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Covid-19 : vers un enseignement supérieur à distance ?

Des liaisons aériennes gelées, des étudiants français à rapatrier, des étudiants chinois qui ne peuvent plus soit partir à l’étranger soit revenir chez eux, la crise du Covid-19 atteint de plein fouet l’enseignement supérieur. 8ème pays d’accueil des étudiants chinois avec 3 % de leur mobilité la France souffrira beaucoup moins de l’absence des étudiants chinois que les grandes nations d’accueil anglo-saxonne. Directeur adjoint et des études de Centrale Pékin, Nicolas Chapuis faisait cette semaine sa rentrée à Pékin mais explique-t-il, « Coronavirus oblige, tout se fera à distance pendant au moins un mois. La plateforme toujours en test, tous les professeurs sont sur leurs machines ! » Alors que cette semaine, les écoles et les universités sont restées fermées dans une grande partie due nord de l’Italie suite à la propagation rapide du Covid-19, les écoliers, collégiens et lycéens français sont priés de rester confinés chez eux s’ils viennent de passer des vacances en Chine, à Hong Kong, à Macao, Singapour, en Corée du Sud mais aussi en Lombardie ou en Vénétie. Une cinquantaine d’étudiants de Sciences Po Reims ont ainsi été mis en quarantaine après avoir séjourné quelques jours à Milan.

Dans ces conditions l’enseignement à distance pourrait bien connaître un développement exponentiel. « Le coronavirus aura involontairement plus fait pour le e-learning et les formations on-line que tous les plans et stratégies des États et des institutions d’enseignement supérieur ! », s’exclame le directeur adjoint de Grenoble EM, Jean-François Fiorina quand le ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer, assure : « Le point majeur, c’est l’enseignement à distance. Dans les établissements, il y a les environnements numériques de travail qui permettent déjà d’envoyer aux élèves des éléments à distance. Et puis si ça devait prendre des proportions plus importantes, avec des territoires entiers concernés, alors nous serions capables de déclencher de l’enseignement à distance massif. On est préparé pour cela. »

La Chine on line

Les étudiants chinois confinés chez eux ont désormais la possibilité travailler sur des programmes développés par intelligence artificielle explique le South China Morning Post. L’entreprise entreprises chinoise leader de l’IA, SenseTime, a en effet mise en ligne ses outils pédagogiques auto-développés. Cours ouverts, kits d’outils expérimentaux pour la programmation, une formation à distance pour les enseignants sont disponibles gratuitement. Une réponse à l’appel du ministère de l’Éducation à aider 180 millions d’élèves à travers le pays à « continuer à apprendre même avec les classes suspendues » après que les écoles aient reporté le début du semestre de printemps jusqu’à nouvel ordre.

Comme Centrale Pékin la New York University a choisir de recourir largement à l’enseignement à distance sur son campus de Shanghai « Nous nous sommes engagés à offrir une option en ligne aux étudiants qui ne peuvent pas se rendre à Shanghai. À mesure que les professeurs et les étudiants reviendront, il faudra gérer à la fois la salle de classe et une version en ligne de ces classe », explique Clay Shirky, son responsable des technologies éducative sur le site Education Dive.

Les grandes plateformes de cours en embuscade

Ce sont d’abord les grandes plateformes américaines, comme Coursera ou Udemy, qui se frottent les mains. Ensemble leurs stratégies permettent de couvrir tout le spectre de l’enseignement supérieur et de la formation continue. « Le premier élément majeur que propose Coursera est du contenu académique de haut niveau, accessible à tous et gratuit. Le second élément est de proposer des diplômes beaucoup moins chers aux apprenants ayant été admis dans un programme », nous expliquait ainsi y a quelques semaine son CEO, Jeff Maggioncalda (relire l’entretien complet). En France Coursera s’appuie ainsi sur HEC, l’ESSEC ou encore ESCP en s’appuyant les classements internationaux comme le Financial Times : « Mais nous ne sélectionnons pas uniquement des écoles très bien classées. Parfois, nous choisissons des établissements qui sont très bons dans une discipline particulière ou bien des écoles qui proposent des formations pour des cibles d’apprenants spécifiques ».

Autre stratégie du côté d’Udemy et de ses quelques 40 millions d’utilisateurs. «Bien que nous ayons en commun l’apprentissage en ligne, nous sommes différents des acteurs comme Coursera ou EdX. Nous sommes une place de marché sur laquelle des formateurs proposent des cours et des apprenants viennent chercher des compétences. Nous ne créons pas de contenu », signifie Llibert Argerich, vice-président marketing de la plateforme. Contrairement à d’autres plateformes comme Coursera, OpenClassrooms ou EdX, Udemy ne propose d’ailleurs pas de diplômes, mais des certificats.

En France le leader qu’est OpenClassrooms et ses 5 millions d’apprenants insiste au contraire sur sa capacité à construire des parcours qui se concluent par une licence ou un master, ou alors un titre inscrit au Répertoire National des Compétences Professionnelles (RNCP), et donc de « niveau reconnu par l’État français ». Devenue « entreprise à mission » en 2019 elle entend « rendre l’éducation accessible ; en conséquence, nous nous efforçons de proposer des formations à des prix abordables ».

