« L’orientation demeure trop souvent un parcours du combattant, plutôt qu’un parcours d’émancipation. Trop d’élèves s’y perdent, faute d’informations claires. Trop de talents se brident, faute d’accompagnement. Trop souvent, les inégalités se reproduisent, et la promesse républicaine n’est pas tenue. » Avec ces mots la ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Elisabeth Borne, lance son Plan Avenir – L’orientation pour que l’avenir soit un choix. Mais attention à ne pas répéter éternellement les mêmes vœux : la recherche de l’orientation scolaire parfaite c’est le monde du Loch Ness de l’éducation. Plus on cherche à l’attraper moins on la trouve. Et ce n’est pas faute que chacun apporte sa contribution. La semaine dernière la défenseure des droits publiait ainsi un rapport Orientation scolaire : un droit souvent entravé, des choix trop souvent subis dans lequel elle notait que « si l’orientation scolaire fait l’objet d’une politique publique dédiée, cette dernière pâtit d’une organisation peu lisible à chaque échelon de sa mise en œuvre, notamment du fait d’une compétence scindée entre l’État et les régions ». Pourtant une réforme récente qui a contribué à déshabiller l’Onisep pour habiller les régions.
Les inégalités de l’orientation. Selon la ministre « plus de 60 % des parents jugent l’information sur les formations et les filières insuffisante. Un lycéen sur deux ne se sent pas bien accompagné. Neuf enfants de cadres sur dix s’orientent vers la voie générale, contre un sur deux parmi les enfants d’ouvriers. Dans certains territoires ruraux, seuls 45 % des élèves demandent une seconde générale ou technologique, contre 75 % des citadins. Les stéréotypes de genre, eux aussi, persistent. »
Autres chiffres tiré eux du rapport du Comité stratégique « Diversité sociale et territoriale dans l’enseignement supérieur » publié en 2020 :
- 73% des enfants dont les parents sont diplômés de l’enseignement supérieur auront un diplôme de l’enseignement supérieur alors que c’est le cas de seulement 17% des enfants de parents non diplômés ;
- lorsqu’il est entré en sixième en 2007, un enfant d’enseignant a encore dix fois moins de risque de finir ses études secondaires sans diplôme qu’un enfant d’inactif et cinq fois moins de risque qu’un enfant d’ouvrier non qualifié ;
- plus de la moitié des bacheliers généraux obtiennent leur licence au bout de 3 ou 4 ans, alors que ce taux chute à 20 % pour les bacheliers technologiques et 7 % pour les bacheliers professionnels.
+ tab on the width range : Source : Note de la DEPP Les élèves sortent de l’enseignement secondaire de plus en plus diplômés mais au terme de parcours scolaires encore socialement différenciés
Avenir(s) l’« arme fatale » de l’Onisep. C’est une ambition qui parait à beaucoup démesurée. La plateforme Avenir(s) que lance l’Onisep a la rentrée 2025 a été conçue pour répondre aux besoins d’éducation et d’accompagnement à l’orientation des collégiens et lycéens de… la 5e à la terminale. Elle vise à « limiter les effets de l’autocensure et à lutter contre les déterminismes sociaux et de genre » en :
• apprenant à chaque élève à s’orienter ;
• lui présentant des informations complètes et adaptées à ses besoins ;
• lui proposant des activités et des ressources pédagogiques.
Développée par l’Onisep, en lien avec les Régions, grâce à un financement de France 2030 (ANR/SGPI) à hauteur de 30 millions d’euros, Avenir(s) proposera notamment aux élèves un agenda avec des événements, des activités interactives, comme des quiz sur leurs centres d’intérêt et leurs valeurs, pour les aider à mieux se connaître et identifier leurs aspirations. Ces activités servent de point de départ pour « réfléchir à des parcours qui leur ressemblent ». Avenir(s) leur permet en effet de conserver et structurer toutes leurs découvertes grâce à un portfolio de suivi personnalisé et conservé tout au long de la scolarité. À tout moment, les élèves peuvent être guidés par leurs enseignants ou des psychologues de l’éducation nationale, qui ont accès à la plateforme.
Accessible via la plateforme Avenir(s), l’outil Mon Projet Sup aidera quant à lui chaque lycéen à élargir et bien cibler ses vœux au regard de ses centres d’intérêt et de ses résultats scolaires. Il sera déployé dans tous les établissements dès septembre 2025.
Cela va-t-il être efficace ? S’y rendre sera-t-il obligatoire ? Le MENDR propose juste que les élèves de 3e qui auront construit leur parcours d’orientation sur la plateforme Avenir(s) bénéficient d’une bonification pour leur accès en seconde professionnelle. Dans son rapport de décembre 2023 sur l’Onisep la Cour des Comptes était pour le moins circonspecte en écrivant que « le caractère innovant et ambitieux de ce projet (il existe très peu d’exemples similaires dans le monde), associé à une programmation budgétaire aux contours flous, ainsi qu’à la forte augmentation de l’offre des régions, d’associations et d’entreprises privées qui peuvent être en partie concurrentes, lui font courir un risque ». Et d’enfoncer le clou : le programme Avenir(s) devra être audité à mi-parcours afin de le réorienter si besoin, voire de le stopper s’il n’apparaît pas adapté ».
Impliquer les professeurs. C’est la principale mesure du plan que mettent en œuvre Elisabeth Borne et Philippe Baptiste. A la rentrée 2025 chaque collège et lycée aura à construire son projet d’orientation pour « accompagner au mieux chacun de ses élèves et impliquer les familles ». Afin de soutenir les établissements dans cette nouvelle approche, un ensemble d’indicateurs sera mis à leur disposition, constitué de données sur l’orientation et sur les parcours des élèves (taux de réussite aux examens, taux de poursuite d’études, taux d’insertion, etc.), pour « mieux identifier les dynamiques à l’œuvre et les besoins propres à chaque établissement ».
