ECOLES DE MANAGEMENT, PROGRAMMES

« Je sais quelles questions se posent les candidats »: Sylvie Jean publie « Business Schools: suivez le guide! »

Directrice du programme Grande école de emlyon BS depuis l’été dernier Sylvie Jean, publie cette semaine « Business School : suivez le guide ! » (Vuibert). L’occasion à la fois de parler de sa vision des écoles de management et de son école.

Olivier Rollot : Pourquoi publier aujourd’hui un guide consacré aux business schools en compagnie d’autres responsables comme Nicolas Arnaud ou Nathalie Hector ?

« Business school : suivez le guide ! », Sylvie Jean avec Thierry Picq, Isabelle Chevalier, Hervé Colas, Rachel Beaujolin, Catherine Champeyrol, Nicolas Arnaud, Nathalie Hector, Anne-Claire Pache, Jordane Pedron, Elodie Saint Yves, éditions Vuibert, mars 2021, 176 pages, 14, 90 €

Sylvie Jean : Après des années de visites dans les classes préparatoires je sais quelles sont les questions que se posent les candidats, aussi bien sur les programmes que les stages, la carrière, la vie associative, l’entreprenariat ou encore l’international. Et il faut aussi répondre à d’autres questions comme celles d’élèves créatifs qui se demandent s’ils pourront développer leur art dans une école. C’est à toutes ces questions que nous répondons dans ce livre notamment pour bien faire comprendre ce que les écoles veulent dire quand elles emploient des termes comme incubateur, accélérateur, etc. ou des anglicismes. Nos candidats ne connaissent pas tous ces termes alors que nous leur donnons des quantités de chiffres.

O. R : Ce livre vous l’avez écrit avec toute une équipe de spécialistes. Comment vous êtes-vous organisés

S. J : C’est au début du confinement en mars 2020, alors que j’étais en plein processus de recrutement à emlyon que le processus a été lancé mais nous en discutions déjà depuis un an avec Vuibert. J’en ai parlé avec d’autres directeurs de programmes et responsables en convenant que nous ne parlerions pas de nos écoles en particulier, que nous sortirions de nos chapelles pour nous exprimer plus largement et répondre ainsi aux questions que j’évoquais.

O. R : Pourquoi ce titre ? Pourquoi « business school » et pas « écoles de commerce » ou de management ?

S. J : Cela a effectivement été un long débat. Nous avions pensé à « guide de survie » mais cela nous a paru trop anxiogène. Nous avons finalement opté pour la terminologie « business school » avec l’appellation « suivez le guide ! » pour nous adresser également aux parents qui sont très impliqués mais n’ont pas forcément tous les codes.

O. R : Vous avez pris la direction du Programme Grande École d’emlyon l’été 2020. Qu’est-ce qui vous a motivé à prendre cette décision ?

S. J : J’ai été directrice des admissions de l’Edhec avant de diriger le Programme Grande École de Neoma. J’avais envie de revenir dans une école du top 5. D’autant que j’avais le sentiment d’avoir fait le tour de ce que je pouvais réaliser à Neoma après avoir réformé son PGE.

O. R : A emlyon vous saviez que vous alliez notamment devoir renouer un lien avec les classes préparatoires quelque peu distendu ces dernières années…

S. J : Je suis bien consciente qu’il faut reconstruire un lien avec les classes préparatoires. C’est ce que je suis en train de faire – comme je l’avais d’ailleurs fait déjà pour l’Edhec à partir de 2014 – notamment en me rendant dans de nombreuses classes préparatoires pour y présenter le nouveau format d’entretien.

Cela m’a toujours passionnée d’aller dans les classes préparatoires pour observer, comprendre les élèves dont j’aurai ensuite la charge en première année. De plus, j’ai noué des amitiés très fortes avec beaucoup de responsables et professeurs de ces prépas, et ce depuis 2010.

O. R : Mais en quoi la stratégie de recrutement d’emlyon évolue-t-elle dans un sens plus favorable aux élèves de classes préparatoires ?

S. J : La précédente direction de l’École avait construit une politique très orientée vers un recrutement important d’Admis Sur Titre (AST). Ce qui a conduit à une alerte sur la baisse de sélectivité de l’École tout en mettant à mal la diversité de recrutement en AST en intégrant une part importante d’étudiants en licences d’économie-gestion.

Aujourd’hui, nous voulons diminuer par deux le nombre d’AST dans les trois prochaines années. Ainsi, en 2023, nous aurons retrouvé les standards du top 5 des écoles. Nous recruterons en revanche plus largement à l’international.

