Évaporé dans le cloud ou condensé dans des appareils de plus en plus petits, le numérique semble épargné par les contraintes environnementales. Pourtant, avec l’essor du digital, son impact écologique est désormais préoccupant. Il représente ainsi près de 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre et la fabrication d’un smartphone nécessite pas moins de 60 métaux différents, dont une vingtaine à peine est recyclable ! Pour les organisations et notamment les établissements d’enseignement supérieur, le numérique responsable est désormais un pilier incontournable de toute politique RSE.
La bonne nouvelle est que les axes d’amélioration sont nombreux comme l’explique Sylvain Huguet, Directeur Watt’s green chez Econocom.
Les établissements d’enseignement supérieur ont-ils une responsabilité particulière vis-à-vis des enjeux environnementaux ?
Sylvain Huguet : En matière de développement durable, les écoles et les universités ont des responsabilités similaires à toute entreprise ou organisation. Elles doivent, dans la mesure de leurs moyens, contribuer à l’effort plus que jamais nécessaire pour préserver l’environnement. Mais elles ont sans doute encore plus de raisons d’agir car elles sont en contact direct avec les nouvelles générations. Les étudiants qu’elles accueillent aujourd’hui seront les responsables qui, demain, auront à gérer les conséquences du réchauffement climatique, de l’épuisement des ressources naturelles et de l’appauvrissement de la biodiversité. Ils sont donc particulièrement sensibles à ces sujets et, dans un contexte de compétition accrue entre les établissements, démontrer son engagement écologique peut être un facteur de différenciation et d’attractivité. Par ailleurs, beaucoup d’établissements intègrent désormais les questions environnementales à leur cursus et, à une époque où les incohérences sont vite montrées du doigt, il semble logique de mettre en œuvre ce que l’on enseigne.
Quelle peut-être la place des technologies vertes dans la politique de développement durable ?
Avec la digitalisation croissante des ressources et des usages pédagogiques, le numérique occupe de plus en plus de place dans les établissements supérieurs. Il constitue donc un levier important pour réduire l’empreinte environnementale globale. Une politique numérique responsable peut permettre d’intervenir à trois niveaux. Le premier consiste à optimiser les équipements matériels et logiciels afin de limiter l’impact direct de leur utilisation. Le deuxième consiste à faciliter la collaboration et les échanges à distance afin de réduire l’empreinte de fonctionnement de l’organisation. Le troisième, enfin, est de contribuer aux efforts des différents métiers. Par exemple, dématérialiser les dossiers d’inscription ou les fiches de paie a d’abord pour objectif des gains d’efficacité opérationnelle mais cela se traduit aussi par de considérables économies d’impression, donc de papier, de matériel et d’énergie.
Le champ des possibilités apparaît immense. Par où et comment débute-t-on une démarche numérique responsable ?
Le point de départ, c’est de prendre conscience que le numérique peut être un contributeur majeur à la politique RSE. Le numérique responsable est d’autant plus efficace qu’il s’inscrit dans une démarche globale, soutenue au plus haut niveau. On constate d’ailleurs que les établissements les plus en pointe sur le sujet sont souvent ceux où s’est créée une véritable dynamique de collaboration entre la direction de la RSE et la direction informatique. Ensuite, on ne peut améliorer que ce que l’on connaît. On va donc s’attacher à réaliser un bilan énergétique et environnemental des équipements IT, puis à mettre en place des indicateurs associés à des outils de mesure. Ceci permettra d’évaluer et de suivre les progrès, mais aussi de les communiquer. Les gains environnementaux étant souvent imperceptibles, il est fondamental d’apporter des preuves tangibles et indiscutables de son engagement. Une fois que l’on a cette visibilité, on peut définir ses priorités. L’action se décline alors en projets techniques, en diffusion de bonnes pratiques au sein de la DSI ou en campagnes de sensibilisation des utilisateurs aux éco-gestes, dont les étudiants sont d’ailleurs souvent d’excellents relais.
Concrètement, quels sont les projets généralement mis en œuvre afin d’obtenir des bénéfices significatifs et rapides ?
La priorité est souvent de rationaliser l’infrastructure informatique car non seulement elle représente jusqu’à 90 % de l’empreinte énergétique de l’IT, mais dans bien des cas, elle a aussi évolué de façon désordonnée, au gré des projets, de sorte que les marges d’optimisation sont importantes. La consolidation et la virtualisation des serveurs permettent ainsi des gains énergétiques substantiels. Le parc des postes de travail offre aussi un potentiel important. Toutefois, il ne faut pas oublier que, pour la DSI, contribuer à la RSE reste subordonné à ses deux enjeux clés, à savoir assurer le bon fonctionnement des systèmes et accompagner la transformation numérique. L’objectif est donc de parvenir à intégrer les enjeux de développement durable à ses autres projets.
S’agissant de l’empreinte énergétique, ne faut-il pas traiter en parallèle celle des bâtiments ?
Absolument ! L’immobilier est un contributeur important, tout particulièrement dans l’enseignement supérieur où l’on a de vastes locaux occupés de façon très morcelée. Alors que les établissements investissent dans la rénovation ou dans la création de campus, la modernisation de l’éclairage (relamping) et des systèmes de chauffage et de climatisation doit figurer à leurs cahiers des charges. Comme pour les projets IT, les bénéfices du relamping ne découlent pas seulement de la mise en œuvre de technologies plus performantes, mais aussi d’outils de monitoring et de reporting qui permettent de piloter finement la consommation énergétique. Il en résulte des gains financiers très concrets qui peuvent aller jusqu’à couvrir complètement l’investissement initial. Suite à l’état des lieux initial, notre expertise consiste notamment à trouver ce point d’équilibre afin de réduire la consommation d’énergie et d’autofinancer le projet. De manière générale, IT et immobilier sont de plus en plus liés avec l’essor de bâtiments intelligents et connectés qui s’adapteront à leur occupation et à leurs usages réels. « Smart building » et « smart workplace » se rejoignent pour créer un environnement de travail qui est à la fois économe et agréable pour le personnel administratif, les enseignants et les étudiants.
La sobriété environnementale est un objectif sans fin. Quelles sont les étapes suivantes ?
Lorsque l’on a cueilli les « low-hanging fruits », c’est-à-dire réalisé les optimisations les plus évidentes, il faut élargir le spectre de la réflexion et varier les sujets pour trouver de nouveaux axes d’amélioration. Par exemple, si la phase d’utilisation d’un équipement informatique concentre d’abord l’attention, il faut savoir que son impact environnemental reste très inférieur à celui de sa fabrication. Fabriquer un PC requiert près de deux tonnes de ressources naturelles ! On cherchera donc à mieux cibler les équipements, à allonger leur durée de vie et à favoriser leur réutilisation. De plus en plus, on va également s’intéresser à l’éco-conception des services numériques et à la diffusion de pratiques responsables car le gros des impacts provient désormais de notre usage immodéré du digital. On peut aussi se pencher sur la récupération de la chaleur émise par le data center. De façon générale, avoir ce type de questionnement au-delà des sentiers battus et explorer de nouvelles pistes, c’est aussi une marque de maturité et d’authenticité de la démarche environnementale qui sera donc d’autant plus valorisée par les parties prenantes, au premier rang desquels les étudiants !
Si vous souhaitez aller plus loin dans la réflexion, n’hésitez pas à contacter les équipes d’HEADway Advisory et d’Econocom : contact.chroniquetech@econocom.com