CLASSES PREPAS, ECOLE D’INGÉNIEURS

« Nous pouvons nous féliciter de l’essor de la nouvelle filière MPI » : Denis Choimet, président de l’UPS

Les classes préparatoires s’interrogent sur leur avenir. Les classes préparatoires scientifiques s’inquiètent en particulier d’une réforme du bac qui a restreint le réservoir d’élèves formés aux mathématiques. L’analyse du président de l’UPS, Denis Choimet.

Olivier Rollot : Quel bilan faites-vous de la rentrée 2022 dans les classes préparatoires scientifiques ?

Denis Choimet : Il est trop tôt pour que nous ayons des chiffres définitifs. Il faudra attendre janvier 2023. Ce dont nous pouvons nous féliciter c’est de l’essor de la nouvelle filière MPI (mathématiques, physique et informatique) qui compte déjà 1000 étudiants deux ans après son lancement avec 28 classes ouvertes sur tout le territoire. Cette filière répond à une forte demande de lycéens très intéressés par l’informatique mais qui pouvaient juger l’offre des CPGE insuffisante dans cette discipline en plein essor. Demeurant pour autant polyvalente, elle permettra aux étudiants ayant choisi cette filière d’accéder à un très grand nombre d’écoles d’ingénieurs. Par exemple 122 places seront proposées aux candidats MPI au concours Centrale-Supélec, au moins 75 aux concours Mines-Ponts, plus de 200 au CCINP.

Cette nouvelle filière répond également à la montée en puissance de la spécialité Numérique et sciences informatiques (NSI) du bac, et à la nécessiter d’accueillir en CPGE les nouveaux profils maths/NSI issus de la réforme de 2019.

 O. R : Vous n’êtes pas inquiet sur l’avenir des classes préparatoires après une réforme du bac qui a profondément transformé l’intérêt des bacheliers pour les mathématiques ?

D. C : Nous avons quelques inquiétudes après une longue période de stabilité. La réforme a effectivement affaibli le vivier des élèves faisant plus de 3 heures de mathématiques par semaine : nous sommes passés de 330 000 élèves (Bac S + ES) à environ 205 000 (spécialité maths + option maths complémentaires). La « communauté mathématique » a vigoureusement réagi face à cet affaiblissement qui impacte de plus essentiellement les filles. Cela dit, il n’est pas aisé d’identifier, au sein de la population des élèves de terminale, le véritable vivier des CPGE scientifiques.

Nous ne sommes pas à proprement parler inquiets mais vigilants quant à l’évolution des effectifs dans certaines filières de classes préparatoires. Les prépas PTSI ont été fragilisées par la réforme du bac qui oblige à l’abandon de la troisième spécialité en terminale : la spécialité SI (Sciences de l’ingénieur) en a sévèrement pâti.

Un autre point d’inquiétude concerne les classes préparatoires technologiques, qui accueillent des bacheliers STI2D et STL. Elles sont touchées par la baisse des effectifs du lycée technologique, mais peut-être plus encore par l’instauration de quotas de bacheliers technologiques dans les IUT. Nous sommes très attachés à cette belle filière, qui permet de proposer de brillantes trajectoires de réussite à des lycéens ayant choisi plus ou moins volontairement leur orientation pré-bac.

O. R : La montée en puissance des bachelors vous inquiète-t-elle ?

D. C : Les bachelors sont des formations en 3 ans dont le positionnement est assez différent de celui des classes préparatoires : ce sont des formations techniques destinées à former des diplômés immédiatement opérationnels, alors que le cursus prépa/grande école est conçu aller beaucoup plus loin. Il importe de bien informer les lycéens des spécificités de chaque parcours afin qu’ils puissent faire des choix éclairés.

O. R : Pourtant cette réforme du bac avait plutôt été bien accueillie en son temps ?

D. C : Les nouveaux programmes de mathématiques et de physique de première et de terminale sont d’excellente qualité. Exigeants, mais formateurs, ils ont apporté une réconciliation entre mathématiques et physique très bienvenue et qui donne une idée fidèle de la pratique scientifique. Nous en attendions une réelle plus-value, qui ne s’est finalement pas manifestée. Mais il est aussi vrai que la crise sanitaire est passée par là et que les élèves ont perdu beaucoup d’heures de cours. Cette année, pour la première fois, les spécialités seront évaluées par un examen final dont les résultats seront intégrés à Parcoursup, ce qui est un apport très positif à la procédure de recrutement. Ces dernières années nous avons en effet assisté à un tassement massif des notes vers le haut (très souvent entre 18 et 20) dans les dossiers de candidature, ce qui a rendu la sélection de nos élèves très compliquée.

