ECOLES DE MANAGEMENT

« Nous avons renforcé l’enseignement des humanités »: Delphine Manceau (NEOMA)

Delphine Manceau, directrice générale de Neoma BS, est revenue récemment sur sa stratégie. Et d’abord sur le grand enjeu qui est de travailler sur les nouvelles compétences nécessaires aux managers de 2030 : « sociales et émotionnelles » (leadership, empathie, interculturalité, etc.), « cognitives » (esprit critique, traitement d’informations complexes) et « technologiques » pour maîtriser les nouveaux outils. Sa vision de la business school des années 2020.

Olivier Rollot : Votre programme Grande école (PGE) évolue une nouvelle fois cette année. Qu’allez-vous proposer de nouveau à la rentrée ?

Delphine Manceau : Oui, le programme Grande Ecole de Neoma poursuit son évolution. Tous nos étudiants pourront désormais obtenir un double diplôme, avec à la fois le Master en Management et un MSc Neoma lié à leur spécialité de fin de cursus. Sans frais de scolarité supplémentaire. D’autres écoles comme HEC ou l’EDHEC ont déjà adopté ce type d’approche, nous le faisons également et de manière systématique, car cela permet de renforcer la spécialisation tout en favorisant un mélange avec les étudiants internationaux auprès desquels les MSc sont tant prisés.

Par ailleurs, le cursus s’enrichit d’un nouveau parcours d’excellence « Risk & Financial technologies » en partenariat avec GARP (Global Association of Risk Professionnals). Celui-ci permet de préparer la certification professionnelle Financial Risk Manager® (FRM – Gestionnaire de risques financiers) que plus de 90% des plus grandes institutions bancaires mondiales privilégient dans leurs démarches de recrutement.

Dans les mois et les années à venir, d’autres MSc vont voir le jour, cette réforme permettant d’offrir davantage de spécialisations pointues.

O. R : Les écoles de management ont beaucoup développé de nouveaux programmes ces dernières années. La priorité de votre programme Grande école est toujours de recruter des élèves en classes préparatoires ?

D. M : Neoma est très attachée au recrutement en classes préparatoires. Elle est même l’école qui recrute le plus d’élèves qui en sont issus. Dans toute leur diversité. Le concours Ecricome, au sein duquel nous recrutons, donne ainsi toute leur place aux élèves issus de classes préparatoires littéraires (qui ont un nombre de places réservées) et de classes préparatoires technologiques.

Les élèves de prépas ont étudié à très haut niveau pendant deux ans des matières fondamentales comme la philosophie, les mathématiques, la géopolitique, les langues, et mettent ensuite cette culture et cette ouverture en complémentarité avec le développement de compétences professionnelles dans notre Ecole. Cela constitue un parcours extrêmement riche et complet.

Cette année, nous allons d’ailleurs accueillir le congrès de l’APHEC (Association des professeurs des classes préparatoires économiques et commerciales) pour échanger avec l’ensemble des professeurs. Notamment sur la réforme du bac qui est en cours et sur ses impacts potentiels sur les classes préparatoires. Qu’il y ait des parcours plus divers, en mathématiques et sciences économiques voire mathématiques et humanités, dès le bac est une bonne chose. Il faut conserver le recrutement d’élèvs à différents niveaux en mathématiques.

O.R : Mais justement ne faut-il pas imposer un quota d’élèves « très bons en maths » dans vos recrutements ?

D. M: Il n’y a jamais eu de quotas d’élèves issus d’ECS et ECE dans les concours des écoles de commerce. Il n’y a qu’au sein du concours Ecricome qu’un quota de places est réservé aux élèves issus de la filière littéraire. Ce n’est pas le cas en BCE. Notre parti pris c’est la diversité en ouvrant différentes possibilités de profils. Il est encore trop tôt pour se prononcer car nous sommes encore en train de travailler le sujet avec l’APHEC. Quant à la baisse des inscriptions de 5% en 2018 en classe préparatoire c’était une année de mise en place de Parcoursup qui ne me semble pas représentative.

