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« Nous continuerons à faire venir le monde à Rennes plutôt qu’emmener Rennes dans le monde »: Olivier Aptel

Longtemps on l’a présentée comme la « petite école qui monte ». Forte aujourd’hui de ses trois grandes accréditations internationales (AACSB, Equis, Amba), l’ESC Rennes School of Business attire aujourd’hui des élèves de très bonnes prépas séduits notamment par sa dimension internationale. Son directeur, Olivier Aptel, explique son modèle.

Olivier Aptel au milieu de ses étudiants
Olivier Aptel au milieu de ses étudiants

Olivier Rollot : L’ESC Rennes School of Business vient de vivre cinq années de croissance remarquables. Quel bilan en tirez-vous ?

Olivier Aptel : L’ESC Rennes School of Business présente un modèle singulier et assez rare dans les grandes écoles de management d’être dans une situation d’autonomie financière tout en ayant été validée par les trois grands organismes d’accréditation (AACSB, Equis, Amba) ces cinq dernières années.

O. R : Votre modèle est fondé sur l’internationalisation des cursus mais sans pour autant ouvrir des campus partout dans le monde.

O. A : Oui et nous continuerons à faire venir le monde à Rennes plutôt qu’emmener Rennes dans le monde. Aujourd’hui la moitié de nos 4000 étudiants et pas loin de 90% de nos professeurs sont étrangers. Dès le premier jour passé dans l’école on se trouve totalement immergé dans un univers international. Pour attirer ces étudiants internationaux et mieux former les français, tous nos cours sont en anglais à partir de la deuxième année.

O. R : Comme dans toutes les écoles de management un séjour académique de six mois à l’étranger est obligatoire. Est-il gratuit et comment sélectionnez-vous les étudiants entre les différentes destinations proposées ?

O. A : Le séjour obligatoire d’un semestre est totalement gratuit pour les étudiants quelle que soit leur destination. C’est possible grâce à l’ouverture de places en réciprocité dans les différentes universités d’où viennent nos étudiants étrangers.

Pour ce qui est de la sélection c’est le positionnement académique des étudiants qui leur ouvre le droit de se rendre ou pas dans l’université qu’ils désirent. Mais tous les étudiants ne rêvent pas forcément de se rendre aux Etats-Unis. De plus en plus ils veulent également se rendre en Asie ou en Europe.

O. R : Au final combien de temps vos étudiants passent-ils à l’étranger ?

O. A : En moyenne deux semestres. Jusqu’à trois semestres avec le parcours « trois zones ». Nous leur proposons également 21 accords de double diplôme avec des universités du monde entier.

O. R : Le pourcentage d’étudiants étrangers est-il également important au sein du programme grande école ?

O. A : Ils sont 40% notamment grâce à la 3ème année de spécialisation où les étudiants étrangers de nos MSc rejoignent les autres étudiants. Le projet de l’ESC Rennes School of Business c’est de faire venir le monde à l’école pour proposer aux étudiants de se préparer à travailler dans n’importe quel contexte culturel en France ou à l’étranger. Les entreprises viennent chercher chez nos diplômés ce « supplément d’âme ». Un tiers de nos promotions part d’ailleurs travailler à l’étranger une fois diplômés.

O. R : Ce caractère international c’est ce que viennent chercher chez vous les étudiants aujourd’hui ?

O. A : Les étudiants qui viennent passer les oraux chez nous savent que nous ne sommes pas une école purement généraliste sans aspérité. Rennes ne serait pas forcément en soi assez attractif pour attirer autant d’étudiants étrangers s’ils ne savaient pas qu’ils n’auraient pas à parler un mot de français pour y venir. Nous n’avons pas besoin de développer des campus à l’étranger puisque notre campus est déjà étranger !

O. R : Votre autre spécificité est d’être totalement autonome. Vous avez les moyens de vous développer ?

O. A : Notre école bénéficie d’une autonomie financière totale qui nous permet de ne pas être sujet à des débats sur l’affectation de subventions. Nous finalisons aujourd’hui la construction d’un quatrième campus à Rennes près des trois autres. Toujours sans aucune subvention publique. Tout cela nous permet de regarder l’avenir avec sérénité avec la volonté de continuer à développer ce modèle singulier.

O. R : Jusqu’où peut vous amener votre croissance en termes d’effectif étudiant ?

O. A : Nous en sommes à 4000 et nous ne voulons pas dépasser les 5000. Au-delà on entre dans un enseignement de masse où il devient plus difficile de faire épanouir les potentiels. Par ailleurs nous continuons à recruter des professeurs et 10 nouveaux nous rejoindrons en septembre.

O. R : Nous sommes en plein dans la période des concours et vous avez changé cette année de banque d’épreuves écrites. Pourquoi ?

