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« Les jeunes générations ont un appétit incroyable pour les questions internationales »: Jean-Dominique Giuliani (Ileri)

Fondé en 1948, longtemps présidé par René Cassin, co-auteur de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et prix Nobel de la paix en 1968, l’Institut libre d’étude des relations internationales (Ileri) est un établissement à part dans l’enseignement supérieur français. Le président de l’Ileri, Jean-Dominique Giuliani, qui préside également la Fondation Robert Schuman, revient avec nous sur un modèle de plus en plus d’actualité à mesure que la géopolitique prend de plus en plus d’importance dans l’enseignement.

Jean-Dominique Giuliani (Photo : Charly Gallo)

Olivier Rollot : Vous avez pris la présidence de l’Ileri début 2019. Qu’est-ce qui vous a poussé à prendre cette fonction ?

Jean-Dominique Giuliani : L’engagement et la fidélité. La transmission est essentielle. Se mettre au service des jeunes générations est prioritaire et très gratifiant. De plus j’étais très proche de Raymond Barre, qui a présidé l’Ileri pendant 10 ans et y était très attaché. Aujourd’hui je succède à Antoine Sfeir qui fut un président très apprécié et pour lequel j’ai eu beaucoup de considération.

 O. R : Quel rôle joue un président d’école ? Ce n’est pas seulement un rôle honorifique ?

J-D. G : Il est modeste. Je suis là pour soutenir les efforts d’une équipe de direction particulièrement dynamique en l’aidant à développer les contacts avec les entreprises et les institutions et en soutenant tous ses souhaits de développement dans les domaines les plus divers, bien évidemment sur les questions européennes, comme dans le domaine de la défense que je connais bien. Enfin il me faut les assister pour mieux faire connaître encore l’Ileri, qui le mérite grandement.

O. R : Vous avez l’occasion de rencontrer des étudiants ?

J-D. G : Bien sûr, je l’ai déjà fait et j’ai bien l’intention de continuer ! J’apprécie beaucoup les étudiants de l’Ileri. Je suis sensible à leur liberté de ton dans une école qui réalise un très beau travail qui sort des moules habituels. En matière d’Europe c’est une chance : on s’est par exemple trop longtemps focalisé sur l’enseignement du droit européen alors que la politique européenne est fascinante et que les politiques publiques conduites en commun sont très efficaces. Elles méritent toutes d’être enseignées et étudiées.

O. R : D’autant que la géopolitique a le vent en poupe. Elle fait même maintenant partie des enseignements de spécialité du nouveau bac (« Histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques ») !

J-D. G : Il y a 20 ans, quand j’ai pris la présidence de la Fondation Robert Schuman, c’était un sujet émergent. Aujourd’hui la géopolitique est une partie intégrante de l’enseignement. Les grandes écoles militaires organisent par exemple un séminaire annuel inter-armé sur ces questions. La grande bascule géopolitique à laquelle nous assistons, avec le retour des rapports de force et la montée en puissance des États-continents, interpelle toutes les démocraties. Il y a une vraie quête de compréhension chez tous les citoyens, une vraie demande pour des explications que les élites politiques ne parviennent plus toujours à fournir. Une partie de l’insatisfaction des citoyens vient de cette frustration.

A l’Ileri, nos conférences sont régulières et concernent tous les sujets géopolitiques, qui génèrent beaucoup d’intérêt et d’ailleurs de questions. Les jeunes générations ont un appétit incroyable pour les questions internationales et notre devoir est de leur donner les clés qui leur permettront, dans ce domaine, de comprendre et d’apprendre toute leur vie. L’Ileri, ouvert sur le monde, les langues et les cultures, est très bien positionné pour cela .

O. R : Parlez-nous un peu plus de la Fondation Robert Schuman que vous présidez. Quel est son rôle aujourd’hui ?

J-D. G : La Fondation Robert Schuman – grand Européen décédé en 1963 – a été créée en 1991 à l’initiative de personnalités françaises connues pour leur engagement européen comme Alain Poher, René Monory, Raymond Barre ou Jean-François Poncet. A l’époque il s’agissait d’accompagner les nouvelles démocraties d’Europe de l’Est après la chute de l’Union soviétique. Nous avons aidé les dissidents, qui sont devenus des dirigeants de leur pays et nous travaillons encore beaucoup en périphérie de l’Union, comme dans les Balkans.

En 2000 ces personnalités ont souhaité que la Fondation se transforme en véritable Think tank, un laboratoire d’idées qui analyse et produise aussi des études, des recommandations, comme par exemple dans notre Rapport annuel sur l’état de l’Union. Nous publions également chaque semaine une newsletter qui a 220 000 abonnés.

O. R : Alors justement : êtes-vous optimiste sur l’état d’une Union européenne qui semble en pleine crise de maturité ?

J-D. G : Je suis optimiste parce que toutes les enquêtes montrent que les citoyens européens considèrent l’Union comme un acquis et ne veulent pas la quitter. Ils n’en sont pas toujours satisfaits mais, à l’exception du Brexit, ne la remettent pas en cause. Il faut aussi bien comprendre l’exception que constituent les Britanniques à l’aune d’une Seconde Guerre mondiale dont ils sont sortis vainqueurs quand tous les autres peuples européens en sont sortis vaincus.

C’est parce que les États européens étaient divisés qu’on a créé l’Union européenne. C’est un choix de raison. L’Union est donc d’abord un outil au service de nations qui se rassemblent pour assurer en commun une partie de leurs obligations qu’elles ne peuvent plus assumer seules. Ensemble nous avons fait en 70 ans un extraordinaire parcours pour reconstruire une Europe ruinée. L’UE c’est le premier PIB du monde, la première puissance commerciale, le plus grand nombre d’États démocratiques. Les citoyens européens sont très majoritairement conscients de cet acquis. Et s’il faut transformer l’Europe pour lui permettre d’affronter le siècle qui vient, nous partons d’un succès et non d’un échec. Je suis optimiste : L’Europe peut rester, à la fin du XXIème siècle parmi les trois plus grandes puissances de la planète.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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