A Nice l’université est logée depuis sa création en 1965 dans un extraordinaire jardin autour d’un palais bâti en 1870.
En 2016 sa labellisation Idex en avait surpris plus d’uns. Quoi l’Université Côte d’Azur fait partie des neuf universités françaises qui obtiennent le label Idex d’un jury international, quand l’université de Lille, par exemple, ne l’est pas ! Près de dix ans après la « petite » université a su démontrer qu’elle avait tout d’une grande. Reportage.
Casser les codes
« En 2015 en lançant notre projet d’Idex nous voulions créer une nouvelle forme d’université en cassant les silos entre recherche et formation comme entre disciplines. » Premier président de l’université Côte d’Azur créée sous sa nouvelle forme en 2020, devenue grand établissement en 2024, Jeanick Brisswalter se dit à la tête d’une « petite université en termes de taille par rapport aux autres universités Idex qui ont dû fusionner – 32 000 étudiants – particulièrement investie dans le développement de l’alternance avec ses 2 500 apprentis ». Implantée essentiellement à Nice mais aussi à Cannes, Sophia Antipolis, Menton ou encore Grasse, l’université Côte d’Azur est présente sur tout le territoire azuréen.
Université d’excellence membre de l’association d’universités de recherche Udice après avoir obtenu un Idex dès 2016 comme seulement huit autres universités, l’université Côte d’Azur n’en est pas moins, comme beaucoup d’autres, en déficit aujourd’hui. « Nous avons voté pour le deuxième année de suite un budget déficitaire avec les mesures Guerini – 7 millions d’euros de plus – et l’augmentation des fluides avec en tout 20 millions d’euros – sur un budget de 300 millions d’euros dont 80 de ressources propres qui nous obligent à prendre dans le fonds de roulement », s’inquiète le président qui ne « plaide pas pour autant sur une hausse générale des droits d’inscription » : « Il faudrait à court ou moyen terme penser, au niveau national, à une évolution des frais en fonction des revenus des parents ». Face aux velléités parlementaires de le supprimer l’Unica soutient le Hcéres. Du bout des lèvres… « Le Hcéres peut-on le réformer pour le simplifier ? », s’interroge le président qui se souvient avoir « mis tout le monde à plat pendant deux ans » tant la procédure de passage au statut de grand établissement a été lourde. Pour autant l’université de Côte d’Azur, comme l’ensemble des universités membres d’Udice, tient à une « évaluation indépendante » : « On ne sait jamais qui prendra le pouvoir. On peut avoir un Trump demain ».

Jeanick Brisswalter, président, et Régis Brandinelli, directeur général des services : un duo à la tête de l’université Côte d’Azur
Une organisation « tentaculaire » dans une jeune université
« Un poulpe pour symbole ? Oui parce que nous voulons que, comme le poulpe, l’intelligence ne soit qu’à 20% dans le cerveau – la direction de l’université – et le reste dans les composantes », explique le président en montrant le poulpe qu’il a choisi pour symbole du développement de son université. « Avec cette organisation nous n’avons pas eu de blocage idéologiques en travaillent en modes projets et en faisant confiance aux personnels. L’université, surtout une jeune université, peut évoluer très vite ! », insiste Régis Brandinelli, le directeur général des services, arrivé dans l’université en 2020 après un passage remarqué dans les Grandes écoles où il a développé les campus de Raleigh et Shenzhen de Skema.
« Nous nous sommes inspirés du fonctionnement des Grandes écoles avec comme volonté première la réussite de nos étudiants tout en développant l’entreprenariat étudiant et même en parlant de marque », confie d’ailleurs le président. L’Unica (on ne dit plus « UCA » qui signifiait également « Université Clermont-Auvergne) est même la seule université à avoir développé une fragrance de marque propre avec son institut de Grasse. Université pluridisciplinaire, l’Unica est ouverte aux écoles avec pour composantes deux écoles d’art publiques, le Pôle National Supérieur de Danse Rosella Hightower à Cannes-Mougins et la Villa Arson, mais également des écoles privées partenaires comme Skema, l’Esra ou Besign. L’Ecole Centrale Méditerranée en sera bientôt partenaire.
Cinq écoles universitaires de recherche (EUR) pour « casser les silos disciplinaires »
Les financements de l’Idex et de l’appel à projet Compétences et métiers d’avenir (CMA) ont notamment permis à l’université Côte d’Azur de construire huit écoles universitaires de recherche (EUR) qui fonctionnent en majeures et mineures sur un modèle pluridisciplinaires. Dans l’EUR « modèles complexes » travaillent par exemple ensemble aussi bien des mathématiciens que des économistes. « Les étudiants peuvent avoir des parcours à la carte comme par exemple en « arts et créativité » pour voir comment les IA modifient les processus créatifs », détaille le président. « Chaque EUR doit pouvoir développer des partenaires internationaux, par exemple avec des doubles diplômes, tout en ayant un ancrage national dans des consortiums en restant ancrés sur les clusters de notre territoire », détaille Ali Douai, vice-président en charge de la Formation et de l’innovation pédagogique de l’Unica.
Un changement de dimension qui a considérablement transformé la perception des ex-facultés. « Avant la création de l’EUR nous étions la fac de lettres et les entreprises nous considéraient comme des « punks à chien ». Aujourd’hui nous avons plus de 400 entreprises partenaires », se félicite ainsi le directeur de l’EUR Arts et Humanités, Jean-Paul Aubert, qui insiste : « Nous avons pu évoluer sans renoncer à notre identité tout en nous appuyant sur toutes les expérimentations de nos laboratoires de recherche ».