En France, nous souhaitons privilégier le recrutement des bi-licences type mathématiques-économie, des prépas ATS mais aussi des ingénieurs, pharmaciens, littéraires, géographes. Les AST doivent apporter une réelle diversité dans nos promotions.

emlyon a des capacités incroyables à faire coexister des profils et des compétences très diverses, et les étudiants de prépas et AST s’entendent très bien. C’est sans doute dû à l’esprit d’ouverture d’emlyon qui puise ses racines dans l’industrie lyonnaise du tissage de la soie, d’où sa capacité à tisser des liens entre des profils très divers. Dès leur arrivée, les étudiants de CPGE côtoient directement les AST dans la vie associative et dans le cadre des cours ADN de l’École.em

O. R : Les deux classements de la presse qui sont parus en novembre-décembre montrent que emlyon est passée derrière l’Edhec. Comment l’expliquez-vous ?

S. J : C’est la conséquence directe de la perte du grade de master pour une durée de cinq ans.

O. R : Que dites-vous aux élèves de classes préparatoires pour les convaincre de rejoindre emlyon ?

S. J : D’abord je leur montre la robustesse d’une grande école qui a su recruter d’excellents étudiants en pleine tempête médiatique. D’un écosystème économique lyonnais très performant qui nourrit tous nos programmes. Je leur parle d’une école pionnière de l’hybridation des savoirs et des compétences qui possède un corps professoral capable de couvrir beaucoup de disciplines à partir du sujet historique de l’École qu’est l’entrepreneuriat.

O. R : Comment les étudiants d’emlyon sont-ils mobilisés dans le recrutement associatif ?

S. J : Les étudiants de 3ème et 4ème années de la Corpo, « l’association des associations », sont en charge de l’accueil des nouvelles promotions. La Corpo prend en charge un certain nombre d’activités et régule l’ensemble de la vie associative avec beaucoup de professionnalisme. Afin que tous les étudiants aient le temps de choisir quelle association rejoindre, le recrutement s’effectue en deux fois ; en octobre puis en février-mars.

O. R : Allez-vous réformer le Programme Grande École d’emlyon ?

S. J : Nous avons assisté à beaucoup de réformes ces dernières années dans les écoles. Aujourd’hui nous ne voulons pas tout remettre en cause avec une énième réforme. Nous allons essentiellement revisiter la première année pour mettre plus de SHS (Sciences Humaines et Sociales) dans le programme. Nous allons également renforcer le nombre d’heures de cours avec un travail sur le processus de choix de cours à la carte.

O. R : emlyon propose vraiment des parcours à la carte.

S. J : Ce que emlyon revendique, c’est de proposer un très large choix de cours à la carte. Je travaille sur ce processus qui est au cœur du « réacteur », porté par cette spécificité de laisser du temps aux étudiants de tester différents sujets afin de trouver la spécialité qui leur correspond. Nous formons ainsi des jeunes diplômés éclairés qui ont pris le temps de cheminer. Sur le marché du travail, ils sont très appréciés car ils n’ont pas choisi leur premier job par défaut ! Cela fait d’ailleurs écho à une spécificité des élèves de classes préparatoires qui ont une idée plus ou moins précise de ce qu’ils veulent faire au moment d’entrer en école. Cela a tendance à les angoisser car, ils n’ont jamais suivi de cours en marketing ou finance et ils connaissent peu le monde de l’entreprise.

C’est aussi pour cela que nous leur proposons de terminer leur première année par six mois de stage à l’international – une durée suffisamment longue – pour réaliser tout de suite des missions de premier plan.

O. R : Vous donnez à vos étudiants le temps de construire leur projet ?

S. J : En deuxième année, ils choisissent leurs cours à la carte avec un rythme de cycles de cours de deux mois pour trouver leur voie sans précipitation. Cela fait vraiment partie des points forts d’emlyon que cette liberté de cheminer. C’est à la fois dans l’esprit de la réforme du bac et celui d’une génération en quête de sens qui apprécie la liberté de tester un certain nombre de sujets avant de choisir une voie de spécialisation. Une génération qui puise dans la posture entrepreneuriale la liberté d’apprendre en faisant. Ce qui raisonne bien avec la culture « Early Makers » de l’École.

 

  1. R : Une question très pratique : comment envisagez-vous le passage des oraux des concours cette année ?
  2. J : Nous envisageons plusieurs scénarios en privilégiant les oraux en présentiel. Cependant, nous serons en capacité de les faire passer à distance si les conditions sanitaires venaient à l’exiger parce que nous tenons à ce qu’il y ait bien des oraux. Nous savons organiser des oraux à distance et nous le faisons à l’international. A la rentrée, nous avons organisé des entretiens à distance en petits groupes afin de faire connaissance avec les étudiants. Mais nous préférons bien sûr accueillir les candidats sur nos campus pendant la campagne des admissibles !
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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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