Développer ses propres services

De nombreux acteurs se positionnent comme des intermédiaires entre les universités et leurs étudiants. Aux Etats-Unis Pearson (Pearson Inclusive Access) explique par exemple aux universités que « le passage au numérique permet d’alléger les pressions sur les coûts de vos élèves. Il permet aux établissements d’offrir le contenu des cours à tous les étudiants à moindre coût le premier jour de cours ». En Corée du Sud l’Université des sciences et technologies de Pohang (Postech) a annulé sa cérémonie de remise des diplômes qui seront remis via un spécialiste de la blockchain (lire sur le site spécialisé dans les nouvelles technologies Presse Citron).

Contrairement à HEC, l’Edhec a quant à elle choisi de mutualiser ses efforts de développement de cours en ligne avec les membres de l’alliance Future of Management Education (FOME). En s’appuyant sur les savoir-faire technologiques et pédagogiques de l’Imperial College London et de cinq autres business schools et universités de rang mondial, elle a ainsi développé une plateforme d’apprentissage. L’objectif étant d’avoir, d’ici 2025, 1000 diplômés par an sur ce type de formations, ce qui devrait représenter 10% du chiffre d’affaire du groupe et 20% à terme. Un choix stratégique qui découle selon son directeur général, Emmanuel Métais,  d’une volonté de « ne pas dépendre des grandes plateformes pour se positionner directement en tant qu’agrégateur. Nous souhaitions contrôler les processus et maîtriser notre chaine de valeur. Nous avons mis beaucoup de temps avant d’aller sur Coursera et edX, car ces acteurs représentent un danger. Le jour où ils créeront des diplômes, on pourrait se faire manger tout cru… ». On ne peut mieux exprimer les enjeux qu’il y a aujourd’hui à maîtriser un enseignement en ligne plus que jamais stratégique.

Les Etats-Unis et l’Australie particulièrement impactés

Si en 2017 la mobilité des étudiants chinois représentait à elle seule plus de 17 % de toute la mobilité étudiante mondiale ils étaient en effet particulièrement attirés par les pays anglo-saxons aux forts frais de scolarité : ces cinq dernières années les étudiants chinois ont ainsi vu leur nombre progresser de 51% aux Etats-Unis, 41% en Australie et 28% au Royaume-Uni.

Selon CNN si on ne sait pas combien des 360 000 étudiants chinois étudiant aux États-Unis se trouvaient à l’extérieur du pays lorsque l’interdiction de voyager aux États-Unis a frappé le 31 janvier les autorités australiennes ont estimé, lorsque l’Australie a imposé ses restrictions début février, 56% des étudiants chinois – soit environ 106 680 personnes – étaient encore à l’étranger.

Mais cela ne peut être que partie remise. Selon le Times Higher Education les agents de recrutement chinois prédisent en effet un rebond après la fin du coronavirus arguant que la plupart des étudiants « reporteront leur inscription plutôt que d’annuler leurs projets d’études à l’étranger ».

La France 8ème pays d’accueil des étudiants chinois. En 2019-19 c’étaient un peu moins de 28 500 étudiants chinois qui étaient présents en France soit 8% des étudiants étrangers. Cela en faisait la troisième nationalité la plus représentée mais déjà en baisse de 6% depuis 2013 selon les Chiffres clés 2020 de Campus France.

Si 15 % des étudiants étrangers en France viennent d’Asie-Océanie, cette proportion monte à 31 % dans les écoles de management. Et les contingents les plus importants sont ceux des étudiants chinois : un quart étudient dans les écoles de management où ils représentent 18% des effectifs étrangers soit 6738 étudiants en 2018-2019. La solidarité est donc de mise pour préserver les bonnes relations. Dans un tweet salué par l’Ambassade de Chine en France Neoma BS et son Institut Confucius disent ainsi « soutenir soutiennent pleinement la Chine dans la lutte contre l’épidémie du #coronavirus et saluent le courage du peuple chinois ! »

La proportion d’étudiants chinois est plus faible dans les écoles d’ingénieurs dans lesquelles, toujours en 2018-2019, c’étaient 3688 étudiants chinois qui étaient scolarisés. Enfin les universités recevaient 14 902 étudiants chinois.

Quid des campus en Chine ? La situation est particulièrement compliquée pour les établissements – essentiellement des école de management – possédant leur propre campus en Chine. En plein centre de Shanghai le campus de l’Essca est ainsi fermé jusqu’à début mars sur décision de la ville. Parmi ses 250 élèves, « seule une moitié a exprimé le souhait de rentrer en Europe pour éviter le confinement qui leur est imposé sur place. Les autres ont préféré rester. Parfois contre l’avis de leur famille », explique Benjamin Morisse, le directeur des programmes de l’Essca dans Le Monde.

Enseigner à distance. La solution peut alors venir de l’enseignement en ligne. C’est le choix de la New York University sur son campus de Shanghai comme l’explique son responsable des technologies éducative sur le site Education Dive : « Nous nous sommes engagés à offrir une option en ligne aux étudiants qui ne peuvent pas se rendre à Shanghai. À mesure que les professeurs et les étudiants reviendront, il faudra gérer à la fois la salle de classe et une version en ligne de ces classes. »

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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