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EESPIG : 10 ans après des enjeux qui persistent

La table ronde réunissait Patrick Hetzel (aujourd’hui député et ancien directeur général de l’enseignement supérieur), Thierry Coulhon (président du Hcéres), François Germinet (directeur du pôle Connaissance au Secrétariat général pour l’investissement), Cyril Kao (adjoint au directeur général de l’enseignement et de la recherche DGER), Phillipe Coquet (président de la Fesic) et Laure Viellard (directrice générale de l’ESTA Belfort et Administratrice de la Fesic) et était animée par Théo Haberbusch (News Tank éducation et recherche).

Le 28 juin dernier s’est tenue une table ronde à l’Assemblée nationale pour célébrer les 10 ans d’existence de la qualification établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général (EESPIG). Un moment d’échange qui a permis de dresser un état des lieux des évolutions de la qualification entre 2013 et 2023 avec ses principaux acteurs.

Un EESPIG, c’est quoi ? Tantôt approchés comme une qualification, tantôt approchés comme un label, les EESPIG, les établissements d’enseignement supérieur privé d’intérêt général sont en contrat avec l’État. Créée en 2013 à l’initiative de la FESIC (Fédération des établissements d’Enseignement Supérieur d’Intérêt Collectif) et au travers de la loi Fioraso, la qualification rassemble aujourd’hui plus de 160 000 étudiants répartis dans 64 établissements.

Rappelons-le : la qualification EESPIG s’obtient après avis du Comité consultatif de l’enseignement supérieur privé (CCESP) et s’adresse aux établissements non-lucratifs jouissant d’une indépendance de gestion qui souhaitent s’engager dans une démarche contractuelle avec l’état. Ce contrat, impliquant, a alors pour objectifs de garantir :

  • le caractère non-lucratif de l’établissement et sa gestion désintéressée ;
  • l’association aux missions de service public de l’ESR : formation initiale et continue, recherche scientifique et technologique, ouverture sociale et insertion professionnelle ;
  • la qualité de l’enseignement et de la formation ;
  • l’évaluation par le Hcéres (Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur) sur les mêmes critères que les établissements publics

La qualification est obtenue pour une durée maximale de 5 ans renouvelable.

Un EESPIG, à quoi ça sert ? La qualification EESPIG poursuit plusieurs objectifs :

  1. Pour l’État – Patrick Hetzel le souligne, « les EESPIG ont pour objectif de permettre à l’état de valoriser et de contractualiser avec des établissements privés qui ont une philosophie très proche de celle des institutions publiques ». Cette collaboration avec des établissements qui répondent à des missions d’intérêt général a pour ambition de s’inscrire dans la politique gouvernementale et de répondre aux défis de l’ESR français. On notera par exemple qu’en 10 ans, les EESPIG ont renforcé leur cadre juridique : ils sont ainsi passés d’associations ayant des missions de service public à un rôle d’opérateur du service public. En témoigne par exemple l’implication des EESPIG dans les enjeux DD&RS. Ainsi, pour Phillipe Choquet, « les EESPIG sont bien plus qu’une « simple » qualification, ils sont porteurs de sens, de valeur et de qualité. Ils poursuivent la même mission que les établissements publics avec un mode de fonctionnement différent ».
  2. Pour les établissements – La qualification EESPIG permet aux institutions de bénéficier d’une reconnaissance officielle de leur engagement dans la mission de service public. Elle leur permet également de s’améliorer et de faire preuve de réflexivité, car c’est un processus « très structurant, engageant et exigeant, notamment grâce à l’évaluation d’un organisme pointu et externe : le Hcéres » pour Laure Veillard.
  3. Pour le grand public – La qualification EESPIG est une réponse au besoin de plus en plus pressant de lisibilité du secteur ESR pour les jeunes et leur famille qui ne s’y retrouvent plus entre privés, publics et tous les leviers de reconnaissances utilisés l’état (Grade, Visa, RNCP, etc.). Stéphane Piednoir, sénateur, constate alors que « le marketing a pris le pas sur le fond ». Dans ce cadre, Thierry Coulhon explique que la qualification « rassure les parties prenantes » puisqu’elle permet aux jeunes de distinguer les écoles privées à but non-lucratif des autres établissements. Il y a en effet, pour François Germinet, une « bataille autour de la qualité, car n’importe quelle officine peut ouvrir un diplôme, prendre un RNCP et l’appeler bachelor ». Les EESPIG représentent alors un point de repère qualitatif qui doit « garantir aux familles loyauté, transparence et lisibilité sur la formation proposée » défend Cyril Kao (pour plus de détails, lire l’interview de Phillipe Choquet à ce sujet ici) .

