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«L’IAE Aix-Marseille est une business school de petite taille délivrant des formations d’excellence»

C’est l’IAE (institut d’administration des entreprises) le plus renommé. L’IAE Aix-Marseille vient d’élire un nouveau directeur en la personne d’Antonin Ricard. Retour avec lui sur l’identité d’un IAE qui veut plus que jamais plonger dans ses racines pour démontrer sa singularité.

Olivier Rollot : Vous venez de prendre la direction de l’IAE Aix-Marseille dont vous étiez jusqu’ici l’un des professeurs. Qu’est-ce qui caractérise selon vous votre IAE ?

Antonin Ricard : Historiquement, je dirais notre capacité d’innovation. L’IAE Aix Marseille a été la première université publique de management à être créée en France, et cette position de pionnier a marqué notre ADN et notre développement jusqu’à aujourd’hui.

Notre autre caractéristique est l’excellence : premier IAE crée en France, en 1955, un an avant la création de Dauphine, l’IAE Aix-Marseille est aujourd’hui le seul à être accrédité Equis. Et il est également le seul à être classé par le Financial Times. De plus nous sommes une graduate school of management, c’est-à-dire que nous ne recrutons qu’au niveau master, absolument pas après le bac. C’est un modèle qu’on retrouve ailleurs en Europe, en Belgique à Vlerick business school ou par exemple ou au Royaume-Uni à la Strathclyde business school. L’IAE Aix-Marseille se place comme une business school de petite taille délivrant des formations d’excellence.

O. R : Vous ne recruterez donc jamais après le bac comme d’autres IAE le font ?

A. R : Ce n’est clairement pas dans notre stratégie. Nous voulons rester une pépite au sein d’Aix-Marseille Université (AMU). Etre partie intégrante d’AMU nous permet à la fois de participer à des appels d’offres d’envergure et de travailler de manière transdisciplinaire aussi bien avec la faculté de pharmacie que Polytech ou bien encore la faculté ALLSHS (sciences humaines et sociales), etc. Cette multidisciplinarité permet à nos étudiants de mieux se préparer aux défis à venir, en développement des compétences comme la flexibilité, l’analyse critique, etc.

O. R : On revient là aux bases des IAE : la double compétence ?

A. R : Ingénieur, juriste, scientifique, pharmacien ne se rendent souvent pas compte de l’impact qu’a eu sa formation sur sa manière d’analyser une situation et de décider. Par exemple, des étudiants en lettres ou SHS ont une bien plus grande conscience des biais décisionnels que les ingénieurs. Il faut apprendre à travailler avec d’autres profils. C’est souvent difficile, il faut se remettre en cause et faire preuve d’empathie, mais cela permet d’aller plus loin.

O. R : Quels diplômes faut-il mieux posséder pour intégrer l’IAE Aix-Marseille en formation initiale ?

A. R : La grande majorité de nos étudiants intègre l’IAE après un bac+3, quelques-uns, titulaires d’un diplôme de niveau bac+5 rejoignent le programme Management Général pour acquérir une double compétence. Dans nos MSc nous cherchons de la diversité en recrutant les meilleurs éléments provenant d’IUT et d’autres formations comme les sciences, le droit etc. Notre recrutement est très diversifié. Un étudiant titulaire d’une licence de biologie peut tout à fait intégrer un master de l’IAE : avec une mise à niveau, nous faisons en sorte que tous nos étudiants aient un socle commun en première année de master.

O. R : Comment s’effectue la sélection ?

A. R : La sélection s’effectue sur dossier et sur entretien. L’analyse du dossier est très complète : nous demandons bien sûr les tests en management (soit le IAE Message, soit le Tage-Mage) et en anglais (Toefl, Toeic, Bulats, etc.), puis nous regardons les notes des années précédentes, les lettres de recommandation des entreprises et des professeurs, les lettres de motivation, le CV avant enfin de faire passer un entretien de motivation classique de 20 minutes. Le candidat doit alors montrer son intérêt pour l’IAE et son alignement avec nos valeurs. En bout de course, nous recrutons de l’ordre de 220 étudiants par an en master 1.

O. R : L’IAE Aix-Marseille délivre également beaucoup de programmes en formation continue ?

A. R : Des professionnels ayant acquis des compétences par l’expérience peuvent par exemple venir passer chez nous le BAMO, Bachelor Management opérationnel, qui correspond à un bac + 3. De même notre master Management général propose un track spécial pour les étudiants formation continue. Et bien sûr notre Executive MBA, qui forme les cadres dirigeants des grandes entreprises internationales.

