« Depuis plusieurs années, Grenoble EM implémente des IA dans les technologies de réalité virtuelle » 

by Olivier Rollot

Les écoles prennent à bras le corps les questions liées aux IA. Grenoble EM a quant à elle une longue expérience d’immersion de ses étudiants en réalité virtuelle, maintenant renforcée par les IA, comme nous l’explique son directeur académique en charge des programmes, Philippe Monin.

Olivier Rollot : Plusieurs accords ont été signés ces dernières semaines entre des écoles de management et des solutions d’IA. Grenoble EM travaille-t-elle avec une solution d’IA en particulier ?

Philippe Monin : Dans la suite du partenariat historique que GEM a établi avec Microsoft, nous avons choisi de mettre à disposition de nos étudiants son IA, Copilot, qui complète et enrichit la suite Microsoft.

Cela étant dit, nous allons très au-delà des modèles larges de langage (LLM). Depuis plusieurs années, nous implémentons des IA dans les technologies de réalité virtuelle (VR) – on parle désormais de réalité étendue (eXtended Reality) – avec le soutien d’une équipe interne d’une dizaine de spécialistes. En 2025, ce sont déjà plus de 1 500 de nos étudiants qui auront utilisé des technologies XR couplant IA et VR.

Par exemple, les solutions Bodyswaps que nous utilisons dans ces applications VR nous permettent de développer des simulations réalistes et d’embrayer immédiatement vers un feedback personnalisé sur les soft skills développés. Le tout est déployé avec un casque virtuel qui interagit avec une IA et qui enregistre toutes les caractéristiques de l’échange. Le feedback personnalisé de l’enseignant est considérablement enrichi, puisque celui-ci peut interpréter et analyser des éléments beaucoup plus précis et détaillés.

O. R : Vous avez d’autres utilisations des IA dans des contextes de VR ?

P. M : Dans les enseignements linguistiques, 500 de nos étudiants ont utilisé cette année les solutions Bodyswaps et Wonda qui, combinées, leur permettent de recevoir, dès la fin de leurs exercices, leurs corrections et pistes d’amélioration.
Avec ces solutions, nous avons également réalisé près de 600 simulations d’entretien de recrutement, en entraînant un agent IA sur plusieurs profils très spécifiques, plus de 200 étudiants ont simulé des négociations, une vingtaine ont pitché des projets de création d’entreprise. Des scénarii combinant XR et IA ont été développés avec 80 cadres en executive education. Enfin, 40 de nos étudiants ont pu s’entraîner à une simulation de gestion de crise dans un centre de contrôle d’infrastructure électronique dans le cadre du Programme d’investissement d’avenir (PIA) Smart Energy Campus.

En bref, en termes d’IA, la réalité virtuelle (VR) et la réalité étendue (XR) sont vraiment les marques de fabrique de la pédagogie GEM, qui s’appuie sur des infrastructures spécifiques, notamment des salles dédiées pouvant absorber de grandes puissances de wifi.

O. R : Ce sont de gros investissements que vous consacrez à ces actions ?

P. M : Depuis 2019, nous y avons consacré de l’ordre de 10 millions d’euros. Sous la direction de David Courty (innovation manager et responsable des expériences immersives), cinq ingénieurs travaillent à plein temps sur ces questions au sein de notre campus de l’Innovation, GEM Labs.

Le processus est initié quand un professeur, ou un petit groupe de professeurs, vient poser une problématique aux ingénieurs. C’est le cas par exemple, lorsqu’il s’agit d’obtenir et enrichir un feedback immédiat suite à un oral en langue ou une négociation. Nous avons également des demandes d’industriels, notamment pour former leurs techniciens. Il en ressort une pédagogie véritablement personnalisée, avec des traces écrites immédiates, que le professeur est libre de commenter et de partager ensuite aux apprenants. Des travaux de recherche récents indiquent que ces dispositifs multiplient par quatre le taux d’engagement des étudiants, et au niveau de GEM, nous constatons en effet une véritable adhésion et un engouement, de la part des étudiants.

Notre équipe a également développé un savoir-faire dans la programmation des agents conversationnels et des IA – une forme de prompt engineering avancée. C’est naturellement sur la base de ces compétences distinctives que nous développons la signature pédagogique 60/20/20 de notre plan stratégique EAGLE 2030 : 60 % de cours en présentiel, 20 % hors les murs et 20 % en virtuel.

O. R : Vos professeurs sont en demande de cette approche pédagogique ?

P. M : Oui, les professeurs les plus en demande sont ceux qui enseignent beaucoup, au contact des étudiants, bref, plutôt les ‘pédagogues’ que les ‘chercheurs’, et c’est une très bonne nouvelle, car l’évolution de la pédagogie est l’enjeu principal des business schools aujourd’hui. C’est un formidable enrichissement pour des professeurs qui ne sont pas des chercheurs, notamment les enseignants en langues et ceux qui enseignent en executive education.

Au fond, le couplage IA*XR nous permet de renouveler le « GEM learning model » développé avant les IA et la VR, pour passer à la pédagogie immersive de notre plan stratégique.

O. R : Revenons aux IA. Quelle maturité ont les étudiants de leur utilisation ?

P. M : Dans leur très grande majorité, ils en sont familiers mais de manière superficielle ; seul un très petit nombre les connaît bien. Évidemment, ils utilisent massivement les LLM pour l’écriture des mémoires ou projets de fin d’études, ce qui pourrait nous amener à revoir substantiellement nos modalités d’évaluation des compétences et nos pratiques de contrôle du plagiat. C’est un sujet très sensible, car ces mémoires sont la pierre angulaire des programmes gradés à bac+5 : ils doivent permettre de s’assurer des compétences acquises en termes de créativité, d’analyse et de synthèse, d’esprit critique et de réflexion éthique. Or ce sont des compétences que l’on pourrait peut-être évaluer par d’autres dispositifs dès lors que les IA comme Scanlitt facilitent considérablement les revues de littérature, que Grammarly facilite l’écriture, et que d’autres IA génératives automatisent d’autres tâches de recherche.

O. R : Des outils qui font également évoluer l’évaluation de la recherche !

P. M : Oui, c’est un autre sujet ! Les éditeurs de revue scientifiques sont submergés de manuscrits largement réalisés par des IA, les éditeurs de revues ont de plus en plus de mal à trouver des relecteurs qui, dans leur temps imparti, recourent de plus en plus massivement aux IA pour… formuler leurs revues. Bref, les IA sont en train de radicalement transformer la production scientifique dans notre domaine ! Et au-delà, toute notre chaîne de valeur est impactée. Faut-il, à titre d’exemple, encore demander des lettres de référence dans le cadre des processus de sélections ou d’admissions d’étudiants ? Les Business Schools ont un boulevard devant elles pour se réinventer, et sur l’IA et la VR, GEM change aussi d’échelle !




































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