Didier Desplanche, directeur général d’Ecam LaSalle Lyon
ECAM LaSalle s’engage dans « Orientations 2030 », son plan stratégique en 3 axes prioritaires qui vise à « intensifier son excellence académique, renforcer sa politique de recherche, et accélérer sa transition écologique ». Un plan sur lequel son directeur, Didier Desplanche, revient avec nous tout en traçant les contours d’une école qu’il dirige depuis près de 17 ans.
Olivier Rollot : Comment définiriez l’Ecam LaSalle et son campus de Lyon au sein d’un écosystème de l’enseignement supérieur très riche dans la métropole lyonnaise ?
Didier Desplanche : Nous sommes un établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général (EESPIG) avec une mission de service public et la volonté de réinvestir nos résultats financiers dans des choix stratégiques efficients. Ces dix dernières années nous avons ainsi réinvesti 30 millions d’euros notamment dans nos bâtiments, pour améliorer leur bilan énergétique. 10 millions d’euros d’investissement sont encore en cours dans les cinq à huit ans. Nous avons la particularité d’être depuis 1977 sous l’égide une fondation d’intérêt publique « abritante », la seule en France pour une école. Nous sommes donc fortement contrôlés par l’État et un commissaire du gouvernement siège à notre conseil d’administration.
La concurrence est sévère à Lyon où se sont installées récemment plusieurs écoles d’ingénieurs privées. Pour Ecam LaSalle et son campus de Lyon ce n’est pas neutre d’être implanté sur la colline de Fourvière au cœur de la ville. Ceci rassure les parents, tout en proposant aux étudiants une expérience étudiante riche. Nous sommes dans un monde de plus en plus consommateur où le service apporté aux étudiants est fondamental.
J’ajoute que nous avons également un petit campus au Cambodge, à Phnom Penh, en partenariat avec l’Institut de la technologie du Cambodge.
O. R : Dans quelles spécialités l’Ecam LaSalle se spécialise-t-elle ?
D. D : Nous proposons un mélange de thématiques entre l’énergie, les matériaux, le génie industriel, la robotique, la mécanique et l’électricité. Un enseignement multidisciplinaire de type « arts et métiers » où le savoir-faire, la technique et le côté pratique priment.
Nous possédons des plateformes technologiques où nous simulons les pratiques de l’entreprise. Des « usines écoles » qui permettent de comprendre la réalité de nos métiers. En 2009 nous avons ains inauguré, en compagnie de Christine Lagarde, ministre de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi et Gérard Collomb, alors maire de Lyon, l’Institut de l’Excellence Opérationnelle. Avec le soutien de l’industriel Gene Haas nous avons créé en 2021 le Gene Haas Center, une plateforme de 350 m2 avec huit machines-outils.
O. R : Comment caractériserez-vous votre plan stratégique ?
D. D : Je dirais que c’est un plan stratégique de « consolidation » qui s’inscrit dans un contexte en constante évolution où les transformations économiques, technologiques, sociales et environnementales s’accélèrent. En s’appuyant sur ces trois orientations stratégiques, nous œuvrons pour un monde ou les ingénieurs et techniciens seront capables de s’engager dans des environnements opérationnels exigeants et de répondre aux défis de notre société.
Le premier axe est bien sûr l’excellence académique alors que nous avons créé beaucoup de programmes nouveaux ces dernières années et multiplié nos effectifs par deux depuis dix ans. Nous accueillons aujourd’hui 2 000 étudiants et diplômons 450 ingénieurs chaque année. Nous devons associer toujours plus développement et qualité.
Notre deuxième axe est l’expérience étudiante. Nos plateformes technologiques nous permettent de mettre nos étudiants en situation réelle au-delà des travaux pratiques et des stages. Nos clubs étudiants nous permettent par ailleurs d’insérer des activités extrascolaires dans notre projet d’expérience étudiants. Aujourd’hui il faut arrêter d’ajouter toujours de nouvelles briques dans les programmes de formation ingénieurs. I c’est 2 000 heures dans lesquelles on ne peut plus rien ajouter.
