POLITIQUE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

Covid-19, comment l’enseignement supérieur s’est réinventé : 2. Soutenir ses étudiants

De déconfinement en reconfinement, un an après le choc de mars 2020, l’enseignement supérieur a su faire preuve de sa résilience et de la solidarité pour continuer à dispenser aux étudiants une expérience à la hauteur de leurs attentes. « Les Grandes Écoles sont plus que jamais aux côtés de leurs étudiants pendant leur cursus, leur recherche de stage ou d’emploi. Avec un objectif : les aider à se réaliser au travers de leurs cours, de leurs activités associatives, de leurs expériences en entreprises », signifie ainsi le directeur général d’Audencia, Christophe Germain, dans le Livre blanc « Des études à l’emploi, les Grandes écoles se réinventent » publié par son école avec les équipes éditoriales de HEADway Advisory. Un Christophe Germain qui entend bien aussi tracer des perspectives : « Ce que nous avons appris pendant cette pandémie nous sert et nous servira. La génération qui arrive sur le marché du travail, trop souvent qualifiée à tort de génération « sacrifiée », sera avant tout résiliente, déterminée et combative, probablement encore plus apte à gérer les grands défis de demain ».

  • Au travers notamment des témoignages issus du Livre blanc « Des études à l’emploi, les Grandes écoles se réinventent » nous vous proposons cette semaine la deuxième partie d’une suite de trois articles consacrés au bilan de la pandémie et à ses conséquences dans l’avenir. Relire le premier article : La révolution numérique.

Rassurer et soutenir. Et soudain le choc ! En mars 2020 les étudiants sont contraints de rester chez eux, ne peuvent plus partir à l’international et doivent même en revenir pour beaucoup. En quelques jours les établissements s’organisent, basculent leur enseignement à distance, se réorganisent.  « Il a fallu rassurer les élèves, leur expliquer qu’ils étaient tous dans le même bain. Le plus difficile à gérer pour eux, et donc pour nous, était l’incertitude, d’abord sur la tenue ou non des écrits, qui n’a été confirmée qu’en mai, se souvient Philippe Joyeux, le président de l’Association des professeurs de classes préparatoires économiques et commerciales (APHEC) interrogé dans le numéro de janvier 2021 du magazine « l’Essentiel Prépas ». Ensuite, il a fallu trouver des solutions pour remplir la longue période entre début avril et fin juin, jusqu’aux concours. C’était une période inédite, mais il fallait absolument que les étudiants conservent et consolident leurs acquis. Dans ce sens, nous avons donc organisé et coordonné des séances de révisions, de questions-réponses, des visioconférences avec leurs professeurs… ».

Mais il n’y a pas que les cours qui sont impactés. C’est toute la vie étudiante qui pâtit du virus et notamment des jobs étudiants et des stages qui permettent à beaucoup d’étudiants de financer leurs études.  Voire de survivre pour les plus défavorisés que les établissements d’enseignement supérieur vont particulièrement soutenir. « Nous savions que nous allions avoir un afflux de demandes, aussi avons-nous décidé de nous appuyer sur la commission d’aides sociales qui existait déjà. Nous avons misé sur la confiance pour gagner en efficacité et nous avons versé en quatre mois ce que nous accordons d’habitude en cinq ans », rappelle Anne-Marie Tournepiche, vice-présidente vie étudiante et vie de campus de l’université de Bordeaux quand Clémence Guérin, qui était étudiante en fin de première année dans l’école nantaise quand elle a appris que son stage dans une auto-école ne pourrait pas avoir lieu se souvient : « En tant que boursière, j’ai reçu un mail d’Audencia qui expliquait qu’on pouvait bénéficier d’une bourse de 500 euros si notre stage rémunéré avait été annulé Ce n’était évidemment pas autant que ce que j’aurais gagné en stage mais cela m’a permis de payer mon loyer ».

Dans ce cadre les fondations vont jouer un rôle essentiel. C’est même dans cet esprit que la Fondation Paris School of Business a lancé en 2020 son activité et ouvert un fonds d’aide COVID-19. Créée à l’initiative de plusieurs diplômés de Paris School of Business elle dotée d’un budget de plus de 200 000€ afin d’« œuvrer pour une société plus égalitaire et durable ». « Nous avons bénéficié de la tendance globale d’une hausse de la générosité des Français », souligne Alexis Méténier, directeur de la fondation Insa Lyon, dont le « dispositif solidarité a mobilisé quatre personnes quasiment à temps plein pendant trois mois ». Et parce que la situation a été particulièrement difficile pour les étudiants internationaux des écoles telle Grenoble EM ont créé des cellules de soutien en ligne et médicales dans différentes langues pour répondre aux questions des étudiants dans leur langue et leur culture.

