pour la transition, etc. Dans un autre esprit, le module de management des technologies vise à acquérir la maîtrise des fondamentaux de la culture numérique contemporaine avec une possible certification PIX.

O. R : C’est aujourd’hui votre sujet principal de préoccupation, notamment avec toutes les précautions sanitaires que vous allez devoir prendre, comment se présente la rentrée 2020 ?

E. P : Pratiquement tout le personnel reste en télétravail jusqu’au 24 août. Seuls les services techniques sont revenus sur les campus ainsi que certaines équipes qui avaient besoin d’utiliser des outils complexes. Les étudiants qui ont encore des cours les suivent à distance. La rentrée aura lieu à partir du 3 septembre, selon les programmes, comme prévu. Toutefois, nous ne savons pas, à date, quelles conditions sanitaires nous allons devoir appliquer. Et surtout combien nous allons pouvoir avoir d’étudiants par classe.

Nous prévoyons donc de nous déployer à 50/50 en présentiel et distanciel : les cours magistraux sur Zoom et les travaux dirigés en présentiel. Il n’est pas question de ne faire que du distanciel. Nous avons donc entrepris d’équiper l’intégralité de nos espaces d’apprentissagede matérielshigh-tech pour dispenser les cours en présentiel et en distanciel de manière concomitante. Au Havre, nous nous installerons comme prévu fin juillet dans notre nouveau bâtiment qui est à la fois une très belle réalisation architecturale et un lieu propice au travail collaboratif et au déploiement des dernières technologies digitales.

O. R : Qu’avez-vous prévu pour des étudiants internationaux qui ne pourront pas forcément rejoindre tout de suite vos campus ?

E. P : Nous en recevons aujourd’hui un peu plus de 750 en échange et en « fee paying » pour un effectif total de 4500 étudiants. A la rentrée, nous devrions pouvoir recevoir 75 à 80% de notre objectif de « fee paying ». Le problème, ce sont les visas et les conditions d’accès en France. D’autant que les bureaux de Campus France sont fermés dans de nombreux pays. Il risque d’y avoir des embouteillages pour la délivrance des visas et des permis de séjour lorsque cela sera possible de les obtenir.

Tous les étudiants internationaux qui s’inscrivent pourront en tout cas suivre les cours à distance avant de rejoindre nos campus. Nous allons à la fois leur proposer de les suivre en synchrone, si leurs fuseaux horaires sont compatibles, et en asynchrone quand ce n’est pas le cas comme en Amérique du Sud. Nous prévoyons également des rentrées décalées en janvier 2021 pour les étudiants inscrits en Bachelor, PGE, MS et MSc qui ne pourront arriver en France dès septembre.

O. R : Vos campus à Oxford et Dublin sont-ils toujours fermés ?

E. P : Ils doivent bientôt rouvrir et pourront recevoir nos étudiants. S’il y a encore des questions de quarantaine au Royaume-Uni, ils pourront suivre leurs cours sur les plateformes distancielles. Nous n’enverrons pas d’étudiants dans nos universités partenaires au premier semestre 2020-21. Par contre, nous avons décidé de garder ouvert l’accueil des étudiants d’échanges.

O. R : Votre passage à l’enseignement à distance s’est bien déroulé ?

E. P : Sans souci sur la plateforme Zoom. Il y a vraiment eu un élan de tous les personnels comme des étudiants pour bien répondre à la proposition de valeur de l’école. Nous avons basculé en 100% distanciel très vite et accompli des progrès considérables en un temps record. Mais c’était face à une question conjoncturelle, dans une sorte d’effet de sidération, si cela devient structurel cela sera différent.

O. R : Qu’est-ce qui pose le plus problème dans l’enseignement à distance ?

E. P : Il reste des questions à résoudre. Sur les droits à l’image, sur les droits d’auteur qu’il faut verser dès lors que le cours devient une œuvre. Ce qui est le cas dès qu’on passe en asynchrone. Cela implique de revoir les contrats de travail de nos enseignants et de nos intervenants extérieurs.

Au-delà de ces problèmes juridiques, il faut créer de l’expérience étudiante. Si les cours ont bien été dispensés à distance, si même le travail en groupe a bien fonctionné, il manque évidemment toutes les dimensions sociales, sportives, culturelles. Il faut donc revenir sur les campus. C’est indispensable !