O. R : Comme d’autres écoles, Neoma travaille sur la notion de « continuum » qui doit permettre d’effectuer la transition entre la classe préparatoire et la Grande école dans de meilleures conditions. Quelles actions menez-vous ?

D. M : Nous avons renforcé l’enseignement des humanités avec un dispositif pluriel. En première année, un nouveau cours obligatoire sur les humanités et le management est consacré au thème du travail dont nous explorons les évolutions sur toutes les dimensions : philosophiques, ethnographiques, sociologiques, économiques…

Nous avons également développé un « Itinéraire philosophique et artistique » construit autour de deux grandes expositions artistiques organisées sur nos campus à partir de fin avril. Il s’agit de faire davantage entrer l’art à l’Ecole avec des sculptures et des œuvres picturales.

Enfin, et sous l’impulsion de Michel-Edouard Leclerc, le Président de l’école, nous organisons des conférences sur la thématique de l’utilité sociale des entreprises. Avec des personnalités comme Emmanuel Faber, le PDG de Danone, ou Louis Gallois, Président du conseil de surveillance de PSA, qui sont intervenus au cours des dernières semaines.

O. R : Vous lancez également cette année une nouvelle initiative qui va permettre à des étudiants de classes préparatoires de découvrir la Chine…

D. M : NEOMA Business School s’implique depuis longtemps dans le développement de relations étroites avec la Chine, avec notamment la présence sur ses campus du NEOMA Confucius Institute for Business (le premier en France). Avec l’APHEC (Association des professeurs des classes préparatoires économiques et commerciales), nous créons Leaders @the Next Generation : un programme qui permettra à 20 étudiants de classes préparatoires de partir en immersion en Chine, pour deux semaines, en juillet prochain. Composé de conférences, de visites, d’une formation en management interculturel, d’un projet de leadership pour ouvrir à la culture chinoise, et de cours à distance, le programme permettra même aux étudiants d’obtenir le niveau 2 du test de chinois officiel HSK grâce à des cours intensifs de langue chinoise.

O. R : En 2020, vos programmes postbac vont intégrer Parcoursup. Qu’est-ce que cela signifie de nouveau pour Neoma ?

D. M : Au sein du concours Sesame, nos programmes Global BBA et Cesem connaissent cette année une très forte augmentation des candidatures. L’entrée dans Parcoursup va encore renforcer leur visibilité l’année prochaine. TEMA, notre programme postbac en 5 ans axé sur le développement de compétences hybrides autour du management et de la technologie, y fera son entrée en 2020 et, en lien avec Parcoursup, renforcera son recrutement national, a fortiori alors que le programme ouvre à Paris en plus de Reims.

Pour autant, nous attendons encore de savoir les conditions exactes de notre passage dans Parcoursup pour bien envisager comment nous allons organiser nos épreuves écrites et orales.

O. R : Leur développement international est au cœur des stratégies des business schools partout dans le monde. Quelles actions particulières menez-vous dans ce sens ?

D. M : C’est un axe majeur, notamment pour faire progresser le nombre d’étudiants internationaux que nous diplômons. Nous constatons d’ailleurs actuellement une forte hausse du nombre de nos candidats internationaux.

C’est en retour pour nos étudiants l’opportunité d’aller dans les établissements très bien établis dans leur pays pour une profonde immersion culturelle et dans les pédagogies propres à chaque pays. Nous continuons dans cette logique avec l’ambition d’avoir 400 universités partenaires dans trois ans (elles sont 300 aujourd’hui), avec toujours une exigence de grande qualité et de reconnaissance locale et internationale via des partenaires accrédités. Nous maintenons donc notre approche fondée sur des partenariats avec les universités locales de grand renom, tout en diversifiant les modalités d’immersion à l’international pour permettre une immersion dans les incubateurs des grandes universités locales ou dans les association étudiantes locales. Là encore, l’objectif est une expérience riche avec des étudiants du pays, dans l’écosystème local et avec les habitudes culturelles locales.