 O. R : La possibilité de passer enfin ces épreuves de spécialités va en quelque sorte relancer la réforme du bac ?

D. C : Nous déplorons seulement qu’elles aient lieu dès le mois de mars. Une fois passées, la motivation des élèves va forcément fléchir alors que des parties importantes du programme de mathématiques resteront à aborder, comme le calcul intégral. Nous appelons donc à une reconquête au moins partielle de ces trois derniers mois de l’année scolaire. Si la hiérarchie des vœux était rétablie dans les choix de Parcoursup il devrait y avoir moyen de gagner du temps. L’année de terminale ne devrait pas se terminer dès le mois de mars.

O. R : Vos élèves sont-ils tous prêts aujourd’hui à vivre toute l’expérience de la classe préparatoire ? Certains ne reculent-ils pas à l’idée d’affronter un concours ?

D. C : Le concours est une formidable occasion de dépassement. Supprimer les concours serait comme supprimer la compétition sportive tout en espérant conserver le même niveau. De plus la quasi-totalité de nos élèves intègre une école à l’issue des années en classes préparatoires. Les concours ne servent donc qu’à répartir nos élèves, ce qui permet de relativiser l’appréhension qu’ils peuvent susciter.

La classe préparatoire est ainsi un cursus sécurisé qui propose un suivi très fin de chaque élève avec un professeur pour chaque discipline. Nous avons par exemple la possibilité de recevoir très fréquemment nos élèves individuellement.

O. R : Qu’apporte in fine le passage par une classe préparatoire ?

D. C : La formation en classes préparatoires permet d’acquérir un socle scientifique pluridisciplinaire, mais aussi des compétences particulières développées grâce à une pratique intensive qui passe aussi bien par les travaux dirigés que par les devoirs sur table ou à la maison, ou encore par les interrogations orales. Nous apportons ainsi la solidité d’un bagage scientifique complet tout en donnant des méthodes efficaces. Nos élèves ont la capacité de traiter efficacement et rapidement un problème. Ils savent aller à l’essentiel. Ils sont persévérants.

C’est parfois une marche difficile à passer pour des élèves qui sortent de terminale. Le rôle des professeurs est alors de les rassurer, de leur dire qu’il est normal d’éprouver des difficultés au début d’une classe préparatoire. Le climat d’entraide entre les élèves permet de prendre confiance, même si l’on a été quelque peu désorienté au démarrage.

Finalement, nous formons des élèves polyvalents en mathématiques, physique, chimie, informatique selon une proportion qui varie selon les différentes filières. Ensuite tous ls élèves se retrouvent ensemble en grande école pour suivre le même cursus.

O. R : N’est-ce pas parfois un peu difficile de s’y retrouver parmi tous les concours ?

D. C : Du fait des regroupements, nos élèves passent au maximum quatre ou cinq concours. Certains un seul ! Nous sommes aussi là pour les conseiller, leur dire si c’est raisonnable ou pas pour eux de passer tel concours, et parfois de les inciter à prendre confiance pour postuler aux concours plus difficiles. Nous apprenons à les connaître assez vite puis nous parlons avec eux régulièrement pendant deux ans.

 O. R : Les écrits comme les oraux évaluent des connaissances. Quelles différences y a-t-il entre eux ?

D? C : Nous nous félicitons de l’existence de cinq semaines d’oraux disciplinaires qui permettent de démontrer ses capacités orales comme par exemple exposer une démarche, faire preuve d’initiative avec des sujets très courts, ne pas perdre ses moyens. Les écrits ont auparavant permis quant à eux de juger de la solidité des connaissances.

O. R : Travaillez-vous avec le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MESR) à la constitution d’un socle commun de compétences en écologie qu’appelle de ses vœux la ministre ?

D. C : Ce n’est pour le moment pas prévu.

 

 

 

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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