ACCRÉDITATIONS / LABELS, ECOLES DE MANAGEMENT

«Nous avons besoin d’un soutien plus affirmé de l’université»: entretien avec Patrick Rousseau, directeur de l’IAE d’Aix

L’institut d’administration des entreprises (IAE) d’Aix-en-Provence occupe une place toute particulière au sein du réseau des IAE : seul accrédité Equis, le nec plus ultra des accréditations internationales des business schools, il a été à la base du développement des IAE en France. Aujourd’hui si le modèle séduit toujours les moyens ne sont pas forcément à la hauteur des enjeux explique Patrick Rousseau, son directeur.

Olivier Rollot : Vous venez d’être réaccrédité Equis mais pas pour la durée maximum. Pourquoi ?

Patrick Rousseau: L’organisme EFMD, qui remet le label Equis, a considéré qu’étant engagés dans la fusion générale des universités d’Aix-Marseille nous risquions une modification de nos tutelles et a donc préféré nous réaccréditer seulement pour 3 ans. La très grande université que nous intégrons n’a en effet pas encore tout à fait établi sa future organisation, ni défini comment nous pouvons nous développer en son sein. Par ailleurs l’enseignement de la gestion évolue et les critères d’accréditations deviennent de plus en plus exigeants. Nous devons constamment montrer en quoi nous évoluons aussi.

O. R : Votre université de tutelle ne vous donne pas les moyens de conserver ce niveau d’excellence ?

P. R : D’un côté l’université nous dit « vous développez vos propres revenus », de l’autre les entreprises nous rappellent que nous sommes financés par l’État. Et, quel que soit le niveau d’excellence auquel nous sommes et que reconnaît le Financial Times dans un classement qui fait la part belle à l’insertion professionnelle et aux revenus des diplômés, nous ne représentons que 900 étudiants dans une université qui en compte 71000. Nous avons un esprit pionnier certain mais des moyens tout à fait limités dans une université qui a de multiples priorités.

Aujourd’hui, hors la masse salariale des titulaires, toutes nos ressources sont issues de nos propres activités. Or nous devons répondre aux exigences toujours plus fortes de nos étudiants, et notamment ceux en formation continue. Notre problème c’est d’investir dans un environnement pédagogique de très grande qualité. Nous avons besoin d’un soutien plus affirmé de l’université et des collectivités sachant que nous avons la reconnaissance des entreprises.

O. R : L’autonomie des universités signifie-t-elle finalement moins d’autonomie pour vous ?

P. R : On constate une perte d’autonomie depuis que les universités sont devenues plus centralisatrices avec une administration plus prégnante. L’université dit qu’il n’y a pas de raison que nous soyons différents des autres. Or nous travaillons dans une logique concurrentielle au niveau international avec les business schools qui demande une réactivité antinomique avec une vision trop contingente de la complexité des procédures.

O. R : On le sait vous êtes le fer de lance du réseau des IAE. Rappelez-nous les spécificités d’un IAE qui est classé à la 63ème place des meilleures business schools européennes par le Financial Times en 2012.

P. R : Notre modèle de master double-compétences, créé il y a 55 ans pour former des ingénieurs au management, vient tout droit des États-Unis. Les IAE sont déjà en soi un modèle hétérodoxe dans le système de l’enseignement du management à l’université, à mi-chemin avec celui des écoles de commerce.

L’IAE Aix est beaucoup plus international que les autres IAE, qu’il s’agisse des partenariats, du bilinguisme, de ses enseignants ou de ses participants qui représentent 55 nationalités. Notre logique d’insertion professionnelle est également un axe fort, au cœur de nos préoccupations, avec une réussite reconnue. Au total nous ne sommes ni tout à fait une école de commerce ni tout à fait une université traditionnelle et, quand on n’est pas dans un clan, on risque la marginalisation.

O. R : Qu’est-ce qui pousse un étudiant à choisir plutôt votre IAE que votre voisine marseillaise Euromed par exemple ?

P. R : Il y a une logique très sociale dans le système universitaire qui n’est pas forcément celle des grandes écoles privées. Nous essayons donc de fournir une qualité de prestation au même niveau que ces grandes écoles pour un coût beaucoup plus modeste. Pour autant, nos étudiants payent leur MBA au prix du marché et un certain nombre de nos programmes sont payants.

O. R : La formation continue est traditionnellement l’une des ressources privilégiées des IAE. Qu’en est-il aujourd’hui ?

 P. R : Le marché est très difficile, notamment avec la concurrence d’institutions renommées. Nous n’avons pas les moyens de promotion et la flexibilité pour répondre à toutes les demandes. Les financements de la formation continue se raréfient avec une quasi disparition des investissements par les instances publiques pour les niveaux de formation que nous proposons. Au total notre budget vient pour un tiers de la formation initiale, un tiers de la formation continue et un tiers des taxes d’apprentissage.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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