ECOLES DE MANAGEMENT

« L’ISC Paris est totalement indépendant »

Face aux écoles « mastodontes », l’ISC Paris cultive sa singularité d’école à taille humaine ancrée dans son territoire parisien. Mais pas seulement. Directeur de l’ISC Paris, Henry Buzy-Cazaux nous trace le portrait d’une école qui sera bientôt implantée à Orléans.

Olivier Rollot : Votre campagne de recrutement d’élèves de prépas s’est plutôt bien déroulée en 2018. Comment l’expliquez-vous ?

Henry Buzy-Cazaux : Sans atteindre notre objectif, qui était de 150 intégrés, nous avons effectivement progressé pour passer à 111 élèves quand ils n’étaient que 98 en 2017. En 2018 notre objectif sera d’en recruter 125 même si nous sommes conscients de la concurrence que nous font les écoles mieux classées en ouvrant toujours plus de places aux élèves de prépas.

Cette réussite nous la devons aussi au travail effectué par tous : encadrement administratif, professeur, étudiants admisseurs et anciens. Toute l’équipe est volontaire et enthousiaste avec un authentique sentiment de fierté et un fort attachement à notre programme Grande école. Même si on ne peut plus s’appuyer uniquement sur lui, il est très important pour le crédit donné à la marque.

O. R : Vous allez donc encore développer vos autres modes de recrutement ?

H. B-C : Nous recrutons effectivement des admis sur titre : 150 chaque année après un bac+2 et 250 après un bac+3. Nous développons notre notoriété à l’international. L’accréditation AACSB (Association to Advance Collegiate Schools of Business) nous donne une voilure importante. L’ISC est mieux identifiée et fait vivre aujourd’hui 150 accords internationaux avec des institutions prestigieuses

L’ISC Paris

O. R : Vous pensez ouvrir un jour un campus à l’étranger ?

H. B-C :  Nous pourrions également imaginer des partenariats avec des écoles qui nous ressemblent pour monter des campus en commun, en France comme à l’étranger. A la stratégie de campus, très consommatrice de moyens humains et financiers, nous préférons une stratégie d’accords, qui ouvre plus largement les choix de destinations au profit de nos étudiants.

O. R : Quelle place va occuper le bachelor ?

H. B-C : Cette année il sera accessible sur Parcoursup à partir du concours Atout+3. Aujourd’hui ne pas être sur Parcoursup n’est pas pensable. Notre bachelor est une offre pédagogique à part entière ménageant à nos diplômés une forte employabilité.

O. R : ISC Paris est la seule école non issue de l’univers des chambres de commerce et d’industrie à avoir obtenu une accréditation internationale. Comment y êtes-vous parvenus ?

H. B-C : Etre indépendant n’empêche pas la qualité et nous confère une agilité accrue ! L’ISC Paris a été la première école de commerce indépendante privée française à bénéficier de l’accréditation internationale AACSB. Mais à un moment cela coûte très cher de postuler à toutes les accréditations. Ce qui ne nous empêche pas de travailler à obtenir d’autres accréditations dans le cadre de notre plan stratégique. Nous sommes en tout cas très fiers de pouvoir être présents dans le classement des masters in management du Financial Times en vertu de ce label. Nous y tenons particulièrement bien notre rang grâce à l’enquête alumni. Nous sommes persuadés que le concept d’« entreprise étudiante » donne du sens à toute notre démarche pédagogique.

O. R : Dites-nous en plus sur ce concept d’« entreprise étudiante ».

H. B-C : L’implication des étudiants de l’ISC Paris dans les entreprises étudiantes à raison de 50% du temps pédagogique leur assure une appropriation des compétences à la fois plus solide et plus rapide. Les entreprises étudiantes sont bien autre chose que des associations telles qu’on les conçoit dans des business schools. Il s’agit d’authentiques structures porteuses d’un objet social, d’un métier, d’une organisation, dotées d’un budget de fonctionnement et astreintes à atteindre des objectifs commerciaux en servant des clients à conquérir et fidéliser. L’étudiant y occupe une fonction conforme à son profil. Ces entreprises vivent en quelque sort en double commande, suivies et encadrées non seulement par un directeur dédié membre du comité de direction, mais aussi par des professeurs ou encore des alumni engagés à nos côtés.

