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Le DBA : cet objet éducatif en voie d’identification

Luc s’est demandé si « la nouvelle théorie de l’intégrité ontologique ouvrait de nouvelles perspectives de management », Joseph a travaillé sur « la gestion des risques dans les projets de construction et environnement turbulent en Algérie », Yacouba a étudié le « business model des PME exportatrices de mangues du Burkina Faso ». Ils viennent de la francophonie, du Canada, d’Afrique, de Suisse mais aussi du Portugal ou d’Allemagne. Leur point commun avoir dépassé la quarantaine, posséder une belle expérience professionnelle et la volonté de la théoriser dans le cadre d’une thèse. C’est pour eux qu’a été le Doctorate in Business Administration (DBA) qu’ils suivent dans le cadre du Business Science Institute associé à l’IAE Lyon et au Cesag. Et c’est au Luxembourg, dans le cadre imposant du château de Wiltz dans les Ardennes, qu’ils sont venus présenter leur thèse.

Un vrai doctorat !

« La structuration des écoles doctorales rend très difficile l’obtention d’une thèse normalement destinée à des étudiants plus jeunes susceptibles d’y passer trois ans entiers de leur vie. Un manager de 45 ou 50 aura du mal à s’inscrire dans des thèses dont les standards sont de plus en plus académiques », explique le président du Business Science Institute, Michel Kalika, qui a lancé son DBA en 2012.

Le DBA est bien un doctorat qui en reprend les méthodes et attendus. Et ce n’est pas forcément facile pour des doctorants expérimentés dans leur métier, parfois chefs d’entreprise, de se confronter au regard d’enseignants-chercheurs qui jettent sur leurs travaux le même regard critique que sur toute thèse en gestion. Luc a ainsi dû se confronter à un jury, composé de quatre professeurs et de son directeur de thèse, pas totalement convaincu de la pertinence de certains éléments de sa thèse. « Nous savions qu’il y aurait des questions et nous nous étions préparés », confirme son directeur de thèse, satisfait que son doctorant ne se soit jamais laissé démonter par les questions du jury. « Ce que je voulais avant tout c’était faire cette recherche et tant mieux s’il y a un doctorat au bout ! », assure celui qui vient d’obtenir le titre de docteur et a revêtu pour l’occasion une toge comme tous les doctorants du monde.

« L’idée est que des managers en activité peuvent créer une connaissance différente de celle des thèses traditionnelles parce qu’ils partent de pratiques managériales que, par définition, le jeune doctorant ne connaît pas », complète Michel Kalika pour lequel « le DBA est une thèse de pratique avec un corpus de connaissance. Des thèses utiles aux managers dans lesquelles il n’y a pas 95% de notes et de littérature et 5% de recommandations. »

Une structure mentale différente

Venus d’HEC Paris, de l’IAE Lyon, du Cnam ou encore de l’université de Sydney, les professeurs qui ont suivi pendant trois ans les 26 doctorants présents à Wiltz se disent heureux de ce contact avec les managers qui leur donne accès à des terrains auxquels ils n’ont pas toujours la possibilité d’être confrontés. « Les doctorants doivent nous raconter des histoires, donner à voir, faire partager les mines d’or que beaucoup ont entre leurs mains et dont ils n’ont pas forcément conscience. Il ne faut surtout pas tordre le coup aux données pour les faire entrer dans des cadres théoriques », conseille Françoise Chevalier, professeur à HEC qui suit chaque année plusieurs doctorants et a participé à l’écriture de l’ouvrage « Le projet de thèse de DBA » (EMS éditions). « Il faut être passionné, se sentir investi d’une mission de production de connaissance », confirme le professeur de l’université ParisSud Jean-Philippe Denis. Ce que Michel Kalika synthétise d’un « Une thèse c’est une relation, un binôme, une harmonie entre les visions du doctorant et du professeur qui le suit ». Tout un travail qu’il faut ensuite faire connaître, par exemple sous la forme d’un ouvrage.

Des enseignants qui n’ont pas de doctorat peuvent-ils également être intéressés. Des professeurs qui ont été embauchés pour leurs grandes compétences dans leur domaine et subissent aujourd’hui la pression de la nécessité de publication. « Le DBA permet à ces spécialistes de valoriser leurs compétences sans entrer dans la logique de publication dans les revues étoilées [les meilleures revues de recherche classées par le CNRS] et en publiant plutôt dans des revues professionnelles ou en publiant des cas, des ouvrages », remarque Michal Kalika. Beaucoup de consultants sont également intéressés. Résultat : certains professeurs peuvent s’offusquer de la montée en puissance d’un DBA qui viendrait concurrencer les doctorats et PhD « classiques ». « Il ne faut pas établir une hiérarchie entre eux mais les mettre en parallèle, avec un public et des objectifs différents », conclut Michal Kalika.

 

  • PRATIQUE : QUI, QUOI, COMMENT ? Pour démarrer un DBA (ou EDBA pour Executive DBA), il faut posséder un master, généralement un MBA, être en activité et avoir occupé un poste d’encadrement pendant au moins cinq ans. En pratique les managers sélectionnés ont au moins dix ans d’expérience en général. Ensuite c’est un jury qui sélectionne les candidats selon une procédure tout à fait classique (dossier, interview). Il faut compter au moins trois ans pour obtenir un DBA.
  • En France, le DBA est proposé par le Business Science Institute mais aussi par Grenoble EM, Paris-Dauphine, Neoma BS, Toulouse BS ou encore le Cnam.
  • Les responsables du BSI insistent beaucoup sur la nécessité de travailler tous les soirs et tous les week-ends. Cela demande une double motivation : individuelle (se réaliser et valoriser à ses propres yeux l’expérience acquise) et professionnelle en démontrant à son entreprise l’utilité de sa thèse.
  • Le DBA du BSI coûte 7000€ par an, d’autres beaucoup plus. Ils peuvent être financés dans le cadre de la formation d’entreprise.
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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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