O. R : A l’international comment l’IAE Aix-Marseille se développe-t-il ?

A. R : L’international est un levier qui nous permet de confronter nos étudiants à de la diversité. Par exemple, en formation continue nous accueillons des étudiants du Centre franco-vietnamien de formation à la gestion dans notre Executive MBA. Nous avons tissé un réseau d’environ 60 universités partenaires qui accueillent chaque année nos étudiants. C’est également un moyen qui nous permet d’exposer notre modèle pédagogique à des partenaires. Nous avons de nombreuses spécificités qui attirent les regards, comme l’université libanaise qui souhaite que nous les accompagnions pour répliquer nos programmes phares chez eux.

O. R : On imagine bien qu’être accrédité Equis ouvre bien des portes à l’international. Pensez-vous un jour postuler également à l’AACSB (Association to Advance Collegiate Schools of Business) ?

A. R : Posséder l’accréditation Equis – depuis 1999 ! -, est impératif pour conclure des accords et avoir une bonne visibilité internationale. Nous l’avons obtenu pour la durée maximum de cinq ans et c’est déjà un très important accomplissement. Nous n’avons pas décidé de postuler à l’AACSB car c’est davantage un standard qui valide un bon fonctionnement, qu’un moteur de développement. De plus Equis est plus exigeante et requiert de la part des écoles des améliorations constantes qui poussent les écoles à avancer, à avoir une vision stratégique.

O. R : Vous venez d’être élu par votre conseil d’institut puis nommé par l’AMU à la direction de l’IAE. Quel programme entendez-vous y mener ?

A. R : Mon programme reposait sur trois points principaux. D’abord renforcer la cohésion et la qualité de vie au travail. Aujourd’hui, il est important de pouvoir offrir un cadre de travail agréable pour attirer des talents. C’est également un pré requis pour renforcer l’innovation en interne qui a marqué le développement de l’IAE depuis sa création !

Nous devons continuer à innover comme nous l’avons fait dans l’entrepreneuriat depuis 2017 avec notre programme icube. Pendant un week-end, au début de leur première année, quel que soit le programme, tous nos étudiants travaillent avec des alumni sur des projets de création d’entreprise. Depuis, nous sommes allés plus loin en créant un laboratoire dédié et un modèle pédagogique fondé sur l’entrepreneuriat. Nous proposons un ensemble de modules qui nous permettent de rendre les étudiants acteurs de leur formation. De plus, nous mobilisons les projets entrepreneuriaux pour illustrer d’autres cours et impliquer davantage les étudiants dans leur formation.

Ce dispositif développe l’intelligence situationnelle de nos étudiants. Il existe plusieurs formes d’intelligences, celle-ci facilite la mobilisation des connaissances en fonction d’une situation vécue. Cela ne sert à rien de posséder des connaissances si on ne sait pas les utiliser dans toutes les circonstances.

Ensuite nos étudiants peuvent suivre un track icube qui vise à développer l’entrepreneur et son projet en travaillant, entre autres, sur leur posture entrepreneuriale. Ce track connecte nos anciens aux porteurs de projet. Il rencontre un vif succès auprès de nos étudiants qui se sentent bien accompagnés et auprès de nos anciens qui prennent « un bol d’air frais ».

Le troisième point concerne le renforcement du projet humanistic leadership. Nous avons développé depuis 2018 un projet qui vise à former des leaders humanistes. Aujourd’hui, nous souhaitons aller plus loin en renforçant l’insertion de nos étudiants dans des associations caritatives. Les étudiants recherchent de plus en plus de sens au travail, et nous sommes persuadés que ce projet colle à leurs attentes.

O. R : Ces actions innovantes sont également liées à votre recherche ?

A. R : Oui, tout à fait. Nous souhaitons aligner la recherche et la pédagogie pour maximiser notre impact. Nous avons donc adossé nos actions innovantes à des chaires de recherche. Nous avons par exemple une chaire « Légitimité entrepreneuriale » et une autre « Humanistic Leadership » avec Best Place to Work. La première chaire nous permet de mieux comprendre les leviers que les étudiants doivent actionner pour gagner en légitimité, et la seconde étudie la conséquence de la diversité sur les managers.

 

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

1 Comment

  1. Grosse erreur factuelle : Dauphine n’a pas été créée un an après l’IAE, lui-même créé en 1955, mais 13 ans après en 1968.

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