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Les Grandes écoles au défi de l’international

La  table ronde consacrée à l’international du congrès anniversaire de la Conférence des Grandes écoles (CGE) les 13 et 14 mars 2023

La dernière table ronde du congrès anniversaire de la CGE portait sur la façon dont le modèle des Grandes écoles françaises se projetait à l’international. « La diversité d’établissements n’existe pas qu’en France. Pour faire comprendre le modèle nous pouvons repartir de l’histoire des Grandes écoles et évoquer ses alumni. Pour autant nous ne devons pas opérer de distinction forte entre universités et écoles », établit en amont du débat Thomas Froehlicher, vice-président de la CGE en charge de l’international et directeur général de Rennes SB, l’école certainement la plus internationale en France avec près de 95% de professeurs internationaux. « Le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères soutient l’enseignement supérieur à l’international. Notamment en Afrique avec le campus franco-sénégalais ou l’université française d’Égypte au Caire », souligne Laurent Toulouse, sous-directeur de l’enseignement supérieur et de la recherche du MEAE, qui insiste sur la « nécessité d’aller chercher de nouveaux publics, notamment en Asie alors que nous sommes passés de la 3ème à la 7ème place en termes d’accueil des étudiants internationaux ».

Le modèle Sciences Po. Si un établissement a réussi en 20 ans à se faire une « place au soleil » dans l’enseignement supérieur mondial c’est bien Sciences Po qui compte aujourd’hui 50% d’étudiants internationaux. « Les partenariats ont été le premier pilier de notre stratégie de développement international Po. Nous avons d’abord été reconnus par des alter ego qui avaient une notoriété internationale indiscutable. Avec des doubles diplômes, comme celui que nous avons passé avec Columbia, nous avons pu montrer qu’une grande institution reconnaissait nos diplômes », explique Vanessa Scherrer, la directrice des relations internationales de Sciences Po, qui insiste : « L’international a été au cœur de la transformation de l’institution. Aujourd’hui l’international est un pilier de l’identité et un des points d’attractivité parmi les plus importants de Sciences Po ».

S’appuyer sur la recherche. Conseillère pour la science et la technologie à l’ambassade de France à Londres mais aussi ancienne vice-présidente relations internationales de PSL et déléguée internationale du CNRS, Minh Ha Pham met quant à elle en avant l’apport de la recherche : « Quand on veut attirer des internationaux, ce n’est pas que la qualité de la formation qui compte, le levier de la recherche est mieux compris, notamment parce qu’il est objectivé. On ne le met pas toujours bien en valeur car il y a une ségrégation entre formation et recherche. Les établissements intensifs de recherche jouent un rôle particulier à l’international ». Minh Ha Pham plaide aussi pour une approche pragmatique : « Les Français ont tendance à vouloir des accords signés avant de rentrer dans l’opérationnel, c’est moins le cas des anglo-saxons dont la prise de décision est moins centralisée. Les mobilités courtes (summer schools, stages de recherche de 2-3 mois) sont plus attractives pour les anglo-saxons car c’est un manque à gagner pour leur établissement (en termes de financement et de ressources humaines pour la recherche) de perdre les étudiants sur des durées plus longues ».

Comment attirer des étudiants américains? Si la France a vu son rang fortement baisser dans l’accueil des étudiants internationaux elle n’en continue pas moins à attirer les étudiants américains comme en atteste Alfred Galichon, directeur général de la New York University à Paris qui est membre de la CGE : « Les universités américaines font une concurrence à qui offrira les meilleures conditions pour voyager à l’étranger. Elles s’attachent à offrir une expérience à leurs étudiants. Les études aux EU sont chères : les étudiants américains ne peuvent pas se permettre d’avoir un semestre à rattraper et de prolonger leurs études. NYU permet de passer un semestre à Paris et un quinzaine d’autres sites (Florence, Accra, Berlin, Tel Aviv…) ». Et ça marche : l’université de Chicago construit même un tout nouveau bâtiment dans le 13ème arrondissement de Paris.

Sciences Po a justement inauguré un superbe campus l’année dernière en plein centre de Paris. « Le nouveau campus c’est aussi un moyen d’attirer des professeurs. La stratégie urbaine des Grandes écoles est centrale pour leur attractivité. Et Paris attire particulièrement », confie encore Vanessa Scherrer quand Thomas Froehlicher rappelle qu’en « France, la plupart du temps, les déplacements sont très rapides. Ce n’est pas du tout un handicap d’être à Rennes ou ailleurs vu de l’international ».

Se déplacer oui mais attention à l’environnement. Reste la question des déplacements que génère l’internationalisation des business schools. « L’attention nécessaire à la sobriété énergétique ne doit pas se faire aux dépend de l’internationalisation et du dialogue. Les universités sont souvent les derniers liens qui unissent des pays en crise. Il ne faut pas opposer nécessité de préserver l’environnement et nécessité de préserver la paix », stipule Vanessa Scherrer.

Le chemin qui reste à parcourir… En conclusion d’un débat dans lequel Éric Cornuel, le président de l’EFMD, intervenait avec une vidéo enregistrée où il redisait toute sa « confiance dans le modèle des Grandes écoles » en insistant sur leur capacité à innover frugalement :- « Regardez ce que feraient des business schools américaines avec les mêmes moyens ! «  -, le président du Hcéres (Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur), Thierry Coulhon rappelait qu’en matière d’international il y « avait encore beaucoup de chemin à faire même si beaucoup avait déjà été fait ». De son passage par une université australienne et à la présidence de PSL il garde le souvenir d’un « enseignement supérieur français pas assez reconnu » mais qui a su tirer parti des regroupements d’université : « En présentant PSL à l’international à New York j’ai bien vu l’intérêt de mes interlocuteurs grimper en flèche quand j’ai invoqué les noms des écoles membres, les Mines, l’ENS, Dauphine… autant de marques qu’ils connaissaient bien et étaient impressionnés de voir réunies ».

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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