O. R : Vous formez vos professeurs aux pédagogies spécifiques que vous mettez en œuvre ?
D. D : Nous avons même créé une Ecam LaSalle Académie avec un ingénieur pédagogique pour accompagner le corps professoral au métier d’enseignant et à l’animation d’un cours. Un des premiers objectifs adressé depuis sa création en 2020, est comment retenir l’attention des étudiants, mettre du rythme dans les cours, rentre active une classe, etc. Notre première ingénieure pédagogique était américaine diplômée d’un master en pédagogie de la prestigieuse université d’Harvard. Elle a su apporter des techniques d’animation de cours, pour optimiser le rythme d’un cours de 2 heures. Elle a pu former le corps enseignant pour la construction d’un cours avec des séquences de 10 minutes. Car c’est aujourd’hui le temps d’attention moyen pour un étudiant en cours.
Un autre exemple d’amélioration pour rendre plus confiant l’enseignant devant sa classe. Nous avions des enseignants en difficulté du fait d’une voix qui ne portait pas assez. Nous avons organisé des séances avec un expert du Stand-up pour une meilleure appropriation de sa respiration, de poser sa voie, une meilleure maitrise de l’angoisse, et utiliser son corps pour rendre son cours plus dynamique.
O. R : Au cœur de votre plan stratégique on trouve notamment tout en pan consacré à la recherche et notamment dans la responsabilité sociale et environnementale (RSE). C’est fondamental pour vous aujourd’hui ?
D. D : L’excellence académique s’appuie sur une politique de recherche en faisant émerger de nouveaux thèmes. Un parcours d’exposition à la recherche sera d’ailleurs proposé à tous les étudiants. De plus 90 % de la recherche sera réalisée en partenariat avec les entreprises.
Notre engagement spécifique dans la RSE s’est traduit par la création en 2023 d’un Institut de la transformation climat avec le groupe Naldeo. C’est une « usine école » unique en France dont l’objectif est de former les élèves-ingénieurs, mais aussi les professionnels, à de nouvelles compétences opérationnelles pour mettre en œuvre les plans climat des entreprises et ainsi amorcer les transitions dans les organisations.
Dans le même domaine nous nous sommes associés à l’IAE de l’université Lyon 3 sur le sujet de recherche Smart Lean Green. Nous avons constitué une équipe de recherche commune qui se traduit notamment par l’accueil au sein du laboratoire de recherche Magellan de l’IAE Lyon d’enseignants-chercheurs d’ECAM LaSalle. Ensemble nous travaillons à la réindustrialisation de la France en modélisant les arbitrages entre performance industrielle, digitalisation et transition écologique. Il s’agit de marier ces trois paramètres pour donner les clés de lecture aux dirigeants d’entreprise qui souhaitent avoir une performance globale.
O. R : Combien l’Ecam LaSalle Lyon compte-t-elle aujourd’hui d’enseignants-chercheurs ?
D. D : Ils sont quinze aujourd’hui et nous avons l’objectif de doubler ce nombre d’ici cinq ans.
O. R : Vous parlez de former des professionnels. Quelle est la part de la formation continue dans l’activité de l’Ecam LaSalle Lyon ?
D. D : Environ 10% de notre activité soit 1,8 M€ sur 18. La diversification de nos ressources est nécessaire et nous développons également de plus en plus re recherche appliquée avec les entreprises.
O. R : L’Ecam LaSalle c’est tout un réseau d’écoles. Comment travaillez-vous avec les autres Ecam ?
D. D : L’Ecam LaSalle c’est un réseau mais sans gouvernance unique. Nous partageons, nous nous entraidons, nous accueillons des étudiants d’autres écoles d’ingénieurs Ecam. Nous proposons des semestres en mobilité à l’international sur notre campus de Phnom Penh. Ce réseau nous permet de partager les bonnes pratiques de nos métiers, et nous travaillons ensemble pour nous améliorer.
O. R : Questions pratiques : comment recrutez-vous ? combien coûte l’année en formation d’ingénieur ?
D. D : Essentiellement après le bac sur Parcoursup sans concours. Notre choix originel a toujours été de recruter sans concours pour ne pas nous focaliser sur une seule journée. Nous faisons confiance au notation du parcours en lycée pour évaluer les dossiers et nous sommes attentifs lors des entretiens à nous assurer de la bonne adéquation du projet de l’étudiant avec les formations que nous offrons.
