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L’enseignement supérieur français à la conquête du monde

L’EM Normandie vient d’inaugurer son campus à Dubaï, TBS Education un nouveau campus à Barcelone où elle a doublé ses capacités, le réseau d’écoles d’ingénieurs Icam s’implante dans le monde entier, emlyon s’étend en Inde, après la crise Covid l’enseignement supérieur français repart à la conquête du monde. « Nous avons le projet d’implanter un campus sur chaque continent dans une ville monde portuaire », définit le directeur général de l’EM Normandie, Elian Pilvin, qui a inauguré la semaine dernière à Dubaï son troisième campus international, après Oxford et Dublin, et s’apprête à en ouvrir d’autres au Vietnam puis « aux Amériques ».

La carte de l’implantation des établissements supérieurs français dans le monde qu’avait publié Campus France en 2016

 

S’implanter à Dubaï : pas si facile ! « Dubaï se veut à terme une place forte de l’enseignement et est déjà une place forte de l’innovation. Nous exposons ainsi nos étudiants à des contextes d’apprentissage au cœur d’une ville du futur », détaille Elian Pilvin. « C’est une opportunité de faire venir le système d’enseignement supérieur dans les Émirats alors qu’un quart des habitants du Golfe persique ont moins de 15 ans aujourd’hui », confirme Amnar Al Malik, le directeur général du cluster éducatif de Tecom Group, l’entreprise qui gère la « Knowledge Zone », l’une des deux zones de Dubaï dans lesquelles les établissements d’enseignement supérieur peuvent s’implanter, comme les zones dédiées à l’innovation ou à Internet toutes proches.

S’implanter à Dubaï a été tout sauf une promenade de santé pour l’EM Normandie (lire l’article L‘EM Normandie débarque à Dubaï). Les autorités des Emirats ont été en effet passablement échaudées par des universités, essentiellement anglo-saxonnes, qui s’y sont installées sans y délivrer leurs diplômes reconnus à l’international mais de simples certificats. Résultat : beaucoup d’étudiants se sont retrouvés avec un diplôme qui n’était reconnu nulle part. Aujourd’hui les règles sont très strictes et imposent aux établissements des conditions drastiques pour être accrédités. « Notre première intention était de racheter une école mais les autorités des Emirats nous ont demandé de nous installer sous notre marque et avec nos formation », explique Elian Pilvin dont l’école se présente comme l’EM Normandie dans les Emirats plutôt qu’uniquement à Dubaï car elle envisage la création d’autres campus, par exemple à Abu Dhabi.

Selon l’étude Global Geographies of Offshore Campuses publiée en 2020 Dubaï est la ville qui « importe » le plus de campus internationaux et Paris se distingue comme la ville dont les établissements d’enseignement supérieur exportent de loin le plus de campus.

Créer des hubs internationaux. A Dubaï si ce sont aujourd’hui 60 étudiants du programme Grande école de l’EM Normandie qui sont sur le campus, à l’horizon 2026 seulement un tiers des 700 qui sont attendus seront en mobilité de l’école. L’essentiel du développement se fondera sur des étudiants locaux ou internationaux auxquels tous les cours sont délivrés en anglais. « Ce campus doit être un centre de revenus, pas seulement de coûts comme d’autres campus », se projette le directeur qui explique encore : « Notre objectif est d’être un campus multi-entrées avec la possibilité de se spécialiser partout dans le monde. »

En cela l’EM Normandie rejoint le modèle qu’entendent aujourd’hui développer de plus en plus d’écoles. Pour Skema la pandémie a précipité le mouvement : « En Chine, SKEMA est à 100% chinoise et, pour l’instant, reçoit à 100% des étudiants chinois. Dès la réouverture des frontières chinoises, nous y renverrons des étudiants du monde entier, et ce, afin d’assurer la mixité dans ce programme international » explique ainsi Patrice Houdayer, le vice dean de Skema, dont l’école a lancé en 2020 un nouveau BBA, reconnu par le Ministère de l’Education chinois et dont le recrutement est totalement local.

Seule ou avec un partenaire local ? Si l’EM Normandie se développe en propre à Dubaï, la plupart des implantations de campus se font avec des partenaires locaux. Ou des réseaux d’universités comme en témoigne le directeur général délégué de l’Icam, Alexandre Dufer : « Nous avons une proximité historique forte avec des universités jésuites qui font appel à nous pour développer des formations d’ingénieur locales. Nous regardons ensuite ensemble si nous avons la même vision et la capacité à intégrer des formations qui s’intègrent dans le modèle économique local ». Pour sceller ces partenariats dans la durée, l’Icam accueille tous ses partenaires au sein de son conseil d’administration.