Restaurer le lien. Les besoins des étudiants ne sont pas que pédagogiques et financiers. La détresse psychologique que vivent certains devient vite un sujet central. « Nous avons proposé des ateliers et conférences sur la prévention des risques, en permettant également des rendez-vous distanciels chaque semaine avec des professionnels de santé. Nous avons aussi fait appel à des spécialistes du développement personnel pour accompagner nos étudiants », explique Matthieu Lucas, responsable du pôle wellness de Neoma BS. Un accompagnement qui concerne également les personnels « Ma plus grosse inquiétude : éviter qu’il n’y ait pas de collaborateur seul, isolé. Heureusement, les managers ont joué le jeu, en assurant une grande proximité avec les équipes, et en repérant les situations personnelles particulières, pouvant être difficiles. Typiquement, face des salariés angoissés par la situation, devant jongler entre le travail et la gestion des enfants à la maison pendant le premier confinement, nous avons essayé de nous montrer les plus rassurants possibles, pour qu’ils ne culpabilisent pas de ne pas réussir à tout faire », confie Delphine Lambert, directrice des ressources humaines d’Audencia.

Passée la période de sidération, les associations étudiantes ont également su réinventer leur rôle pour recréer un lien, même virtuel, entre les étudiants. A l’Essec, il a par exemple fallu repenser les parrainages des nouveaux étudiants par les actuels. « Chaque parrain a créé un faux compte Facebook et a échangé ainsi avec son filleul. Ils apprenaient à se connaître, via des défis, et au bout d’une semaine, le parrain révélait sa vraie identité, raconte Milo Morel, président du BDE. En une semaine, plus de 3500 défis ont été organisés par 150 étudiants ! » A CentraleSupélec le Bureau des arts (BDA) n’a pas voulu abandonner sa « Semaine des Arts ». « Nous choisissions un thème et les étudiants devaient trouver un poème qui y correspondait. Ensuite, nous nous chargions de la livraison du poème à la personne de leur choix, de façon anonyme s’ils le souhaitaient, explique Louis Soumoy, président du BDA, qui a « livré 700 poèmes en une semaine. »

« Bringing International at Home ». « Ce qui a le plus changé en un an, c’est la dimension internationale des parcours, un passage obligé pour être diplômé, confie Claude Lombard, directrice des études et des admissions à Audencia. Ce fut le premier secteur impacté par la crise sanitaire. Il nous a fallu être très réactif et trouvé des solutions lorsque les universités concernées par les échanges n’étaient pas en mesure de proposer des cours à distance ou que le décalage horaire ne permettait pas de les suivre ». Il lui a donc fallu « développer des solutions alternatives en proposant aux étudiants de choisir des cours en distanciel dispensés par des intervenants internationaux organisés par Audencia ou les universités partenaires ».

Autre exemple avec l’Estia, école d’ingénieurs du pays basque qui s’est construire autour d’un projet européen appuyé notamment sur des universités britanniques, et Grenoble EM. Soutenu par l’Ambassade de Grande Bretagne, elles ont monté E-mobility un programme de recherche né de la volonté de proposer des alternatives à la mobilité internationale étudiante. Dans ce cadre 30 étudiants de l’ESTIA, de GEM et de l’University of London ont participé à une classe expérimentale intitulée « Bringing International at Home » dans le cadre de laquelle les étudiants suivent plusieurs workshops, conférences, cours de langues et même la visite virtuelle d’un musée britannique. Une solution qui va au-delà d’une simple réponse à une crise ponctuelle comme le souligne Patxi Elissalde, le directeur général de l’ESTIA : « Si la crise sanitaire représente une contrainte forte pour les écoles qui ont à cœur de maintenir l’excellence de leurs formations, elle est aussi constitutive d’opportunités. Le programme E-mobility que nous pilotons en apporte la démonstration. Repenser la façon dont nos étudiants tissent leurs liens à l’international en réduisant notre impact environnemental et en favorisant l’inclusion, grâce à l’apport des technologies numériques, constitue une réelle avancée ».

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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