Nos frais de scolarité sont aujourd’hui autour de 8 500€ par an et augmentent au grès de l’inflation. Aujourd’hui nous souhaitons stabiliser ces frais en tenant juste compte de l’inflation. Les frais de scolarité ne doivent en aucun cas être un frein.
Nous avons d’ailleurs constaté comment nos étudiants devenaient plus exigeants en termes d’attente de service offert lorsque les frais de scolarité augmentent. Nous leur proposons notamment une offre de résidence sur notre campus, de très belle qualité aux alentours de 400€ par mois. Et une cafétéria Crous. Nous délivrons également de l’ordre de 500 000€ de bourses par an en nous appuyant sur nos différents soutiens financiers, notamment des fonds de dotation.
O. R : Avez-vous le sentiment qu’aujourd’hui les étudiants se sentent aussi proches de leur école qu’il y a seulement quelques années ?
D. D : On a un peu perdu le sentiment d’appartenance à son école en répondant depuis la crise Covid, aux attentes de petites communautés d’étudiants. Il fallait pouvoir s’identifier à une thématique, à un projet, à un campus, à une entité physique. La période Covid a empêché les transmissions traditionnelles. Cela a généré une coupure que nous reconstruisons petit à petit.
Nous sommes attentifs à ce que les étudiants puissent contribuer aux projets de l’école. Les étudiants doivent pouvoir prendre la parole et contribuer aux choix de l’école. C’est ce que nous avons fait pour définir notre plan stratégique dans le cadre de groupes de travail avec la participation de différentes parties prenantes.
En formant des étudiants nous contribuons à quelque chose de noble. Le campus est organisé de manière à ce que tous les bâtiments du campus reçoivent des étudiants. Par exemple, aucun bâtiment n’est réservé à l’administration. Nous avons imaginé nos espaces pour favoriser la relations aux autres et faciliter les échanges.
Nous travaillons avec nos étudiants sur leur relation aux autres, comment se sentir utiles, comment vivre avec d’autres cultures, etc. Travailler en mode projet sur nos plateformes technologiques, avec des étudiants internationaux, cela apprend à vivre ensemble !
O. R : Vos étudiants utilisent forcément les IA. Comment les y formez-vous
D. D : 90% de nos étudiants utilisent les IA. Nous avons la responsabilité de les informer et former pour qu’ils s’interrogent sur la pertinence des réponses et de l’utilisation des outils de l’IA. Nous devons les sensibiliser sur les manipulations ou dérives possibles. En tant que futurs ingénieurs et scientifiques, ils doivent avoir un esprit critique, et s’assurer des références sur lesquelles ils s’appuient, se poser la question de la pertinence de l’IA pour les différentes tâches.
O. R : A l’international comment se développe l’Ecam LaSalle Lyon ?
D. D : Nous travaillons avec 125 partenaires académiques dans le monde. Le projet international pour lequel nous mobilisons nos ressources actuellement est notre alliance d’universités Européenne appelée Challenge.eu. Cela donne une dynamique nouvelle pour notre développement à l’international. Un autre projet sur lequel nous sommes en cours de discussion est un projet de partenariat en Chine avec l’université Chengdu.
En tout nous recevons aujourd’hui 12% d’étudiants internationaux avec l’objectif de passer à 20%. A noter que nous avons une formation d’ingénieurs post-bac dont l’enseignement est totalement dispensé en anglais sur les 5 années. Nous dispensons ce programme depuis 10 ans dont les fondamentaux sont la mécanique et le génie électrique. 4 options au sein de ce programme permettent une réponse aux besoins spécifiques des entreprises : robotique et automatique, Génie industriel et Supply Chain, les énergies renouvelables, et la mécanique.
O. R : Pensez-vous pouvoir faire venir des professeurs des Etats-Unis ?
D. D : S’il y a des opportunité nous les regarderons mais il faut encore que ce soit pour un contrat pérenne, de trois à cinq ans. Il nous faut d’abord penser à bien gérer les enseignants-chercheurs aujourd’hui employés au sein d’ECAM LaSalle. Lyon est une ville séduisante à l’international avec des laboratoires et des enseignants-chercheurs de premier niveau.