Les écoles de commerce font partie des rares formations dans lesquelles filles et garçons sont également représentés. Ici des étudiantes de l’EM Normandie (©-Franck-Castel-photography)
Le 8 mars, journée internationale des droits des femmes, permet chaque année de mettre en lumière les grandes tendances de l’orientation dans l’enseignement supérieur. Très stables, la création des spécialités du bac semble même les voir renforcées en détournant encore plus les femmes des mathématiques.
La publication annuelle de l’étude du ministère de l’Education Filles et garçons sur le chemin de l’égalité, de l’école à l’enseignement supérieur présente sous forme d’infographies et de graphiques des données statistiques sur la réussite comparée des filles et des garçons depuis l’école jusqu’à l’entrée dans la vie active. Comme le souligne Jean-Michel Blanquer : « Si la part des filles s’est fortement accrue dans les disciplines scientifiques dans lesquelles elles réussissent très bien, elles sont encore trop peu nombreuses à s’orienter vers les métiers de l’ingénierie et vers ceux du numérique. À l’inverse, les enseignements des humanités, histoire-géographie, langues-littérature, sciences économiques et sociales sont toujours largement plébiscités par celles-ci ».
Des différences immédiates qui perdurent. Au début de l’école élémentaire, les filles ont des résultats équivalents aux garçons en mathématiques mais nettement supérieurs en français. Elles conservent cet avantage en français à la sortie de l’école élémentaire tout en redoublant moins souvent. En mathématiques cependant, elles ont des résultats inférieurs dès le CE1.
À la fin du collège, les filles ont un meilleur taux de réussite au diplôme national du brevet (DNB). Elles obtiennent de meilleurs résultats en français que les garçons mais moins bons en mathématiques. Après le DNB, les filles s’orientent davantage en voie générale et technologique et les garçons en voie professionnelle, en particulier en apprentissage.
Dans les autres pays européens, la plus grande réussite des filles en compréhension de l’écrit et celle des garçons en mathématiques sont aussi constatées. De plus, les femmes sont également moins souvent scolarisées que les hommes dans la plupart des filières scientifiques de l’enseignement supérieur.
Après le collège, les filles s’orientent davantage en voie générale et technologique (71% contre 57%) et les garçons en voie professionnelle.
Au lycée et en apprentissage, les filles et les garçons suivent des parcours différents. Que ce soit la voie générale, technologique ou professionnelle, les filles s’orientent moins vers les filières scientifiques, sauf celles liées au secteur santé. Dans la voie générale, en terminale les filles sont majoritaires dans les doublettes de spécialités humanités/langues- littérature et physique-chimie/sciences de la vie et de la Terre et les garçons mathématiques/physique-chimie et mathématiques/numérique-sciences de l’ingénieur.
Les taux de réussite au baccalauréat sont meilleurs chez les filles qui, en outre, obtiennent davantage de mentions, quelle que soit la série. 44% des filles ont par exemple une mention en bac général contre seulement 33% des garçons.
À la sortie de la formation initiale, les femmes sont davantage diplômées que les hommes mais à diplôme égal, elles obtiennent moins souvent un emploi.
Y a-t-il une fatalité ? Le Times Higher Education et l’Unesco publient cette semaine une étude Gender Equality: How global universities are performing. Il en ressort notamment que les étudiantes sont plus nombreuses que les étudiants dans le monde, en particulier en médecine et arts, sciences humaines et sociales (AHSS), mais il y a toujours moins de femmes sciences, technologie, ingénierie et mathématiques (STEM). Preuve qu’il n’y a pas pour autant de fatalité : plusieurs pays asiatiques ont des proportions élevées de femmes STEM (54,4% en Thaïlande, 51,4% en Iran, etc.).
« Peu semblent s’être posés la question de pourquoi les lycéennes ont souhaité abandonner en masse les mathématiques » soulignent les économistes Cecilia García-Peñalosa et Fabien Petit dans une tribune que publie Le Monde. Dans une étude publiée en 2020, Thomas Breda et Clotilde Napp, professeurs de l’Ecole d’économie de Paris et de l’université Paris-Dauphine, examinaient justement quels facteurs expliquent les choix d’études post-bac. En se focalisant sur les domaines d’étude intensifs en mathématiques et en utilisant des données individuelles sur le rapport aux mathématiques de 300 000 élèves de sexe féminin et masculin de 15 ans dans 64 pays (PISA 2012), ils proposaient une nouvelle mesure du stéréotype associant les mathématiques aux hommes et montraient que ce stéréotype est en fait plus fort dans les pays plus égalitaires et développés. En résumé s’impliquer dans ses études en mathématiques n’est pas dû à une différence dans les notes en maths, mais « plutôt à l’avantage comparatif des filles dans les matières littéraires ».
Selon les chercheuses, le corps enseignant est « en première ligne pour que les filles soient séduites par les mathématiques. La formation continue des maîtres et maîtresses pour leur permettre d’être à l’aise en maths, ainsi qu’une réflexion sur les causes de la féminisation presque totale du corps enseignant en primaire sont des pistes à creuser ».