Directeur depuis novembre 2022 du groupe Icam, Gilles Vandecaveye entend bien continuer à développer un groupe qui est devenu en vingt ans international et multi-implanté en France. Entretien avec un directeur plein d’ambitions pour une école qui a déjà tant progressé ces dernières années.
Olivier Rollot : En novembre 2022 vous avez pris la direction de l’Icam. Ce n’est pas une école que vous découvrez puisque vous en êtes diplômé et l’avez intégré en 2014 après une carrière dans le sport automobile et l’entrepreneuriat. Depuis 2018 vous faisiez même partie de son équipe de direction et en étiez directeur général délégué coordination France depuis janvier 2020. Comment définiriez-vous aujourd’hui l’identité de l’Icam, votre nouveau poste et votre projet pour l’Icam ?
Gilles Vandecaveye : L’Icam est une école avec un réseau de campus portés par le même projet qui forme un véritable collectif. Nos implantations locales sont inscrites dans leur territoire tout en travaillant sur un projet global. J’arrive aujourd’hui dans un groupe en plein essor, avec un formidable recrutement, qu’on doit à notre directeur général depuis 17 ans, Jean-Michel Viot, auquel j’ai succédé en novembre dernier.
A sa suite, mon rôle aujourd’hui est de continuer à fédérer le collectif autour de projets qui font sens, et tenir le cap de nos ambitions dans un contexte complexe et changeant. Notamment à l’international avec ce que nous appelons « Icam sans frontières ». Avec comme fil conducteur stratégique commun, l’écologie intégrale qui place l’humain et l’environnement au cœur de toutes les décisions, propose un développement respectueux des ressources en contribuant à réduire les inégalités.
En 2030 l’Icam sera un ensemble de campus géré par une équipe multiculturelle. En nous développant à l’international nous rencontrons d’autres façons de former les jeunes tout en apportant notre vision de ce qu’est une école généraliste
O. R : Cette spécificité très française de l’ingénieur généraliste est au cœur de votre projet ?
G. V : . Nous formons des ingénieurs capables de répondre à des problèmes globaux et interdépendants. C’est une véritable marque de fabrique que les entreprises nous demandent de conserver parce qu’elle permet à nos ingénieurs d’être à l’écoute de toutes les spécialités.
O. R : Quels nouveaux campus envisagez-vous d’ouvrir ? En France et dans le monde ?
G. V : A l’international nous avons un projet aux Philippines, avec l’université Ateneo de Manilla, en nous appuyant sur le réseau des universités jésuites comme nous le faisons partout dans le monde, et tout récemment en Equateur, à Quito et au Brésil à Recife.
En France nous avons un projet à Aubagne, aux portes de Marseille, qui a aujourd’hui la plus faible densité d’élèves en formation d’ingénieurs en France.
O. R : Comment procède l’Icam avant d’ouvrir un nouveau campus ?
G. V : Nous réalisons d’abord une étude d’opportunité. Si le conseil d’administration de l’école valide cette étape nous passons à une étude de faisabilité pour vérifier ce qu’il est vraiment possible de faire. Un processus qui prend aux alentours de deux ans. Si la décision est positive, il nous faut encore trouver des bâtiments – entre 5 000 et 12 000 m2 -, recruter des personnels, etc. dans un contexte challengeant marqué par l’inflation et l’augmentation des prix de l’énergie.
Il faut aussi rester ouvert. Dans le rapprochement que nous avons effectué l’année dernière avec un campus existant en créant l’Icam Strasbourg Europe nous avons d’ailleurs pu voir que ce campus avait suivi un parcours très différent de celui l’Icam Grand Paris Sud. Les deux écoles sont nées la quasiment la même année et très différentes et il faut respecter ces spécificités.
O. R : Plus largement, quels sont les grands défis que vous rencontrez aujourd’hui dans l’évolution de vos pratiques pédagogiques ?
G. V : L’Icam a inscrit dans son plan stratégique 2020-2025, l’écologie intégrale, qui place l’humain et l’environnement au cœur de toutes les décisions, comme clé de voûte de l’ensemble de ses projets. Cette volonté se traduit déjà par plusieurs évolutions à la fois dans nos programmes de formation mais aussi dans l’organisation et le fonctionnement de nos campus.
Depuis début 2023 la question de ChatGPT s’est invitée dans nos enseignements mais nous n’avons pas l’intention de l’interdire. Il faut composer avec et inculquer à nos étudiants des compétences d’adaptabilité et de sens critique. Cela fait partie de notre démarche d’innovation pédagogique. Nous rebattons régulièrement les cartes et revisitons notre pédagogie, de manière à ce qu’elle soit toujours agile et ancrée dans son époque, le parcours ouvert en est également un bel exemple.
Nous constatons également que les étudiants quittent de moins en moins leur région pour étudier ailleurs, en tout cas pas à plus de 200 km. C’est sans doute une conséquence de la crise Covid. Pour autant ils tiennent toujours à voyager pour aller à l’autre bout du monde.
O. R : Vous le disiez : l’apprentissage a été développé de longue date à l’Icam. Qu’est-ce que cela représente en termes d’effectifs aujourd’hui ?
G. V : Plus de 300 étudiants, c’est-à-dire près de la moitié de nos 650 diplômés chaque année, sont apprentis. Avec un niveau de prise en charge par les OPCO qui reste correct – 10 450€ par étudiant et par an – mais qui, pour la première fois, va néanmoins nous amener à facturer du reste à charge aux entreprises.
Il y a trente ans que nous pratiquons l’apprentissage dans notre cycle ingénieur et c’est un superbe modèle avec des apprentis qui restent trois ans dans l’entreprise. Pour autant cela devient difficile de le développer plus dans ce format, alors que la demande explose, et nous privilégierons plus demain un format en deux ans dans le cadre de notre « parcours ouvert » en six ans.
O. R : Votre « parcours ouvert », qui fête cette année sa première promotion, a vocation à se développer ?
G. V : Le parcours « ouvert » a été créé pour recevoir de nouveaux types de bacheliers avec une pédagogie expérientielle fondée sur le « Problem Based Learning », le PBL. Il se développe en France et largement à l’international en Afrique, en Amérique du Sud, en Inde et bientôt aux Philippines. Il va permettre de tendre vers un profil d’ingénieur Icam davantage curieux, autonome, créatif, ouvert et acteur de changement, pour le monde économique et pour la société.
