« Transformer les sciences humaines et sociales pour relever les grands défis du XXIème siècle. » Les ambitions du président du tout nouveau campus Condorcet, Jean-Marc Bonnisseau, sont à la hauteur de ce qui est déjà plus grand campus européen du domaine. A Aubervilliers, aux portes de Paris, ce sont onze universités et Grandes écoles qui y installent des laboratoires – mais aussi des étudiants de niveau master et surtout doctorat -, et transfèrent tout ou partie de leur fonds documentaire. Autour du CNRS se retrouveront aussi bien l’EHESS que l’EPHE – dont le siège s’installera sur le campus en 2024 -, l’Ecole des Chartes, la Fondation Maison des Sciences de l’Homme, l’Ined – dont le siège est déjà sur le campus – , et les universités Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Paris-Nanterre, Sorbonne-Nouvelle, Paris 8 et 13. En tout ce seront surtout plus d’un million d’ouvrages, dont 80% en libre accès, qui seront consultables dans le « grand équipement documentaire ». Enfin chaque chercheur y disposera de son propre bureau ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui.
Petit rappel historique. Au milieu des années 2000, l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et l’École pratique des hautes études (EPHE) envisagent de créer, à Aubervilliers, un grand campus de recherche en sciences humaines et sociales, tandis que l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne programme la construction au nord de Paris, porte de la Chapelle, d’un campus destiné à ses étudiants de licence. En 2008, les deux initiatives fusionnent en un projet unique, le Campus Condorcet, reliées en 19 minutes à pied et en 5 minutes par la ligne 12 du métro.
À Aubervilliers, site dédié à la recherche et à la formation à la recherche, la Cité des humanités et des sciences sociales s’étire sur près de 7 hectares. Alors que 12 000 personnes y sont attendues, le site accueille déjà 60 unités de recherche et près de 4 000 étudiants.
Après l’emménagement des premiers chercheurs en cette rentrée 2019, la première phase sera achevée en 2023 et devrait être complétée par une seconde à l’horizon 2025. Devrait car 250 millions d’euros ne sont pas encore budgétés pour construire les 60 000 m2 de bureaux nécessaires entre autres pour recevoir l’ensemble des personnels de l’EHESS…
« Il va se passer quelque chose à Condorcet ! » L’ensemble sera-t-il gouvernable avec ses onze tutelles souvent nées elles-mêmes de scissions au sein des universités membres ? « Nous sommes des chercheurs sans frontière. Nous sommes dans PSL cela ne nous empêche pas de travailler avec Paris 1 », répond Jean-Michel Verdier, président de l’EPHE. « On aurait tort de prendre le campus Condorcet uniquement pour un projet immobilier. C’est un véritable processus de transformation et nous souhaitons vivement nouer de nouvelles relations. Il va se passer quelque chose à Condorcet ! », insiste Christophe Prochasson, directeur de l’Ecole des hautes études en sciences sociales. « C’est une vraie stratégie ! », établit également le président de l’université Sorbonne Nouvelle, Jamil Dakhlia, dont l’université sera implantée sur trois emplacements : au centre de Paris pour la recherche, à Nation pour les étudiants et enfin à Condorcet. Une autre difficulté organisationnelle que vont rencontrer non seulement toutes les universités membres mais aussi l’EHESS ou encore l’Ecole des Chartes.
Quels moyens ? D’autres interrogations se posent sur le fonctionnement même du campus. Et notamment sur la question du transfert de personnels vers l’équipement documentaire dans le cadre d’une unité mixte gérée par le CNRS mais sans que celui-ci y amène des personnels. Un état de fait qui a amené le président de l’université Paris 1, Georges Haddad, à affirmer son opposition il y a quelques semaines. « Nous avons les moyens de fonctionner même si la bibliothèque n’a pas encore forcément les moyens de répondre à toutes les questions. L’important c’est de dire que nous sommes réunis pour la phase 2 », répond Jean-Marc Bonnisseau.
« Nous ne pouvons réussir que si nous sommes interdisciplinaires et il ne saurait y avoir de concurrence entre nous et les autres dans la mesure où nous sommes présents dans tous les sites », assure François Joseph Ruggiu, directeur de l’Institut des sciences humaines et sociales du CNRS dont un tiers des chercheurs vont venir sur le campus.