O.R : La santé des entreprises risquant d’être chancelante, beaucoup de questions se posent quant à l’avenir de l’alternance, des stages ou de la formation continue ?

E. P : Sur les 850 contrats d’alternance que compte l’école cette année, nous n’avons reçu que deux demandes de rupture, dont seulement une parce que l’entreprise avait des difficultés économiques. Aujourd’hui la crise ne semble pas affecter les grands donneurs d’ordre. Par ailleurs, nous avons maintenant notre CFA en propre, qui supprime les quotas et nous permet d’accompagner en direct les alternants. Cela simplifie aussi les démarches administratives et les coûts pour les entreprises…ce qui est intéressant dans ce contexte économique lié à la crise sanitaire.

La situation des stages est plus complexe. Surtout pour ceux qui ont lieu cet été alors que beaucoup d’entreprises rouvrent juste leurs portes. Comme le permet le Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, ils pourront toutefois être repoussés jusqu’à juin 2021.

Quant aux actions de formation continue, elles se sont quasiment tout arrêtées mais nous commençons à recevoir de nouvelles demandes.

O. R : Avec tous ces soucis quelle est la situation financière de l’école ?

E. P : Nous sommes en clôture de l’année 2019-20 donc peu touchés. En formation continue, les formations sont reportées, pas annulées. Il n’y a que dans notre filiale spécialisée dans le maritime et le portuaire, l’IPER, qui accueille des cadres internationaux, que des formations ont été annulées. Nous avons dû par contre investir pour nous adapter aux nouvelles consignes de sécurité sur nos campus et fait l’acquisition de matériel high-tech comme je le disais précédemment. Pour l’année 2020-2021, même si nous nous sommes susceptibles de subir quelques pertes sur certains de nos marchés, notre situation financière est saine et nous pourrons encaisser le choc économique post Covid.

O. R : Et demain quels vont être vos challengers ?

E. P : Nous pourrions assister à un changement profond du modèle de l’enseignement supérieur. Avec la crise du Covid-19, nous avons encore plus ouvert les portes aux grands opérateurs du numérique et ils s’y sont engouffrés. Alors que, jusqu’ici, l’enseignement supérieur a toujours été protégé par sa faculté à délivrer des diplômes, ces grands acteurs vont délivrer leurs propres certificats. D’abord dans le digital puis dans d’autres domaines. Teams Education va bientôt être couplé avec la plateforme Lynda / LinkedIn racheté il y a quelque année par Microsoft. Les écoles qui diplôment risquent de se retrouver en concurrence avec ces entités. Notre challenge est d’anticiper ce changement de paradigme et d’inventer le modèle de demain qui devra être agile, pluridisciplinaire, et expérientiel. La concurrence a toujours galvanisé notre système Grande école et je suis persuadé que nous saurons construire une proposition de valeur en phase avec les grands enjeux de demain.

  • Six nouvelles spécialisations sont proposées en dernière année du PGE dont 4 en anglais : « Artificial Intelligence for Marketing Strategy » en partenariat avec l’EPITA, « Digital and Marketing in Luxury and Lifestyle », « Entrepreneuriat Digital », « Financial Data Management », « International Marketing and Business Development » et « Supply Chain, Logistique et Innovations ».
  • L’engagement et la quête de sens au cœur de la campagne e-admission . Pour accompagner les candidats, EM Normandie a développé avec EOTIM, un cabinet de recrutement informatique, un baromètre leur permettant de mesurer leur « taux de sens » ou, autrement dit, d’identifier les valeurs qui les animent. Les candidats sont invités à choisir 5 objectifs de développement durable parmi les 17 définis par l’ONU (faim zéro, inégalités réduites, éducation de qualité, égalité entre les sexes, etc.) pour déterminer leur profil d’engagement socio-environnemental parmi 4 dominantes : sociale, économique, environnementale ou encore sociétale. Des matchs leur permettent ensuite d’identifier les e-admisseurs qui leur ressemblent le plus afin d’échanger sur les sujets qui leur tiennent à cœur. Découvrir le baromètre de calcul de taux de sens : https://sowers-eotim.appspot.com/sowers-emnormandie

 

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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