ALTERNANCE / FORMATION CONTINUE

« Nous devons retrouver la voie du développement pour le Cnam »

Avec 65 000 auditeurs formés chaque année auxquels il délivre 1300 diplômes et certificats le Cnam incarne la formation tout au long de la vie (FTLV) depuis 1794. Mais pas seulement : la formation initiale y a également sa place. Reconduit dans ses fonctions d’administrateur général du Cnam en septembre 2018, Olivier Faron.

Olivier Rollot : Comment abordez-vous ce deuxième mandat à la tête du Cnam ?

Olivier Faron : Après un premier mandat que j’ai consacré à réorganiser le Cnam et tout son système de formation en créant 16 équipes pédagogiques nationales, après avoir créé un nouveau système de gouvernance avec des adjoints sur chaque sujet, après avoir fluidifié le fonctionnement des centres de région, nous allons nous attaquer au développement du Cnam. Ce que nous constatons c’est à la fois un effritement du nombre d’auditeurs et une augmentation des inscriptions. Ceux qui s’inscrivent le font à plus de formations.

Nous devons retrouver la voie du développement. Alors que le Cnam a longtemps vécu dans une quasi-dépendance aux fonds des collectivités, nous devons pour cela être plus à l’écoute des entreprises,  des actifs et des demandeurs d’emplois. Nous avons créé Cnam entreprises pour répondre aux besoins des entreprises. Nos MOOCs, et en particulier ceux très populaires de Cécile Dejoux, sont un formidable cheval de Troie pour convaincre les entreprises. Nous commençons à les accompagner dans leurs plans de formation.

O. R : Que veulent les entreprises et les salariés ?

O. F : L’avenir est à la formation en situation de travail (FEST) car l’enjeu est de savoir reconnaître les compétences en dehors d’une salle de classe. Dans ce cadre il faut aussi que la VAE (validation des acquis de l’expérience) soit simplifiée. Qu’on ait plus recours à la VAE collective qui fonctionne très bien car travailler en groupe est de plus en plus efficace. Nous menons des expérimentations pour voir comment on démontre des compétences dans des situations particulières.

L’entreprise ne peut être apprenante que dans la mesure où des professionnels de la formation sont capables de formaliser et d’apporter des reconnaissances. Sinon c’est de l’auto-formation.

O. R : Les enseignements du Cnam évoluent-ils en fonction des besoins du marché de l’emploi ?

O. F : Il faut absolument éviter la reproduction à l’identique alors que nous ne nous situons pas dans des logiques strictement disciplinaires. Nous sommes organisés en chaires et nous en avons ainsi créé trois nouvelles récemment en design, robotique et ingénierie culturelle. Nous n’avions aucun enseignement dans la culture alors que la demande d’animateurs socio-culturels est très forte. De même nous avons accompagné la montée en puissance des écoles d’arts plastiques dans la création du nouveau diplôme national d’art (DNMAD).

La cour d’Honneur du Cnam à Paris (© Dircom Cnam)

O. R : Le gouvernement semble favoriser la formation des chômeurs au détriment de celle des actifs. Comment le Cnam s’adapte-t-il ?

O. F : Effectivement notre tradition est plutôt de faire progresser les actifs alors que les financements vont plus aujourd’hui vers les demandeurs d’emploi. Notamment avec le plan investissement compétences. Le CPF est bon outil pour les demandeurs d’emploi pour peu qu’on soit à leur écoute. Si on veut garantir le même niveau de qualité, les formations des demandeurs d’emploi doivent être adaptées. Il faut adapter la pédagogie à des publics qui sont depuis longtemps éloignés de la formation.

O. R : Mais ne risque-t-on pas de moins former les actifs faute de moyens suffisants ?

O. F : Il y a un risque à oublier la promotion des actifs en ne donnant pas d’horizon de progression sociale.

O.R : La réforme de la formation professionnelle entre en œuvre cette année. L’impact va être majeur pour le Cnam ?

O. F : C’est un impact important à plusieurs niveaux. D’abord avec la montée en puissance du conseil en évolution professionnelle (CEP) pour lequel nous formons déjà des conseillers et pour lesquels nous pourrions être des prescripteurs. Mais surtout avec l’outil central de la réforme qu’est le compte personnel de formation (CPF). C’est un levier qui va devenir incontournable et qui nous a déjà poussé à découper en blocs de compétences 50% de nos formations. La loi va individualiser et donner plus de souplesse. Avec un point de vigilance sur le nouveau CPF de transition, qui remplace le congé individuel de formation (CIF), et est important pour notre modèle économique.

O. R : La « monétisation » du CPF est-elle une bonne idée ?

O. F : Ce n’est pas un problème. Il faut quand même être vigilant à ce que le CPF ne soit pas consacré qu’à des enseignements de base. L’abondement du CPF par les entreprises ou les collectivités doit permettre de financer des formations plus longues.

Le parvis du MusŽée des Arts et MŽétiers (© Dircom Cnam)

O. R : Le Cnam est un fin connaisseur du système…

O. F : Nous sommes un acteur et un expert au service de tous les acteurs de la formation professionnelle. Nous pourrions d’ailleurs ouvrir une chaire consacrée à la transition professionnelle. Il y a une vraie question à se poser sur la création du bon outil qui permettra de mesurer les besoins de compétences et d’emploi. Il n’y a pas aujourd’hui les bonnes compétences au bon endroit au bon moment.

Le Centre d’études sur l’emploi du ministère du Travail a été intégré au Cnam et est devenu le Centre d’études sur l’emploi et le travail. 40 chercheurs et personnels sont autant de fers de lance de la réflexion collective sur des sujets majeurs.

O. R : Parlons formation initiale. Que va signifier pour vous la réforme de l’apprentissage également en cours ?

O. F : L’apprentissage est devenu un levier majeur de notre activité. Nous formons aujourd’hui 6000 alternants dont 3000 apprentis dans tous les domaines et nous réfléchissons à créer une direction dédiée. Le nouveau système issu de la réforme va nous permettre de travailler en direct avec les entreprises et les branches professionnelles. Nous possédons déjà des centres de formation d’apprentis (CFA) et nous pourrions en ouvrir de nouveaux.

O. R : L’alternance vous permet de former plus particulièrement les bacheliers professionnels. Et de les faire réussir !

O.F : Notre Ecole Vaucanson propose des formations particulièrement adaptées aux bacheliers professionnels. Et c’est effectivement grâce à leurs trois années en alternance que nos licences générales obtiennent alors des taux de réussite de 80%.

Nous proposons aussi un diplôme d’université à bac+1 composé de six mois de savoirs de base et six mois d’acquisition de compétences professionnelles. Ce DU permet d’intégrer le monde professionnel dans des secteurs où la demande est forte : la sécurité, le numérique, les services à la personne, etc.

Toujours en alternance, labellisé par la Grande école du numérique, notre Passe Numérique s’adresse de son côté à un public de décrocheurs. C’est important, même si on entre dans une start up, d’obtenir un jour une reconnaissance qui vous permet d’évoluer.

O. R : On en revient à la force du Cnam : faire évoluer les actifs tout au long de leur vie !

O. F : Le Cnam est le fer de lance des établissements d’enseignement supérieur pour la formation tout au long de la vie. Chaque année nous recevons 65 000 apprenants pour les aider à construire leur parcours. Le plus beau public du monde. Des ingénieurs qui sont par exemple passés par un BTS plutôt que par une classe préparatoire. Mais au final ne seront-ils pas plus dans une logique d’ingénieur, au service de la croissance économique et sociale de notre pays, que des purs produits de l’excellence académique ?

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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