Pour que les élèves « bénéficient d’un accompagnement personnalisé », les professeurs principaux seront formés et accompagnés, à commencer par les 30 000 professeurs principaux de 3ème à l’automne 2025. De plus, dans le cadre de la réforme de la formation initiale des professeurs, un module sera consacré à l’orientation. Ceux qui le souhaitent pourront valoriser leurs compétences au travers d’une certification «Orientation, parcours, insertion» à la rentrée 2026. Une expérimentation sera lancée, dans les établissements volontaires, pour que le professeur principal devienne référent orientation d’un groupe d’une vingtaine d’élèves qu’il suivra en 1re et en terminale.
Enfin des rencontres parents-élève-professeurs consacrées au projet d’orientation seront organisées systématiquement pour tous les élèves de 3e et de 2de avant le conseil de classe du 2ème trimestre.
Qui fait quoi ? Dans son rapport la défenseure des droits pointe une confusion sur les rôles et compétences de chaque acteur. Ce manque de coordination est selon elle « préjudiciable aux jeunes, qui, malgré une pluralité d’informations et d’interlocuteurs et faute de lisibilité, ne parviennent pas à se saisir de l’ensemble de l’offre et des ressources produites ». Pour y remédier elle demande que soit « clarifiée la compétence en matière d’orientation scolaire en précisant pour chaque échelon le cadre de coordination, les acteurs et les objectifs afin de rendre effectif le droit à l’orientation ».
La ministre a entendu le message et une charte entre l’État et les régions devrait être signée d’ici à l’été prochain pour préciser les rôles de chacun : d’un côté l’État « assure l’éducation l’orientation », de l’autre les régions « mettent en relation les établissements avec les entreprises et les informent sur les métiers et les formations de chaque territoire » et participent aux réunions départementales de rentrée des chefs d’établissement et des inspecteurs.
- En vue d’une « meilleure articulation de ses deux missions fondamentales (information et accompagnement à l’orientation) » avec les services du ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, la directrice générale de l’Onisep dont le mandat s’achève cette année – est mandatée pour remettre au Gouvernement, d’ici à la mi-juillet, des propositions d’évolution de l’Onisep.
Former à l’orientation. Dans son rapport la défenseure insiste également pour que soit enfin pris en compte l’un des aspects de la réforme du lycée en « rendant effectives les heures annuelles prévues dans les programmes pour l’orientation, les inscrire dans les emplois du temps et dans la dotation horaire globale des établissements ». Oui pourquoi la loi n’est-elle toujours pas respectée ? Là-aussi le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche répond en instaurant, dès la rentrée 2025, de la 5e à la terminale, un programme d’éducation à l’orientation pour chaque niveau et dispensé pendant quatre demi-journées dédiées à l’orientation et les heures de vie de classe. Pendant ces quatre demi-journées dédiées, les élèves partiront à la découverte des métiers et des formations : visites d’entreprise, forums, rencontres avec des professeurs.
Une offre de formation adaptée à tous les profils. Le MENSR s’intéresse également aux questions de formation pour mieux les adapter avec notamment le grand retour de la propédeutique : il s’agit d’abord d’expérimenter la possibilité de suivre un BTS en trois ans, avec une année de propédeutique, à la rentrée 2026. De même des classes préparatoires (ingénieurs ou commerce) en trois ans – qui existent déjà rappelons-le – seront accessibles aux bacheliers professionnels à la rentrée 2026. Dans les universités le dispositif PaRéO (passeport pour réussir et s’orienter) sera étendu à 45 universités à la rentrée 2027.
Pour permettre aux étudiants de rester près de chez eux l’ouverture d’une première année d’accès aux études de santé dans chaque département est prévue pour la rentrée 2027. Enfin à partir de la rentrée 2026, 5 000 places par an en plus en certificat de spécialisation seront proposées.
Et c’est la dernière mesure mais aussi celle qui prête le plus à débat : l’adaptation de l’offre de formation se poursuit, en lien étroit avec les Régions, afin que « toutes les formations conduisent à l’insertion, notamment vers les métiers d’avenir,
conformément à la feuille de route du haut-commissaire à l’enseignement et à la formation professionnels ». Rattaché principalement au ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche depuis mai 2025 – auparavant c’était au ministère du Travail – Éric Garnier a un sacré challenge devant lui !
- D’autres mesure du plan Avenir :
- les noms des formations des voies professionnelle et technologique seront simplifiés ;
- comme annoncé dans le plan Filles et maths, seront créées des classes à horaires aménagés en 4e et en 3e en mathématiques et en sciences (Chams) qui accueilleront au moins 50 % de filles ;
- une nouvelle épreuve anticipée de mathématiques en 1re s’ajoutera à l’épreuve anticipée de français pour reconnaître et consolider le niveau des bacheliers généraux et technologiques dans ces deux enseignements fondamentaux dès 2026 ;
- le programme de sciences numériques et technologiques (SNT) sera rénové pour tous les élèves de 2de générale et technologique à la rentrée 2026 ;
- la filière sciences et technologie de l’industrie et du développement durable (STI2D) sera repensée pour attirer davantage d’élèves, notamment des filles ;
- un groupe de travail piloté par l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR) fera des propositions pour mieux valoriser l’année de césure, notamment sous forme de crédits de formation européens (ECTS).