Par Anne-Lise Martinent consultante senior RS/RNCP chez HEADway Advisory
Recevoir un refus pour un projet de dépôt de certification au Répertoire Spécifique (RS) ou au Répertoire National des Certifications Professionnelles (RNCP) de France Compétences est souvent une source de grande déception. Cette situation peut entraîner un sentiment de frustration et de découragement, surtout après plusieurs mois de préparation. Toutefois, un refus ne signifie pas la fin du projet. Bien au contraire, c’est une étape dans le processus de création d’une certification, une invitation à améliorer son dossier et à persévérer.
Cet article vous donne les clés pour transformer un refus en véritable opportunité.
- Analyser les motifs du refus : comprendre les critères de sélection
Lorsqu’un dossier est refusé, la première étape consiste à analyser les motifs du rejet. France Compétences fournit des éléments précis dans la notification de refus, détaillant les failles identifiées dans le dossier. Ces éléments peuvent concerner différents aspects du projet, tels que le référentiel de compétences incomplet, des confusions entre les concepts de formation et de certification, ou encore un manque de démonstration de l’insertion professionnelle des certifiés.
Il est primordial de bien comprendre ces points, et pour cela, vous pouvez solliciter un entretien avec l’instructeur en charge de votre dossier. Ce dernier pourra vous éclairer sur les aspects qui n’ont pas satisfait aux critères, mais il ne délivrera pas de conseils pour réécrire le dossier. En revanche, cet entretien est l’occasion de mieux saisir les zones d’ombre et de se préparer à renforcer les éléments faibles du projet. Un exemple courant de motif de refus est l’absence de preuve solide de l’adéquation de la certification avec les besoins du marché du travail, ou encore un manque de maîtrise dans l’écriture en compétences et définition des critères associés dans le référentiel.
- Améliorer son dossier : renforcer les éléments clés
Voici les motifs de refus les plus fréquents au RNCP ou au RS, ainsi que des pistes concrètes pour les corriger et renforcer la recevabilité du dossier :
- démonstration insuffisante en matière d’atteinte d’une cible métier et d’impact en matière d’accès/retour à l’emploi : Analysez précisément l’adéquation entre les emplois occupés et le métier visé dans le cadre d’un RNCP (ex. : taux d’insertion à 6 et 12 mois, taux de certifiés en emploi dans le métier cible, taux d’accès à un emploi de niveau supérieur, taux de maintien dans l’emploi), ou l’évolution de la situation professionnelle dans le cadre d’un RS (ex. : témoignages de titulaires et d’employeurs, enquêtes de satisfaction ou d’impact, descriptions d’applications concrètes en poste).
- manque d’opportunité lié à une délimitation floue du projet : Ciblez clairement le ou les métiers visés par la certification. Ne vous contentez pas d’une insertion dispersée : justifiez la cohérence entre les débouchés, les activités professionnelles et les compétences certifiées. Si plusieurs métiers sont possibles, explicitez les passerelles et les niveaux de maîtrise requis.
- valeur d’usage insuffisamment démontrée : Appuyez-vous sur des éléments tangibles : enquêtes auprès des certifiés, lettres d’appui ciblées de la part de titulaires, d’employeurs ou de soutiens institutionnels. Valorisez l’utilité réelle de la certification en illustrant les effets constatés sur les parcours professionnels.
- adéquation aux besoins du marché du travail non démontrée : Étayez votre dossier avec une analyse précise du marché de l’emploi. Démontrez en quoi les compétences visées répondent à des besoins identifiés et complémentaires. Veillez à bien définir votre public cible et les prérequis, de manière cohérente avec les attendus professionnels.
- lisibilité insuffisante du périmètre métier dans les référentiels d’activités et de compétences : Dans le cadre d’un RNCP, clarifiez les activités et les compétences liées au métier visé. Structurez votre référentiel avec des blocs cohérents, bien contextualisés et ancrés dans des situations professionnelles réelles. Si vous déposez une demande au RS, assurez-vous que le référentiel cible une compétence professionnelle spécifique, contextualisée et immédiatement mobilisable. Précisez les niveaux de maîtrise attendus en cohérence avec le public ciblé.
- absence de prise en compte des enjeux transversaux : Veillez à prendre en compte les spécificités liées aux transitions écologique et numérique, les principes de prévention santé-travail et l’accessibilité aux personnes en situation de handicap. Ces éléments doivent être intégrés dans le référentiel de compétences, dans les modalités de formation et d’évaluation, et illustrés par des exemples concrets issus du contexte professionnel visé.
- procédures d’évaluation insuffisamment décrites : Décrivez de manière précise l’organisation des épreuves, les modalités de contrôle et la composition du jury, en précisant les conditions d’habilitation. Assurez la rigueur et l’impartialité des évaluations en vous appuyant sur des outils de traçabilité, des grilles critériées et des supports d’aide à l’évaluation.
- contraintes légales et réglementaires insuffisamment prises en compte : Intégrez dans votre dossier l’ensemble des obligations légales ou sectorielles applicables (habilitations, réglementation métier, obligations de certification…). Montrez en quoi la certification respecte ces exigences et sécurise l’exercice professionnel visé.
- voie d’accès par la VAE non opérationnelle : Vérifiez que votre dossier VAE est complet, cohérent et bien structuré. Décrivez les modalités de jury, fournissez un livret 2 spécifique et démontrez que les compétences peuvent être validées par l’expérience dans le cadre d’un RNCP.
- architecture des blocs de compétences insuffisante pour un RNCP : Veillez à ce que vos blocs soient lisibles, autonomes et bien articulés. Ne mélangez pas plusieurs logiques ou options dans un même bloc. De même, ne répétez pas des compétences équivalentes dans différents blocs. Rattachez chaque bloc à des activités clairement identifiables et à un périmètre d’emploi bien délimité.
- Persévérer : déposer une nouvelle version enrichie du dossier
La persévérance est essentielle. Un refus n’est pas une fin en soi, mais une opportunité de consolider votre projet et d’ajuster votre dossier en fonction des attendus de France Compétences. Après avoir identifié et renforcé les points faibles, il est important de mettre en œuvre un plan d’amélioration rigoureux avant d’envisager un nouveau dépôt.
Prenez le temps nécessaire. Un redépôt trop rapide, sans révision de fond, peut être perçu comme le signe d’un manque de recul ou d’une réponse partielle aux recommandations formulées. France Compétences valorise la qualité du travail de fond bien plus que la rapidité de réaction.
Depuis la publication du décret du 6 juin 2025, une période de carence d’un an s’applique en cas de trois refus ou de dépôts répétés sur une période de cinq ans. Il est donc indispensable d’aborder chaque dépôt comme une véritable opportunité de démonstration et non comme une tentative supplémentaire.
Pour maximiser vos chances de réussite, entourez-vous d’experts du champ de la certification, faites relire votre dossier de manière critique, ou échangez avec des porteurs de projet ayant obtenu un enregistrement. Ces retours d’expérience peuvent vous offrir un regard neuf, éviter les erreurs récurrentes et affiner votre stratégie de dépôt.