Une forme évoluée de vie associative intégrant l’entrepreneuriat que nous devons au fondateur (Paul Icard), dont l’intuition a été respectée et développée depuis 56 ans. L’inspirateur de notre stratégie nous a dotés d’une seconde différence forte : féru de psychologie, il a voulu que nous respections les personnalités et que nous ne les uniformisions pas. Pour nous la personnalité doit absolument être utilisée comme un levier d’épanouissement. L’ISC Paris est sans doute l’une des grandes écoles de management les moins normatives.

O. R : Comment faire pour se développer en restant aujourd’hui la seule école « mastérisée » indépendante d’un groupe comme d’une chambre de commerce et d’industrie ?

H. B-C : C’est un modèle économique qui a toujours été difficile. Avec un budget annuel de l’ordre de 20 millions d’euros, notre équilibre repose essentiellement sur les frais de scolarité et dans une moindre mesure de deux accompagnements financiers publics, la subvention au titre de notre statut EESPIG et la taxe d’apprentissage que nous sommes habilités à recevoir. Il est clair que la réforme en cours nous conduit à gagner rapidement notre indépendance par rapport à cette dernière ressource.

Nous sommes avant tout une association indépendante, qui doit s’attacher à développer ses produits d’exploitation. Nous le faisons avec imagination et énergie notamment par des parcours hybrides avec des écoles spécialisées comme l’IMSI, l’ILERI ou lHEDREA. Des écoles consœurs, dans l’univers consulaire, sont encore dans des situations artificielles qu’elles savent fragiles. Certaines de leurs charges étaient supportées par leur tutelle. Ce n’est pas notre cas quand nous devons par exemple payer 2 millions d’euros de loyers chaque année.

O. R : Imaginez-vous des alliances avec d’autres groupes ?

H. B-C : Nous sommes aujourd’hui totalement indépendants. Nous tenons à cette indépendance. Je ne porte pas de jugement sur les actionnaires, fonds d’investissement. Je suis seulement convaincu que la gestion à court terme et étroitement financière ne fait pas bon ménage avec les missions d’une Grande École comme la nôtre. Pour autant, nous veillons avec exigence à notre profitabilité, gage de notre durabilité.

Ce que je souhaite c’est que nous gardions notre identité et notre âme tout en concluant des alliances avec d’autres écoles comparables et des universités, mais aussi avec des entreprises. Avec elles, dont nous sommes ontologiquement proches, nous devons inventer une nouvelle façon de travailler pour qu’elles nous accompagnent au mieux dans la formation de nos jeunes, de nos apprenants, et qu’elles concourent à la pertinence de notre recherche.

O. R : Pensez-vous augmenter vos frais de scolarité à l’avenir ?

H. B-C : Je suis prudent sur cette voie, pour nous, comme pour les autres grandes écoles de management. Nous ne devons pas nous éloigner de la solvabilité des familles. En outre, la solution d’endetter les étudiants présente des dangers : nous sommes là pour les doter d’atouts pour la réussite, pas pour hypothéquer leur avenir pour plusieurs années.

L’ISC Paris met le cap sur Orléans. Orléans Métropole avait lancé fin 2017 un appel à manifestation d’intérêt dans l’objectif « d’intéresser et d’accueillir de nouveaux établissements d’enseignement supérieur sur son territoire ». En compagnie de l’ESTP et d’Agro ParisTech, l’ISC a répondu à l’appel et y implantera à la rentrée 2019 des bachelors. « C’est un tournant pour une école jusqu’ici 100% parisienne qui va au-devant des entreprises et des jeunes qui ne peuvent pas toujours partir loin de chez eux et perdent ainsi la chance d’intégrer une Grande école », explique Henry Buzy-Cazaux. Orléans Métropole met à la disposition des écoles des « lieux d’exception » et un futur « campus Madeleine », un espace de 20 000 m2 en plein cœur de ville. « Nous avons déjà une université, une école d’ingénieurs, une école d’art et design, un bachelor en management. Notre UFR de droit et gestion est reconnue et notre université a le projet de créer une école de management public. Mais tout cela n’est pas suffisant pour une capitale régionale comme la nôtre. Si nous voulons progresser dans un bassin d’emploi dynamique il nous faut attirer sur notre territoire une offre d’enseignement supérieur plus importante », confie le maire d’Orléans et présidente d’Orléans métropole, Olivier Carré.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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