Objectif réussite en premier cycle
« Notre principale mission c’est l’employabilité des jeunes ! » proclame Jeanick Brisswalter. Alors que l’université propose une dizaine de doubles licences, parfois originales telle « Philosophie, psychologie », mais aussi deux CPES (cycles pluridisciplinaires d’études supérieures), l’objectif de l’université est de personnaliser les parcours de tous les étudiants « Quand un étudiant arrive à l’université l’enjeu est la flexibilisation en lui permettant de choisir son parcours de plus en plus tôt, dès la deuxième année d’études généralement pour ne se spécialiser vraiment qu’en troisième année », spécifie Ali Douai. En licence les étudiants inscrits en sciences peuvent ainsi suivre des cours de droit dans une autre EUR et éventuellement basculer vers une autre licence. Pas toujours simple quand il faut permettre des enseignements à distance tout en garantissant la cohérence des parcours mais efficace selon Ali Douai : « Les questions de réussite se posent d’abord en premier cycle de licence. Nous tentons de changer d’approche pour être moins globaux en connaissant mieux nos étudiants avec des protocoles d’enquête et des modules pour avoir beaucoup d’outils comme le « Passeport Etudiant » ».
Ce passeport permet aux étudiants de mieux connaitre tout ce que peut leur apporter leur université dès leur arrivée. Des tests permettent en retour à l’université de mieux les connaitre. « Dans nos 39 mentions de licence un quart de nos étudiants entrent directement en deuxième ou troisième année, issus de CPGE, BUT, etc. Nous pouvons ainsi voir vite leurs lacunes et les accueillir aussi bien qu’après le bac », commente Ali Douai.
Une expérience étudiante augmentée
L’université valorise les engagements de ses étudiants. S’ils produisent plus de vingt heures d’actions dans l’année – du nettoyage des plages aux maraudes auprès des SDF – ils peuvent bénéficier d’un bonus de 0,25 points. Autre implication de l’université envers ses étudiants : le développement de la culture. « Nous avons une offre culturelle très importante avec nos écoles d’art et les grands organismes culturels niçois. Nos étudiants peuvent même réviser dans les loges de l’opéra de Nice pendant les répétitions », précise le président.
La santé de leurs étudiants est une mission de plus en plus importante pour les universités. Les étudiants de l’université ont ainsi accès à des médecins et des psychologues sur tout le territoire azuréen. Après des épiceries solidaire des « frigos solidaires » ont été installés sur les campus alors que l’université travaille très bien – « ce qui n’est pas si courant ! » souligne le président – avec le Crous. Sur son campus Saint-Jean d’Angély l’université a installé son service de santé étudiant. En cette année où la santé mentale est une grande cause nationale elle s’appuie sur des « secouristes en santé mentale », des étudiants chargés de repérer les étudiants en difficulté afin de les réorienter vers des professionnels de la santé. Issus de filières liés à la santé – infirmier, kiné, psychologues – ils sont rémunérés et formés. Notamment à faire prendre conscience aux étudiants de leurs addictions. « Nous insistons sur l’addiction en général. Il ne faut pas s’arrêter à un produit mais aux mécanismes de l’addiction. Il faut leur apprendre à gérer leur stress, à comment dire non, au-delà des discussions strictement médicales », insiste Coraline Carbonell la responsable du Centre de Santé.
A Cannes un campus dédié à la création audiovisuelle
A Cannes la ville a promu la création du campus Cannes On Air dédié à la production et la formation audiovisuelles. Sur 8 145 m2 de superficie, dont plus de la moitié dédiés à la formation, le Campus Georges Méliès accueille plus de 1 200 étudiants et propose des cursus pour la plupart inédits en France, dédiés aux écritures créatives et aux métiers de l’image, de niveau bac au doctorat, en programme court, long ou en formation continue. Des formations mises en place avec l’Université Côte d’Azur (UCA), l’Esra et des partenaires du secteur (Vivendi, Canal+, Banijay, INA…). « Nous pouvons former des étudiants dans un contexte quasi professionnel pour les préparer au mieux à s’intégrer dans l’entreprise »se félicite le directeur de l’EUR Arts et Humanités, Jean-Paul Aubert. La licence humanités de l’image sera bientôt totalement dispensée à Cannes avec trois parcours de formation
Sur le même site la Cité des entreprises est dédiée à des start-up et porteurs de projets quand les studios de Cannes Bastide Rouge mettent à disposition des professionnels des équipements haut de gamme pour la création, la captation, la post-production et la projection de contenus audiovisuels. Enfin multiplexe cinématographique Cineum Cannes propose 12 salles, 2 450 fauteuils et des équipements de haute technologie.
Soutenir les chercheurs venus des Etats-Unis américains
Avec des financements de l’Idex, l’université Côte d’Azur entend aujourd’hui soutenir des chercheurs américains privés de budget pour que leurs travaux ne se terminent pas. « La principale difficulté est l’arrêt de l’accès aux bases de données dans lesquelles nous avions mis nos données et auxquelles nous n’avons plus toujours accès », regrette le président qui « imagine surtout de jeunes chercheurs français partis en postdoc et voulant revenir en France ».
Des chercheurs américains peuvent rejoindre l’université dans le cadre d’un track dédié à 12 professeurs internationaux par an avec un « welcome package » qui va de 45 000 à 220 000 euros par an. « Nous sommes très visibles à l’international avec une marque connue dans le monde entier et cela nous permet d’attirer des enseignants et étudiants du monde entier », spécifie Régis Brandinelli.
- Cette année les inscriptions à l’Unica sur Parcoursup sont en hausse de 25%. Le CPES a par exemple 1 500 candidats pour 28 places. Avec un grande difficulté pour attirer les étudiants: le coût de la vie de la Côte d’Azur. Le Crous comble en partie la pénurie de logement alors que les collectivités luttent contre les locations.