Chez Audencia on pense également « qu’il est préférable de partager des expertises avec des partenaires que de tout développer par soi-même » relève le directeur général d’Audencia, Christophe Germain qui « au Brésil se développe comme à Shenzhen en conjuguant la force d’un acteur local bien implanté et d’une école triplement accréditée ». Sur le modèle de ce qu’elle a déjà développé en Chine à Shenzhen, avec SABS (Shenzhen Audencia Business School), Audencia vient ainsi de s’implanter au Brésil, à São Paulo, avec la FECAP (Fundação Escola de Comércio Álvares Penteado).

Mais un autre modèle est possible : celui de la franchise. Sur ce modèle l’école de mode Esmod est présente dans 13 pays, dont Dubaï. Dans l’hôtellerie Vatel possède 55 campus dont plus de 30 pays (lire sa page sur « Devenez franchisé Vatel »). Même développement du côté du Collège de Paris comme l’explique son président et co-fondateur, Olivier de Lagarde : « Nous avons aujourd’hui 35 écoles dans le monde de Dubaï à la Tunisie en passant par l’Amérique latine ou Hong Kong. C’est un système de quasi franchise avec des écoles qui préparent à nos diplômes. L’idée est de délocaliser nos formations dans des pays émergents qui ont une tradition de formation très académique et auxquels nous apportons un autre type de formation ».

Cap sur l’Afrique. Si le développement des campus français a lieu partout dans le monde c’est en Afrique – et notamment dans les pays francophones -, qu’il est le plus spectaculaire. Après Pointe-Noire au Congo, Douala au Cameroun et Kinshasa en RDC, l’Icam procède aujourd’hui à des études de faisabilité pour des installations à Abidjan, en Côte d’Ivoire, et Nairobi au Kenya. Les besoins de formation sont immenses comme l’explique Philippe Choquet, le directeur d’UniLasalle : « Un exemple : en Ethiopie seulement 2% d’une classe d’âge accède aujourd’hui à l’enseignement supérieur et le challenge est de passer à 10 % – on est aujourd’hui à 20 % en Chine – alors que l’Etat n’en a pas les moyens ».

Directeur de l’EPF, président le groupe de travail Afrique de la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieur (Cdefi) et de la commission Afrique de Campus France, Jean-Michel Nicolle le confirme : « Les Etats africains consacrent une part importante de leur budget à l’éducation, très souvent supérieure à 25%. Mais malgré cela, les infrastructures restent insuffisantes et n’anticipent pas une démographie forte. De plus, la capacité de financement des études pour l’étudiant est évaluée à 2500 ou 3000€ par an ».

C’est là que des réseaux comme UniLaSalle interviennent. « Première ONG mondiale d’éducation, UniLaSalle est présente dans 82 pays et possède des universités dans une trentaine. Elle ouvre une université chaque semestre dans les pays émergents. comme en Amérique latine. Nous sommes pour notre part impliqués dans des projets aux Philippines comme au Cameroun », détaille le directeur.

Formation initiale ou Executive ? A Dubaï l’EM Normandie n’est pas la première école de management à s’implanter. Mais la première à y délivrer des formations initiales. Si, sur le modèle d’HEC au Qatar, ESCP a ouvert en 2022 une antenne à Dubaï au sein du Dubai International Financial Centre, c’est pour y délivrer un MSc. Son Master of Science in Big Data and Business Analytics est dispensé à 250 cadres et dirigeants des Emirats arabes unis et intégralement financé par des bourses d’excellence du groupe familial Al Rostamani.

Même volonté de développer des formations executive du côté de l’université Paris 2 Panthéon-Assas dont l’École internationale de droit / Sorbonne-Assas International Law School a ouvert en 2012 à Singapour. « Elle est le fruit de la rencontre de deux idées. Celle du gouvernement de Singapour qui était à la recherche d’une université continentale non anglo-saxonne pour enseigner le droit civil, et pas seulement le droit anglo-saxon comme jusque-là », détaille son président, Stéphane Braconnier, dont l’université reçoit là-bas des étudiants du monde entier qui viennent surtout apprendre le droit international des affaires pour commercer avec l’Europe : « Développer ces antennes est très important pour nous, même si le droit ne s’exporte pas très facilement. Mais dans un contexte de mondialisation c’est absolument indispensable sur le plan du rayonnement et très vertueux sur le plan académique ».

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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