Ainsi, le programme « Entrepreneurs sans frontières » va permettre à nos étudiants entrepreneurs d’être reçus pendant six mois dans les incubateurs des plus grandes universités comme Jiao Tong à Shanghai ou FGV au Brésil. Et en retour à leurs étudiants de se rendre dans nos incubateurs en France. Nous montons ainsi un réseau d’incubateurs académiques avec des cours sur place sur l’entrepreneuriat et des rencontres avec les écosystèmes locaux, permettant de construire des start-ups « born global » comme disent les entrepreneurs. Dans le même esprit, le dispositif « Vie associative sans frontières » va permettre à nos étudiants les plus impliqués dans nos associations – qui suivent des cours le matin pour se consacrer à leur association l’après-midi – de rejoindre les associations de nos universités partenaires. Là encore, le dispositif intègre des cours sur les sujets d’activité de l’association délivrés dans l’université d’accueil et une immersion dans les associations de l’université.

Enfin « Apprentissage sans frontières » donne la possibilité à nos apprentis de poursuivre leur mission dans la filiale locale d’une entreprise française tout en suivant les cours de Neoma en e-learning. J’ai toujours regretté que les étudiants d’école de commerce soient souvent contraints de choisir entre l’apprentissage et l’international : chez nous, ce n’est plus le cas !

O.R : Allez-vous avoir des campus en propre à l’étranger ?

D. M : Nous allons ouvrir à l’automne prochain un campus commun avec l’Université de Nankai, une des meilleures de Chine, située à 100 km de Pékin. Il s’agit pour nous d’y recruter des étudiants chinois ayant un très bon niveau au Gao Kao, le bac chinois. Et notre diplôme est reconnu par l’Etat chinois. Ensuite, certains étudiants français pourront y aller en échange mais ce n’est pas notre objectif essentiel. Nous avons également avec l’Université de Nankai un centre de recherche joint comprenant des professeurs chinois et français.

O.R : Votre plan de développement immobilier en France est également tout à fait remarquable. Avec notamment un tout nouveau campus à Paris.

D. M : Nous venons de signer l’achat de l’immeuble que nous allons occuper dans le 13ème arrondissement (arrondissement où s’implante également l’Université de Chicago). Nous quitterons nos locaux actuels, près de Saint-Lazare, en 2021 pour nous installer dans un bâtiment de 6500 m2. Un investissement de 80 millions d’euros pour accueillir 1300 étudiants. Nous allons y ouvrir de nouveaux Mastères Spécialisés, de nouveaux MSc à destination des étudiants internationaux, mais aussi les premières années de nos bachelors. Les programmes postbac ont en effet un public plus local. Nous dispenserons donc la première année de notre Global BBA à Paris, en plus de Reims et Rouen, avant une deuxième année qui s’effectue à l’international et les deux dernières années sur nos deux campus principaux. Même logique pour les programmes TEMA et CESEM. Notre programme Grande école restera, lui, dispensé uniquement à Reims et Rouen.

  • Un petit bilan d’étape. Côté candidatures les deux écoles d’Ecricome se maintiennent dans les intentions des élèves de classes préparatoires quand les deux bachelors du concours Sesame progressent de 18% (Cesem) et de 55% pour le Global BBA. Côté immobilier c’est en septembre 2021 que l’école déménagera à Paris dans le 13ème arrondissement pour y recevoir 1500 étudiants. « C’est l’occasion pour nous de réfléchir à ce que sera une école de management dans dix ou vingt ans en aménagent les locaux différemment pour la formation initiale et la formation continue », établit Delphine Manceau. Enfin côté gouvernance les dirigeants de grandes business comme Japhet Law (Chinese University of Hong Kong) ou Jaime Gomez (University of San Diego) schools ont rejoint l’advisory board de Neoma BS. « Le parti pris de l’école de fonder son développement sur l’immersion des étudiants dans des business schools partenaires demande des relations de pair à pair constamment renouvelées pour envoyer et recevoir des étudiants sans échanges monétaires », explique Céline Davesne, directrice adjointe de l’école, fière d’enrichir cette année son réseau partenaire de 30 nouvelles institutions, toutes accréditées, comme les prestigieuses Berkeley et IE à Madrid, Javier en Inde, l’Auckland University of Technology en Nouvelle-Zélande ou encore trois nouveaux partenaires en Corée du Sud.

 

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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