Un cadre juridique non sécurisé et des dotations en berne. Alors que l’obtention de la qualification génère « beaucoup de contraintes, de travail et est très chronophage » pour Laure Veillard, le financement des EESPIG demeure un sujet de contrariété. La directrice de l’ESTA Belfort considère ainsi que « le contrat est déséquilibré » :  la contrepartie financière semble « dérisoire » au regard des efforts fournis et du service public rendu. Les établissements EESPIG sont en effet sujets à un effet ciseaux :

  • l’augmentation de la dotation globale pour les institutions EESPIG n’évolue pas de façon proportionnelle au nombre d’établissements qui obtiennent la qualification ;
  • la dotation par étudiant n’est pas égale entre les établissements, les premiers EESPIG bénéficient d’une dotation proportionnellement plus élevée que celle des derniers entrants. Ainsi, alors qu’en moyenne un étudiant devrait représenter aux alentours de 600€ de financement en 2021, certains établissements n’obtiennent que 200€/étudiant.

Outre leur volonté de juguler cette baisse des financements publics, les EESPIG militent également pour un traitement équitable vis-à-vis des établissements publics, partant du constat qu’ils sont également opérateurs du service public.  Ils souhaitent par exemple bénéficier d’une exonération de la taxe foncière, atteindre et maintenir une subvention annuelle par étudiant à hauteur de 10% de l’engagement financier par l’État, aligner leur taux de réserve appliqué aux crédits à celui des universités, avoir l’habilitation systématique pour accueillir des boursiers, etc. (pour plus d’information, retrouvez ici le plaidoyer 2022 de la FESIC).

L’un des leviers pour instaurer un traitement équitable entre public et privé serait pour Phillipe Choquet d’inscrire la mission des établissements reconnus d’intérêt général dans une loi (retrouvez ici l’interview). A cette proposition, Thierry Coulhon ajoute que le Hcéres pourrait également jouer un rôle, par exemple en « statuant sur la possible habilitation à recevoir des boursiers ».

Une qualification qui manque de notoriété et de visibilité. Laure Veillard le déplore, « il existe une vraie méconnaissance de la qualification et de son sens, notamment par les élus locaux ». Ce déficit de notoriété à des conséquences, car en plus de limiter l’objectif de lisibilité du secteur auprès du grand public, il freine également le développement des territoires et de leur politique de site. En effet, cette méconnaissance des valeurs et de la mission portée par les établissements EESPIG rend la collaboration difficile entre les acteurs publics et privés qui s’inscrivent bien souvent dans des « représentations d’images d’Épinal et caricaturales de ce qu’est l’autre », soutient François Germinet.

Or, quel que soit le statut de l’établissement, il est nécessaire qu’ils travaillent ensemble dès lors qu’ils possèdent une mission commune, car pour exister, créer des territoires attractifs et des politiques de sites dynamiques, la collaboration semble être « la seule issue » précise François Germinet. Par exemple, les EESPIG peuvent capitaliser sur les ressources et pôles d’excellence publics pour développer leur recherche et générer de nouveaux relais de croissance.

Leviers pertinents à mobiliser, « les contrats de site pourraient permettre aux territoires et à leurs acteurs d’avancer vers un projet commun tout en limitant les irritants et en créant des conditions de transparence et de confiance » ajoute Guillaume Gellé, le président de France Universités.

Un périmètre d’éligibilité qui questionne. Alors que pour certains, à l’instar de Patrick Hetzel ou de François Germinet, la qualification EESPIG devrait faciliter la régulation du secteur de l’ESR et « séparer le bon grain de l’ivraie », elle symbolise pour beaucoup le « premier cercle du public » (Thierry Coulhon et Phillipe Choquet), c’est-à-dire des établissements privés partageant les mêmes exigences de qualité, les mêmes valeurs et la même mission que les acteurs publics. Les EESPIG représentent alors l’exemple d’un modèle de partenariat vertueux entre public et privé.

Sur la base de valeurs partagées et d’une mission commune, on peut dès lors s’interroger sur l’évolution des critères d’éligibilité pour devenir EESPIG. Les écoles consulaires EESC pourront-elles prétendre à la qualification comme le président de la CCI Paris Ile-de-France, Dominique Restino, en a émis l’idée récemment ? A ces questions, Phillipe Choquet reste ouvert à la discussion, et « souhaite que les EESPIG soient les plus nombreuses possibles » en posant néanmoins une limite morale allant au-delà du statut : « il ne faut pas être à but lucratif et que la mission de service public soit remplie ».

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