O. A : Nous sommes effectivement passés de la banque d’épreuves Iena à Elvi pour étendre notre assiette de recrutement car certains élèves ne souhaitent passer que cette dernière. De plus Elvi est plus exigeant en anglais et cela correspond au type d’élèves que nous souhaitons recruter.

O. R : Vous proposez également plus de places aux élèves de prépas. Vous ne risquez pas de dégrader votre barre d’admissibilité pour « faire le plein » ?

O. A : Nous montons de 280 à 290 place après avoir augmenté le nombre d’élèves de prépas que nous recevons de 150 en 5 ans ! Et ce en augmentant régulièrement a barre d’admissibilité. Nous y parvenons grâce à un cercle vertueux entre les accréditations et les classements.

O. R : Quelles questions posez-vous particulièrement lors des oraux et notamment ceux des élèves de prépas ?

O. A : Nous respectons la logique traditionnelle des classes prépas en interrogeant les candidats sur des questions de culture générale. On leur offre une tribune pour s’exprimer à partir de l’analyse d’un sujet d’actualité, de philosophie, etc. en lien avec une problématique contemporaine pour leur permettre de démontrer leurs capacités et à lier le réel avec leurs connaissances.

O. R : Vous n’avez jamais l’idée de faire passer ces entretiens en anglais ?

O. A : Non car il s’agit de pouvoir suivre des cours en anglais et les étudiants ont encore trois ans pour parvenir à un niveau d’accompagnement.

O. R : Les oraux des écoles de management sont autant une épreuve pour les candidats qu’un exercice de séduction pour les écoles. Comment les préparez-vous

O. A : Nous sommes face à un vivier qui n’est pas en expansion et avec lequel les écoles sont en compétition pour être les plus attractives possibles. Notre politique est d’abord de montrer les atouts internationaux de l’école en faisant participer à l’accueil des candidats nos étudiants chinois, russes, brésiliens, etc. C’est un signal fort pour des candidats. Certaines écoles  vont encore plus loin mais nous n’en sommes plus là. Nous sommes d’abord là pour défendre une excellence académique.

O. R : Les professeurs de prépas ont-ils toujours autant d’influence sur le choix de l’école de leurs élèves ?

O. A :Ils ont une forte influence. Nous avons par exemple rencontré l’année dernière le cas d’une étudiante, qui nous a finalement rejointe, sur laquelle ses professeurs ont exercé une forte pression pour qu’elle choisisse plutôt Audencia. Le système de classement des prépas, avec une sélection d’écoles dont nous ne faisons pas partie, favorise ce type de comportement. Heureusement les élèves choisissent par eux-mêmes d’abord mais l’inertie est très forte et il faut montrer toutes les perspectives pour percer.

Aujourd’hui nous pouvons venir nous présenter dans des grands lycées, comme Le Parc à Lyon, qui nous étaient fermés il y a cinq ans parce que certains de leurs élèves ont choisi de nous rejoindre. Il y a tout un travail de proximité à mener. Nous distribuons par exemple chaque année dans les classes prépas un petit livre consacré au sujet de culture générale de l’année rédigé par le professeur Frédéric Laupies. Et il se déplace également dans certaines classes pour donner des conférences.

O. R : Pour progresser dans ces deux dimensions il faut disposer de professeurs capables de publier dans les meilleures revues de recherche en gestion. Est-ce le cas ?

O. A : Aujourd’hui notre niveau de publications de recherche nous met au niveau de l’Edhec. La productivité de nos professeurs (calculée par le nombre de publications dans les meilleures revues, dites « étoilées ») est la plus forte de France. C’est un élément de développement important pour notre réputation internationale.

O. R : La recherche coûte cher aux écoles mais intéresse-t-elle vraiment les entreprises ?

O. A : La recherche peut être rentable pour une école comme elle l’est en finance pour l’Edhec. Mais il est vrai que les entreprises françaises ont encore beaucoup de mal à considérer la recherche produite par les écoles de management comme un élément de valeur utile à leur développement et à payer pour une recherche qui n’a pas un impact direct sur leur activité. La recherche reste un centre de coûts mais qui contribue à la réputation mondiale d’une institution et qui contribue à alimenter l’enseignement avec les derniers résultats de recherche. Les professeurs qui publient et lisent les revues sont en effet également des prescripteurs.

O. R : Dans quels domaines votre recherche est-elle particulièrement reconnue ?

O. A : Notre choix n’a jamais été d’être à la pointe dans tous les domaines mais plutôt de nous concentrer sur trois qui sont le management de l’innovation, le supply chain management et la responsabilité sociale de l’entreprise. Ce qui n’empêche que nous ayons également des professeurs de finance qui publient dans de très belles revues.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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